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combien nos craintes étoient fondées : les fanatiques
, les ennemis du bien public ont ourdi dans
ce pays la trame la plus noire ; ils ont cherché
à exciter entre Avignon & lo Comtat la difcorde
& la jalonfie ; ils ont dit'aux Comtadins que les
Avignonois vouloient les dominer ; à ceux-ci ,
que les Comtadins étoient leurs plus redoutables
ennemis ; enfin ils font venus à bout, ces infâmes
fcélérats , non-feulement d’exciter des troubles dans
ce malheureux pays , mais d’engager plufieurs
combats, de manière que ces citoyens s’égorgent
actuellement. Ces contrées font devaftèes , la récolte
eft détruite, les fubfiftances font d’une rareté
extrême ; les foldats cherchent à s’en procurer
à la pointe de leur épée , égorgent ceux
qui font obligés de leur en refufer. Si l’ail emblée
ne prend un parti , bientôt on ne rencontrera
dans ce malheureux pays que des cendres & des
morts. O u i, je le répète , elle fera profondément
coupable aux yeux de l’Europe. La guerre civile que
vous ne réprimez pas à Avignon ,vous allez l’allumer
dans vos cpntrées ; vos troupes , vos gardes nationales
prendront parti ; comment réfifteroient-
elles aux pièges que leur tendent les auteurs de
ces machinations , lorfque cés faétieux font par-
avenus à armer des frères contre des frères ! Il
n’eft pas un des habitans de nos' frontières qui
n’ait dans cette malheureufe affaire des parens ou .
des amis à défendre : déjà plufieurs diftriéts ont
pris parti ; ils ont fourni des armes 6c dés munitions
: peut-être en ce moment les départemens
environnans fe battent-ils les uns contre les autres.
— Je ne m’arrêterai point à combattre Pob-
jeétion tirée de la défiance que pourroit infpirer
votre décifion aux puiffances étrangères ; il n’en
eft pas une qui ne conncifTe vos droits : il n’y
a que les gens de mauvaife foi qui puifTent re-
-pandre cette opinion; il n’y a que, ceux qui ont
intérêt à la guerre civile qui puiSent l’accréditer.—
Au fnrplus , vos comités n’ayant reconnu de bien
conftaté que le voeu des Avignonois, &• regardant
celui des Comtadins comme moins générai , n’ont
pas cru devoir perfifter à vous propofer la réunion
du Comtat ; ils fe bornent à vous demander
la réunion prompte d’Avignon 8c de fes dépendances.
Cette mefure fera ceflTer les troubles des
deux pays. Vous pourrez dès l’inftant ordonner
aux Avignonois de mettre bas les armes, & les
• Comtadins n’auront plus aucun prétexte de ref-
ter armés. Vous n’aurez point abufé de vos droits
envers les Avignonois, puifque leur voeu eft libre
& fuffifamment conftaté ; vous nen aurez point
abufé envers les Comtadins, puifque vous aurez
refpeété leur volonté. Vos comités vous propofént
encore d'être juftes envers lav coiir de Rome,
quoique peut-être elle ne le mérite pas. (O n applaudit.
— De violentes runleurs s’élèvent dans la
partie droite). Ils ont penfe qu’il falloit rem-
fcourfer toutes lès indemnités qui pourroient être
tiiies. Ce dok être là la conduite d’une grande na-
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tien qui méprife toutes les petites injures, & ne
veut s'en rappeller que pour exercer avec plus
de gloire , fa juftice & fa générofiré. Je vous pro*
pofe donc de décréter : 1'. que les Avignonois
feront incorporés à la nation françoife dont ils
feront déformais partie intégrante ; 2°. que le roi
fera prié d’ordonner à fon nùniftre des affaires
étrangères de négocier avec le pape pour les indemnités
que pourroient lui être dues , & d’ordonner
aux Avignonois de pofer les armes & de
ceffer toute hoftilité envers les habitans du Comtat ;
3°. de décréter que nul François ne pourra s’im-
mifeer dans la querelle des Avignonois & des
Comtadins, ni prendre les armes pour aucun parti ;
4°. de prier le roi de nommer fix commiffaires
civils pour la prompte exécution du préfentdé-
cret, avec pouvoir de requérir-tant les troupes de
ligne que les gardes nationales des départemens
voifins, pour faire ceffer les troubles à Avignon.
( On applaudit ).
M. Menou lit une adreffe de la municipalité
d'Avignon , au roi, contenant le même voeu &. le
même tableau des malheurs de cette ville , que
l’adreffe à l’affemblée nationale , rapportée plus
haut.
On demande l'impreflion de cette lettre & l’in-
fertion au .procès-verbal. — Cette propofition eft
décrétée.
M, Clermont-Tonnerre. M. le rapporteur n’a point
répondu à tout ce que noi^s avons dit dans les
précédentes difcuffions ; la queftion eft donc encore
telle que nous l’avions Taifféè ; il nous a dit
qn'Avignon étoit préparé à recevoir la liberté;
. & de quelle manière s’y efl-elle préparée ? Ce n’eft
pas comme les Polonois, de l’exemple defquels
on a voulu fe faire un moyen , quoique ce ne
foit qu’une leçon, mais par desaffaflinats & d’in-
fames brigandages. Je répète ce que je vous’ai déjà
dit : les Avignonois ne peuvent articuler un voeu
légal que lorfque le calme fera rétabli dans leur
fein. Les nouveaux a êtes qu’on vient de nous produire
ne font pas connus. On ignore combien de
perfonnes les ont {ignés, & quel eft l’état de ces
perfonnes. Dans toute cette affaire ,un feul intérêt
me touche ; c’eft celui de l’humanité. Depuis long-
I temps le fang coule dans ce malheureux pays :
il faut l’arrêter enfin. Je conclus à la queftion
préalable fur la réunion, & néanmoins je demande
que l’on prenne toutes les mefures pour rétablir
le calme dans Avignon & le Comtat Venaiflin.
Plufieurs membres de la partie gauche demandent
que la difcuftion foit fermée*
M. l’abbé Maury paroît à la tribune.
M. Madier. Une affemblée légiflative qui craint
la difcuftion ! C’eft d’une imprudence fans exemple.
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• M. l'abbè Maury. Il y a un nouveau rapport ,
par conféquent il faut une difcuftion nouvelle
: fi vous ne voulez -pas nous entendre , il
ne falloit pas nous rappeller. Je déclare donc que
nous ne prenons point de part à la délibération.
M. Boutidoux. Il-faut entendre M. l’abbé Maury ;
oc je demande à lui répondre par la Ample leéture
d’une lettre que j’ai reçue d'Avignon. — L’affemblée
décide que la difcuftion eft continuée.
M. Vouland. Lorfque le feu de la guerre civile a enflammé les, départemens voifins d'Avignon il n’eft plus poflible de garder le filence. Deux
.partis font reconnus dans cette malheureufe contrée.
Carpentras eft aftiégé , 6c Avignon déchiré
dans fon propre fein. Des François adoptent ces
querelles, & fe jettent dans l’un ou l ’autre parti.
L ’argent de la cour de Rome, prodigué dans l’armée
de Carpentras , lui donnera bientôt une force
redoutable. Si la fureur religieufe vient fè mêler
encore à toutes ces fources de troubles , pouvez-
vous bien calculer la profondeur de l’abîme qui
Va s’ouvrir ? Ne perdez pas de vue qu’on ne met
tant de chaleur à défendre le parti de Carpentras
, que parce qu’on croit que cette ville peut
facilement devenir un foyer de contre-révolution: il faut donc lever le voile , & dire que l’armée
de Carpentras eft une armée italienne , compofée
en grande partie de ci-devant nobles, de prêtres.
( Une voix de la partie droite : Ce font des gens
vertueux que les nobles ). On connok fans peine
le caractère de la caufe aux caraâères de ceux
qui la défendent. Faut-il v®us dire qu’on parle d'un
rafferoblement de la Lozère ?
M. l'abbé Bruge. C ’eft faux. ( Il s’élève des murmures
).
M. Rewbel. Vous ne voyez pas que c’eft l’au-
xnonier du camp de Jalès qui vous parle ?
M. Vouland. Le fait eft attefté par une lettre
des amis de la conftitution. ( On rit dans la partie
droite). Ne vous le céflimulez pas ; c'eft contre
vous qu’on veut porter le flambeau de la guerre.
Dès l’année dernière on vous avoit dénoncé des
amas d’armes dans ce canton. Il y a bien des
hommes qui gémiffent fur la deftruâion des abus.
M. l’archevêque d'Avignon avoit en France des
dîmes que vous avez fupprimées. J’avoue que ces
indices me paroiffent affez fûres , & je demande
en conféquence que le projet du comité foit adopté.
_ AL l'abbé Maury. Meilleurs, vous avez rendu
hier matin , en organifant le corps légiflatif, un
décret infiniment fage. Vous avez ftatué conftitu-
tionnellcment, que toutes les fois qu’une motion
atrroit été difeutee 8c écartée par les repréfentans
du peuple . François , elle iis pourroit plus être
rtfmife en deliberation, fous aucun prétexte, dans
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: la même, feflion. SI cette loi réglementaire., qui
doit défendre nos fucceffeurs contre les coalitions
de l’intrigue, 8c contre les infatigables potirfuites
de l’efprit de parti , avoit été décrétée par nos
! prédécefièurs : que dis-je ? fi l’aflemblée nationale
vculoit enfin fe conformer à fes propres réglemens,
l’importune difeuffion qui vous occupe encore aujourd’hui
, ne reparoîrroit pas dans cette tribune.
C ’eft pour la quatrième fois que nos adverfaires, ■
toujours repouffés & jamais rebutés, font parvenus ,
en multipliant les rapports de plufieurs comités
réunis ,. à renouveller les tentatives dont ils ne
ceffent de nous fatiguer depuis dix huit mois , pour
nous amener à l’invafion d'Avignon 8c du Comtat.
On veut donc vous forcer , Meffieurs, d’énoncer de
nouveau, dans ce moment, votre voeu folemnel,
fur ce projet d’ufurpation , aux yeux de l’Europe
attentive, & peut-être impatiente de juger à fou
tour votre jugement ! Puis-je efpérer enfin , après
trois victoires fi récentes & fi décifives , que ce
quatrième combat fera le dernier, & que le fort
de la malheureufe ville d'Avignon fera irrévocablement
fixé dans cette féance? — Oui, oui, répondez
vous , parce que vous vous flattez d’avoir
aflez travaillé les efprits hors de l’affeniblée, pour
conquérir enfin la majorité des voix , que vous
n’avez jamais pu obtenir dans cette caufe. Je prends
afte , dans ce moment, de ce voeu unanime qui
appelle un décret définitif. Renonçons donc tous
loyalement à la miférable reflource de neutraliser
la décifion, en altérant le procès-verbal; & que
perfonne ne cherche plus à gagner demain fa caufe
au bureau^, après l’avoir perdue aujourd'hui à 1s
tribune.
Je né reproduirai, devant vous, aucun de ces
titres victorieux, aucun de ces moyens de fond
‘ ue j’ai fi fouvent préfentés à l’afferablée. Je fui vrai
I. le rapporteur dans la route qu’il vient dé tracer
devant moi. Je vais enfin l’attaquer corps à1 corps
en préfënce de ce même peuple qu’il a trompé psr
fes principes, par fes affertions, par fes fophifmes,
par fes réticences , en nous débitant , dirai-je un
rapport, dirai-je un roman politique ? indigne de
fontenir les regards d’une afiemblée qui refpe&e
fa propre opinion & l’opinion publique. Comme
c’eft ici le dernier moment où je peux encore vous
faire entendre la voix de la vérité & les réclamations
de la juftice , il faut tout dire, il faut
vous faire connoître, il faut fignaler aux yeux de
toute la France , ces infâmes émiffaires d’Avignon ,
qui vous demandent Pabfolution de tous leurs
crimes ! Il faut, puifque l’intérêt de tout un peuple
l'exige , il faut enfin vous dévoiler cet odieu*
myftère d’iniquité qui ne trouvera plus enfuite , je
l’efpère, ni complices , ni protecteurs daas cette
afiemblée.
Je vais.reprendre la queftion au même point où
je 1 avois laiffee , & ou je la retrouve encore , car
M. le rapporteur a fait beaucoup de-mouvemens
fans aucun progrès; & , depuis le 4 du mois de
C c c c e z