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mode définitif & uniforme de fucceffion pçur tout
le royaume ».
On ouvre la difcuflion fur cet article du comité
féodal.
M. de la Rockefoucault. .Je regrette que le tems
ne foit. pas arrivé d’établir le partage égal des
biens entre les enfans. Sans doute ce tems n’ eft pas
éloigné ; mais cet objet dépend d’une infinité de
combinaifons qu’il ne nous eft pas permis de faire
en ce moment. J’ai deux obfervations à préfenter
fur l’article qui vous eft fournis. Il contient une
difpofition qui donne à la pui(Tance paternelle une
étendue que nous ne pouvons peut-être pas lui accorder.
On ne me foupçonnera librement pas de
voutoir attaquer la puiffancepaternelle ou maternelle
; mais qu’il me foit du moins permis de vous
engager à ne rien préjuger fur une matière d’ un
aulfi grand intérêt. Je defirerois que l’article contint
une claufe particulière pour excepter de ces
difpofitions les perfonnes actuellement mariées.
Un grand nombre de mariages ont affinement
été contrariés fur des éfpérancés que T égalité du
partage des biens féodaux viendroit détruire.
M. Péthion de Villeneuve. Le droit air.'ejfe a été
établi pour donner à l’aîné , chargé de mener des
hommes d’armes à la guerre , la facilité de fe livrer
à cette dépenfe. La caufe n’exiftant plus , pourquoi
ne pas proferire l’effet? Vous, Tentez l’ in-,
Uence du droit d’ainejfe furies moeurs ; vous lavez
que c’eft à lui qu’on doit l’inégalité des fortunes
je n’ai pas b efoin, pour que ce droit vous paroiffe
«dieux j de développer cette idée. -— On vient de
Vous propofer d’accorder aux pères & mères la
faculté de difpofer inégalement des biens féodaux.,
dans les pays coutumiers , comme dans les pays de
droit écrit. Il eft de principe général qu’en coutume
y les biens en roture fe partagent d’une manière
égale j mais des coutumes particulières intro-
duifent une inégalité que le principe ne permet pas.
Enaflimilantles biens féodaux aux biens en roture,.
Vous les avez déclarés partageables d’une manière
égale j il faut en même tems que, par la lo i , le
partage foit égal dans les coutumes où le partage
inégal eft introduit. J’adopte l’avis du préopinant
fur l’effet des contrats de mariage, & je propofe.
que vous fafliez une loi générale qui détermine les
partages d’ une manière uniforme pour les biens en
ïoture , & pour les biens ci-devant féodaux.
M. Tronchet. La queftion qui vous occupe eft
très-difficile , très-importante, très-délicate. Le
comité a mûrement réfléchi la rédaction qu’il vous
préfente. A-t-il fait ce qu’ il devoit faire ? Pouvoit-
il faire davantage ; & il cette loi a quelques in-
convéniens , quels en font les remèdes ? 11 ne pou-
voit faire autrement que ce qu’il a fait. Vous avez
aboli les droits féodaux; il n’y a donc plus de loi
qui puiffe régler le partage inégal établi par la féo-,
«alité; il a donc du propofer la première partie de
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l’article. Pouvoit-il aller plus loin ? Spécialement
& uniquement chargé de l’examen des droits feV
daux, détruits par les arrêtés du ± août, il n‘aY0jt
pas de million pour s’occuper de l ’abolition du
droit d'ainejfe. Vous ne pouvez vous-mêmes vois
en occuper , à caufe aes funeftes conféquenc*
qu’auroit en ce moment cette abolition. Frappi
de tous les inconvéniens de la loi què le <£
mité vous propofe, 'il croit que le père doit
être le juge naturel de ces inconvéniens, foit qu'ilj
portent fur l’aîné de fes enfans, foit qu'ils portent
fur les puînés; il lui a donné la faculté de réparer
fuivant fa juftice & fa tendreffe, les torts nécef-
faires de fa loi.
M. le Chapelier. On ne peut, en principe, fe
difpenfer de réunir , dans le décret, des aifpofi.
rions qui aient rapport à la nobilité des biens
la nobilité des perfonnes : il faut donc dire qu’il n’y
aura plus départagé inégal, foit à raifon de la nobilité
des perfonnes, foit à raifon de la nobilité
des biens. Mais vous devez excepter de cette dif*
p o l it io n les perfonnes mariées, afin de ne pas
donner à votre loi un effet rétroactif. Le moyen
que le comité a imaginé pour modérer les effets
du décret qu’il vous propofe , oceafionneroit,
dans beaucoup de familles, une guerre inteftine,
en y portant l’inquiétude & la défiance. D’ailleurs,
ne donneriez-vous pas aux pareras une faculté qui,
d’après la légiflation que l’on établira fans- douté
fur la puiffance paternelle , fe trouveroit extrêmement
reftreinte ?
Je propofe, d’après ces différentes vues, le projet
de decret fuivant :
« L’afFemblée nationale décrété que t o u t privilège
, toute féodalité & nobilité de b ie n s étant
détruits, les droits àlaînejfe & de m a fc u lin ité ,à
l’égard des fiefs, domaines & aïeux n o b le s se s
partages inégaux, à raifon de la qualité des perfonnes,
font abolis : en conféquence , toutes les
fucceffions , tant dire&es que collatérales, tant
mobiliaires qu’immobiliaires , qui é c h o iro n t à
compter du jour de la publication du p ré fe n t decret
, feront, fans égard à l’ancienne qualité noble
des biens & des perfonnes, partagées entre les bë;
ritiers , fuivant les lo is , ftatuts & c o u tu m e s qui
règlent les partages entre tous les citoyens ; abroge
& détruit toutes les lois & coutumes à c e contraires
; excepte du préfent décret c e u x q u i font
actuellement mariés , ou veufs ayant des enfans»
lefquels partageront entre eux & leurs cohéritiers,
c o n f o rm é m e h t aux anciennes l o i s , les. fucceibons
mobiliaires & immobiliaires, directes & collaterales
qui pourront leur écheoir. »
M. Target. Tant qu’ il n’exifte plus de fiefs ®
général, il ne peut plus en- exifter dans les fucc£l'
fions, dès qu’il n’y a j>’us de fiefs, les coutume
qui ftatuent fur leur hérédité ne peuvent plus Mq
lifter. Les biens, autrefois fiefs, doivent doDcetf®
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ïrta<*és comme tout autre bien. Mais il eft: des cas
Exception, & j’ adopte, à cet égard, purement
i Amplement, l’avis d eM . le Chapellier. Je n’ai
'une feule obfervation à préfenter. On ne doit
I J fous prétexte d’un mariage contracté par l’un
» d i x enfans , faire partager tousJes enfans,
Somme dans l’ancien régime. Je propofe cet
Inrndement : * Exceptant du préfent décret les
Héritiers préfomptifs qui font actuellement mariés,
qui font veuis ayant des enfans, lefquels partai
e n t entre eux , conformément aux anciennes E x les fucceffions mobiliaires ou immobiliaires,
Ereàesou collatérales; le préfent décret produisant
tout fon effet à l’égard des autres héritiers
||ui ne feront pas mariés au jour de la publication. »
Iplufieurs membres appuient le décret propofé
j»ar M- le Chapelier.
B La difcuflion eft fermée.
B M- de Croix demande la priorité pour le décret
le M. le Chapelier.
I , M. Lanjuinais propofe d’ajouter dans le décret
-|e M. le Chapelier, après ces mots, «font abolis » ,
leux-ci, cç & tous, les .effets civils qui en éma-
8, noient ». M. Lanjuinais entre dans les détails
de ces effets civils, ik il infère ces détails dans
;un projet de décret.
B On fait leCture des divers projets,préfentés.
K M. Martineau. L’amendement de M. le Chapelier
a deux vices principaux ; il dit trop & ne dit
|oint,afTez. Il dit trop: en effet , il ne s’agit en ce
moment que d’énoncer les confequences de l’abolition
des fiefs fur lés fucceffions. Ce projet de
Éécret porte en général fur tous les biens, relati-
•|vement à la nobilité des perfonnes. Il ne dit pas
«fiez, puifqu’il ne s’occupe point d’uninconvé-
ifiient qui réfui te de l’abolition des fiefs. Dans
Certaines coutumes, les puînés ne prennent rien
Enns les biens en roture , & ne peuvent prendre
Ique dans les fiefs : comme tous les biens autrefois «tenus en fiefs font actuellement en roture, il en ré-
Ifultetoit que les puînés n’auroient aucune part dans :|les fucceiTions. Je penfe donc qu’il faut adopter
Ë’article du comité avec l’amendement fuivant :
j* & néanmoins la préfente difpofition ne pourra
Ipréjudier au droit des aînés qui ont été mariés, ta-
Icitement ou explicitement, dans leurs efpérances
|dans les fiefs, & aux puînés, dans les droits qui
■ leur font accordés par les coutumes.
r, M- le Chapelier. Je réponds, i° . que le partage
■ inégal, dont l’ inégalité eft fondée Tur la nobilité,
|ne peut pjus exifter | d’après l’abolition des ordres ;
« “•‘“ viv.iç ^omumaonnei, oc que c ciun aux îegu-
■ latures fuivantes à s’occuper de la jurifprudenc«
| fdes coutumes.
On délibère fur la queftion de favoir fi la priorité
fera accordée au projet du comité.
La première épreuve donne un réfultat douteux.
On fait une fécondé leCture des projets de
cret.
La priorité eft refufée au projet du comité par
une très-grande majorité.
La priorité eft enfuite accoudée au décret de
M. le Chapelier.
On préfente divers amendemens en ces termes t
M. de Bonvouloir. «Les difpofitions du preient
décret s’étendent aux enfans nés ou a naître des
mariages contra êtes à l’époque ou il fera rendu ».
M. Goupil de Préfeln. «Excepté les fucceffions
ouvertes ».
M..... « De manière néanmoins que les puînés ne
puiffent avoir une portion moindre de celle qui
leur aurôit appartenu, fi la fucceffion eut ete partagée
, à raifon du régime féodal ».
M. Ménard de la Croix/« La difpofition dupré-
fent article aura lieu à l’égard des enfiins à naître,
des mariages à contra&cr
M. Pellerinr« Abrogeant encore les difpofition«
des coutumes q u i, en conféquence de l’inégalité
des partages des biens cl-devant nobles, autorifent
des donations au profit des puînés ».
M...... . député 'd*Alface, « Sans préjudice de la
réverfibilité des fiefs d’Alface à la nation , dans
les cas exprimés dans 1 inveftiture ». Cet amendement
eft établi fur un fait bien certain. La jouif-
fance de ces fiefs avoir été attachée à des charges
publiques, par l ’empereur & par la maifon d Autriche.
Ces puiffances ont remis la propriété de ces
fiefs à la France, & cette remife en établit mcon-
teftablement la réverfibilité à la nation.
M. l'abbé d’Aymar. Cette difpofition porteront
le trouble en Alface ; elle doit au moins être mûrement
examinée ; j’ en demande le renvoi au comité
féodal.
M. de Croix demande la queftion préalable fur
tous les amendemens, excepte fur celui de M.
Martineau.
M. Emeric. La queftion préalable, demandée
fur l’amendement relatif aux fiefs mafeulins d’A lface.,
peut avoir pour motif que dans la fuite
des articles propofés par le comité féodal, il s’en
trouve un deftiné i réferver des indemnités aux
étrangers poffeffeurs de fiefs. Si l’on penfoit à
étendre cette indemnité fur les fiefs d Alface , on
fe détermineroit -à priver la nation de fon droit de
réverfibilité fur ces propriétés. Je demandel’aiour-
• nement de l’amendement propofé à cet égard..