~u’on peut entreprendre de façonner au plus rude
e tous les travaux, d'habituer à la nourriture
la plus groflière & la plus mefquine, des hommes
qui tous étoient accoutumés a la vie paftorale
& dont plufieurs étoient très-riches? Mais les goii-
vernemensme le font-ils pas fait dans tous les tems
un jeu cruel de tromper les hommes ? Cette barbare
entreprile échoua après avoir coûté la vie
a la majeure partie des acadiens qui y périrent
de faim & de fatigue. Il en reftoit néanmoins
encore, un allez grand nombre ; cela étoit gênant.
Quelque dure que foit l'ame des defpotes, fi lé
cri du malheur ne la touche pas, au moins il 1 importune. Le miniftre d'alors chercha donc le
moyen, non pas de réparer fes injuftices pafTées,
mais de fe délivrer des plaintes & des tableaux
jiffligeans qui pouvoient quelquefois, troubler fon
repos. Il prit un parti fimple; ce fut d'en re-
jetter les objets dans le nouveau monde. Les acadiens
qui n'avoiênt pas péri dans le-Poitou furent
tranfportés à la Louifiane & prefque tous
y trouvèrent enfin le dernier terme de leur mi-
fère. y . . la mort.
On peut juger jufqu'à quel point ces trilles
jouets de la fortune furent indignement traités. js
uifque de trois cents qui débarquèrent à. Cherourg,
il'n'y en exille plus que vingt-trois. Malgré
cette extrême diminution, la modicité de leur
paie parut encore, à un gouvernement diflîpa-
teur, une. charge trop forte pour le tréfor public.
On l'ouvroit rarement dans ces jours de fean-
dale pour faire des aâes d’humanité & de. justice.
On jugea tout-à-fait inconvenable de diminuer
en rien que ce fût fes fommes dellinées
a alimenter , le luxe effréné des çourtifans pour
fournir du pain à des malheureux qui n'avoiênt
apporté qu'un feul tréfor avec eux : je yeux dire
le modèle de toutes les vertus dômeftiques, feule
bafe des moeurs publiques &' de la félicité des
sations, tréfor le plus précieux fans doute au-x
yeux de la liber té, mais de nulle valeur à ceux
d’un gouvernement corrompu & chez un peuple
où la fervitude avoit tout dénaturé. Ainfi alors
Blême qu'un âge plus avancé aurait pu follici-
rer une augmentation defecours en. faveur des acadiens
, leur' folde fut réduite'en 1777 , à trois
fous par-jour pour quelques-uns & à rien pour
les autres. En vain ces. infortunés ont fait retend
air de .leurs réclamations les bureaux des minif- *
trè s , ils n’ont rien obtenu , à l'exception d’un
fecours d'une exceflive. modicité dans- l’affreux
hiver de 1789.
Il n’ell peut-être pas indifférent d’obférver que
eeux-là feuls y participèrent, que l'on appelloit
nobles; le peuple n'eut rien & lorfqu'on pref-
fbit M. de Calonne en faveur des acadiens., il ré-
pondoit froidement : les fonds definis aux familles
acadiennes font employés ; quand il y en aura de
disponibles g an verra s’i l fera poffible d'y faire
participer les plus âgés. Les fonds font employés ;
peut-on voir fans la plus douloureufe indignation
refufer ainfi le pain à des infortunés qui n'avoiênt
de crime à fe reprocher que celui d'avoir trop
aimé leur patrie , lorfqu'on prodiguoit le fang
des peuples ; à qui ? Vous le favez , à des hom-
mes pervers 3 à des femmes perdues. La fociété d.es- amis de la conftitution de Cherbourg , &
enfuite la municipalité, voyant qu enfin l'idole
de la faveur-étoit brifée, & que le règne de la
juftice commençoit 3. firent pafier vers le milieu
de l'été j foit au comité des penfions, foit à
l'affemblée nationale3 qui les lui a renvoyés, différens
mémoires & pièces fur cet objet. Il en
eft également parvenu de la ville de Morlaix, qui
. éleve. à dix environ le nombre des .acadiens qui
réfident.
C'eft d'après ces pièces & différens renfeigne*
mens pris a cet égard, que nous vous deman •
dons de réparer de .longues injuftices 5 en rét.v
bliftant en favêur des acadiens les fecours dont
ils ont précédemment joui. Nous vous propo-
ferons de les leur accorder à commencer du premierjanvier
1790. Leurs réclamations étant par-
venues vers le milieu de cette année , & les
détails-immenfes dont le comité fur-tout l'af-
fem b lé e fon t chargés 3 ayant empêché qu'on ne
pût les faire valoir à cette tribune avant cet
mftant, il nous a femblé que les acadiens n'en
dévoient pas fouffrir. Nous avons cru devoir
en mênte tems préfeater par l’article IV du proje
t de décret, les difpofitions néceffaires pour
; confiâtes le droit de ceux des habitans qui prétendront
au bienfait de- la loi.
Nous avons bien connu l'état figné des ordonnateurs
du port de. Rochefort, & un double
figné de M. la Luzerne, des penfions- affignées
aux officiers- civils & militaires, à leurs femmes
& à leurs^ enfans ; mais les malheureux habitans
étoient traités avec une telle indifférence , qu'on
n'a pu en trouver l'état nominatif dans les bureaux
du contrôle, & que vraifemblablementil
n'en exifte que des états partiels difperfés dans lés
différens bureaux d'intendance des généralités ou
ils réfident. Nous avons auffi penfé que, conformément
aux principes que v.ous avez adoptés de
faire payer toutes les penfions fur la même caiffe,
vous deviez: décréter que lès fonds verfés chaque
année dans la caiffè de la marine pour payer les
penfions des officiers civils & militaires canadiens,. & à leurs familles, relieraient déformais au tréfor
public qui ferait chargé d'en faire l'emploi. Par
un dernier article, nous vous propoforis de déclarer
qu'aucun de ces fecours ne pourra être
recréé a l'avenir en faveur de qui que ce fo i t ,
car il faut favoir mettre des juftes bornes aux
libéralités nationales pour ne pas retomber dans
Tes anciens abus. Enfin , nous finirons par vous
©bferver qu'en rendant aux - acadiens ce qui leur
eft dû, vous grèverez peu le tréfor, & vous rfordonnerez
point une nouvelle dépenfe. J'ai déjà
dit que le$ fonds étoient faits au département
de la marine pour les officiers civils & militaires
, & j'ajoute qu'on vous a porté en dépenfe
pour l'année, dans le tableau préfenté par le-
comité des finances, une femme de 816,000 liv.
pour les fecours accordés, tarit aux hollandois
réfugiés qu'aux Acadiens. La dépenfe pour ceux
de Morlaix & de Cherbourg ne s'élèvera pas
à plus de 11,060 liv. 5 & nous avons lieu de
penfer qu'ils compofent la majorité de ceux qui
font maintenant dans le royaume. Tels font les
faits & les motifs fur lefquels fe fonde le décret
que je^ vais vous fouiriettre -au nom du comité
des penfions.'
L'affemblée nationale, après avoir entendu le
comité des penfions fur l'état ou fe trouvent les
habitans de l'Acadie & du Canada, paffés en
France.-lors de la ceffion de ces pays aux an-
glo is , décrète ce qui fu it:
Art. premier. Les fecours accordés aux officiers,
tant civils que militaires acadiens, & à leurs familles
, dont l'état nominatif eft annexé au pré-
fent décret, continueront d'être payés, comme
par le paffé, par le tréfor public 5 à l'effet de
quoijes fonds de 50,600 liv. fournis précédemment
au département de la marine, pour cet
©bjet, cefferont de lui être faits, à compter du
premier juillet 1791..
IL La folde accordée aux habitans de ces mêmes
contrées qui font paffés en France / à la paix
de 1763 , fera continuée à tous ceux qui en
jouiffent ou qui en ont jo u i, dans les proportions
fuivantes, favoir: 8 fous par jour aux. fexagénai res,
6 fous par jour aux pères & mères de famil.e
■ & aux • veuves, & 4 fous aux enfans. & orphelins
, jufqu'à l'âge de 20 ans :. feulement ces fecours
commenceront à courir du premier juillet
1790 ,. fauf à imputer à, compte les fommes que
chacun d'eux aura, reçues du tréfor public dans
le courant de ladite année.
III. Chacun des fecours accordés par les deux
précédens articles fera éteint à la moit de chacun
de ceux qui les auront obtenus , fans qu'ils puif-
fent être recréés ou .portés en augmentation, en
faveur de .qui* que ce foit.
• IV . Les perfonnes qui prétendront avoir droit !
aux fecours mentionnés dans l'article II du présent
décret, fe préfenteront à la municipalité du
lieu de leur réwdence , qui en dreffera l'état :
cet état fera envoyé au directoire du diftriét 5 iî
en vérifiera les faits, & l'enverra enfuite au directoire
de département, qui le fera palier à l'affemblée
nationale, avec les obfervations qu'il jugera
convenables».
C e décret eft adopté.
M l’ abbé Gouttes préfente un projet de décret
tendant à accélérer la vérification des mémoires ,
tant des fourniffeurs de la maifon du ro i , que des
entrepreneurs des carrières.
L'affemblée ordonne le renvoi de ce projet de
décret à fon comité pour lui en préfenter une rédaction
nouvelle.
A C C E P T A T IO N f. f. L'affemblée conftituante
n'a jamais défini les mots dont elle s'eft même te plus
habituellement fervie dans la rédaCticn de fes décrets
j ainfi je ne me rappelle pas qu'elle ait donné
quelque part une définition précife & légale du
mot acceptation y cependant par le texte des leix
qu'elle a faites ,& les débats de fes feances , on
voit que le mot acceptation eft fpécialement confa-
cré àdéfigner l'aCte par lequel le roi, comme ch e f
du pouvoir ex écutif, déclaré qu’il fe charge de
faire exécuter un ou plufieurs decrets qui lui font
préfentes.
L yacceptation diffère de la fanCtion ; car dans les
principes de l’affemblée conftituante la- -fanCtion
eft néceflâire au décret, elle lui donne force de
lo i , le 'ro i l’exerce par la prérogative de l'autorité
roy ale , & non point feulement comme
pouvoir exécutif 5 il peut la fufpendre , & le dé-,
Cret eft fans activité tant que cette fufpenfion dure;
en un mot, la fanttion eft une faculté lé-giftative
de la royauté, tandis que l'acceptation eft regardée
comme une formalité non effentielle % l'exécution
du décret.
Ces principes vont êt*e développés dans les dé- •
bats que nous allons rapporter , on y verra la dif-
tinCtion entre l'acceptation & la fanCtion établie,
par la nature des décrets mêmes qui ont befoin
d'être ou de ne pas être fournis à l'un ou à l'autre
de ces aCtes du pouvoir royal : voyez auffi s ^n o t
i o n .
Chaque fois que les décrets ont éprouvé quelque
retard dans Y acceptation oula fanCtion, l'affem-
blée a rendu des décrets' de circonftance, dont
l’objet étoit de faire .rendre compte aux miniftres
des caufes du défaut ou' retard d‘ acceptation y mais
elle ne s'eft- livrée à une difeuftion' définitive fur
cet objet que dans la féance aCtueile.
A cette époque feulement qu'on a fixé Ta nature
& le mode de Yacceptatïon y c'eft donc à elle
que nous rapporterons les débats fur cette matière
;. nous y joindrons les aCtes de la minorité
ou autres pièces effentielles qui y ont rapport, èfo
renvoyant au mot s a n c t io n , les difcufhons auxquelles
cette, forme legiflative a donné lieu dans:
le mois dè feptembre 1789,
Cette méthode nous eft: preferfte parla naturç
du travail de cette partie de notreouvrage,oul'cn-
ne doit point chercher une hiftoire méthodique dô-
i'affembléemais feulement l'expofé des- débats