
<5o4 A S S
les effets circulans qu’on fera obligé de lui fubf-
tituer ; que cette manière d’emprunter , ufitèe habituellement
chez un peuplé1-voifin de nous, n’eft
point difpendieufe : fi Ton s’en étoît privé plu-
' t ô t , on eût été obligé d’accroître dans la même
proportion les billets de la caiffe d’éfeompte ; &
' fous ce dernier rapport, on ne petit fe •diffimuler
que les anticipations ont retardé de quelques inftans
le diferédit de ces billets ; tant il eft vrai qu’en
adminiftration, ce n’eft pas toujours fur le principe
général que doivent porter rigoùreufoment
' les opérations; que fon - application demande une
longue expérience , & que de cette application
dépend fonvent le bonheur d’une nation entière.
Mais , dans les circonftances préfentes , vous
penfez , Meilleurs , que les reffources même dont
vous devez faire ufage pour pafler tranquillement
l’année préfente ,• doivent être combinées de manière
quelles ne puifient pas contredire d’avance
les principes que vous allez pofer pour les années
& les générations fuivantes ; & votre comité ,
fournis à fuivre votre marche , ne peut plus fe
difpenfer de vous obferver qu’il faut, d’après ce
principe, renoncer à une reffource qui confom-
meroit infenfiblement les produits de 1791 , par
une imprévoyance auffi fâcheufe qu’inconftitution-
jielle. L’anéaittiffement des anticipations fur les revenus
ordinaires ^ formera donc l’un des articles
du projet de décret qui va vous être propofé.
Mais ce point fi important une fois déterminé,
nous n’avons plus le choix des moyens pour arriver
au terme : nous fommes entraînés irréfifti-
blement vers la circulation d’un papier national ;
car affurément, Meilleurs, votre comité ne vous
parlera jamais qu’avec l’improbation la plus marquée
de la fufpénfion des paiemens : cette pro-
pofition aviliffante eft indigne de vous , & déjà
depuis trop long-temps les paiemens font arriérés.
On va , fans doute , accumuler autour de vous
la multiplicité impofante-des objections , celle des
inconvéniens inféparables d’une opération de cette
nature ; on vous offrira des théories brillantes, ou
une réunion de prétendues reffources dont la complication
feule indique la plus évidente impofîi-
bilité : mais, Meffieurs , vous êtes bien convaincus
que la méditation la plus profonde fur'les unes
& les autres , a précédé la réfolurion qu’a prife
enfin votre comité général des finances. -
Tout ce qui a été dit fi foavent , & qui fera
répété , fans doute, avec plus ou moins d’impartialité
fur le papier-monnoie, ne peut s’appliquer
qu’à ceux des numéraires fiéfrfe qui n’ont de
reffemblance que le nom avec celui qui va vous
être préfenté. Ce que l’on appelle ordinairement
un papier-monnoie , ou même billet d’état , re-
pofé fimplement fur une hypothèque générale :
les ajjïgnats, au contraire , feront le figne représentatif
d’une créance déléguée avec hypothèque
{pédale fur des immeubles. Au refte s ne nous
flattons pas , Meffieurs, de réunir toutes les opi-
A S S
nions ; il faudroit, pour y parvenir, avoir trouvé
■ l’art de fatisfaire tous les intérêts 3 & cet art eft
encore inconnu fur la terre.
Entrons dans l’examen de notre p’ofitïon a Quelle,
relativement au numéraire.. Quelles que foient les
canfes diverfes de la rareté de celui qui eft en
poffeffion d’être dénommé le numéraire ré e l, foit
qu’elle foit abfolue ou relative , que ce numéraire
fe foit écoulé loin de nous , ou qu’il foit enfoui
, que ce foit enfin la malveillance ou la crainte
qui le difperfent, il nous manque ; il faut y fup-
pléer : le papier de la caiffe d’efeompte ne peut
plus en tenir lieu; il faut le remplacer fans délai;
plus d’incertitude à cet égard , plus d’héïiration ;
elle deviendroit funefte. Il en eft de la machine
politique comme de celles qui concourent aux travaux
de l’ihduftrie : quand le fecoitrs des fleuves
ou des ruiflèaux lui eft refufé par la nature , le
fluide vient au fècours de l’homme ingénieux qui
fait foumettre l’air & le feu aux befoins des arts.
Employons, à fon exemple , la reffource d’une
circulation nouvelle , au lieu de ces métaux enfouis
, qui refufent de couler dans le tréfor public ;
& bientôt la grande machine de l’état, dont la ftag-
nation nous effraie, va reprendre toute/on activité.
Déjà votre comité des finances , au mois de
décembre dernier, Vous avoir fait fentir les inconvéniens
de la difette du numéraire ; il vous avoit
propofé d’autorifer provifoirement la , circulation
des billets de la calife d’efeompte, pour fuppléer
à la rareté de l’argent pendant les fix premiers
mois de l’année , & d’effayer fi ce papier, auquel
on paroiffoit habitué , pourroit en tenir lieu ; il
efpéroit que fon fembourfernent n’étant pas éloigné,
il feroit préférable à des billets d’état, qui
ne pourroient pas peut-être offrir cet avantagé.
L’échange volontaire de ces billets’d’une compagnie
de négocians contre des ajjïgnats fur des biens du
domaine & du clergé , avoit paru fuftîfant pour
retirer infenfiblement les billets de la caiffe. Votre
comité avoit penfé que fans fecouflè & même fans
efforts, cet échange rappellerait l’argent dans la
circulation. Dans des temps plus heureux , cet
éfpoir n’eut point été trompé ; mais il en eft arrivé
autrement : les efforts des a&ionnaires ont
vainement retiré près de trente ou quarante millions
de billets de caiffe , par les demi-aéfiorrs
qu’ils fe font empreffés de prendre ; les ajjïgnats
n’ont point concouru à ces efforts. La caiffe .d’efeompte
n’en a pu négocier que pour-treize cens
mille livres ; nous n’àvohs' pu en placer , parce
que ç’auroit été manquer aux engagent eus pris’ avec
elle, & nuire à la diminution de la maffe dëfes
billets. Bientôt les crainteS fur cette caiffe fe font
renouvellées , les murmurés fe font accrus , &
avec eux la défiance. Je n’examinerai point ici
jufqu’à quel point ces plaintes peuvent être exagérées
; il fuffit qu’elles exiftent, pour devenir dignes
d’attention. Le paiement à bureau ouvert au premier
juillet devient incertain ; la caiffe d’éfeompte
A S S
i l dans une pofition auffi critique que contraire
au but de fon établiffement : il faut céder aux
circonftances ; c’eft une intempérie à laquelle il
faut fe foumettre. Elle fait baiffer trop fenfible-
ment le thermomètre du crédit , pour ne pas
obéir à' cet indicateur fidèle , dans l’atmofphère
orageux au milieu duquel nous vivons depuis
quelque temps ; mais puifons dans cette tféceffité
même de nouvelles reffources.
Il en eût été autrement, Meffieurs, il eft permis
de le croire , fi les frais du culte euffent été définitivement
réglés auffi-tôt après votre décret du
19 décembre ; fi le remplacement des dîmes eût
été prononcé : peut être alors les ajjïgnats circulant
librement, euffent remplacé très- heureufe-
ment la difette des efpèces, on plutôt les euffent
fait revenir dans la capitale. Nous ne ceflërons
de vous conjurer dé fixer bientôt les idées fur
tout ce qui a rapport à l’hiérarchie eccléfiaftique.
Nous fommes informés par l’un de vos comités,
qu’il a un travail complet à vous foumettre fur cet
important objet.
Dans le moment aéluel, il eft au moins in-
difpenfable de dégager la portion des biens ecclé-
fiaftiques qui. va être mife en vente , de toute
hypothèque & privilège ; de la préfenter parfaitement
libre à ceux qui vont les recevoir, & c’eft
une des précautions prifes par lé projet de décret
qui vous fera fournis. Nous ne dirons rien de la
forme des ventes, de l’eftiination , & même de
la défignation des biens ; vous avez nommé des
comminaires pour procéder à toutes ces opérations
: ils s’en occupent.' Ces opérations font certaines
; mais en accélérant ces ventes , il ne faut
pas les précipiter, & rien à cet égard ne s’oppofe
à ce que vous décrétiez dès-à-préfent la nature
des ajjïgnats. Cette décifion eft d’autant plus urgente
, que leur fabrication exigera un temps affez
confidérable , & que' nous ne pouvons plus en
perdre.
C’eft ici le lieu d’écarter une idée qui a paru
fe propager dans le public, à i’occafion du plan
propofé par la municipalité de Paris , mais qui
n’a pas même pénétré jufqu’à votre comité. On
a parlé un moment de billets municipaux ; oh a
dit que le crédit des municipalités pourroit offrir
un nouveau numéraire : difpenfez votre comité de
difouter une auffi légère affertion.
Il a paru fans doute très-convenable, & j’ofe
dire très-politique , de tranfinettre la propriété des
biens eccléfiaftiques dès-à-préfent, aux municipalités
, d'exproprier ces biens , pour me fervir de
l’expreffion d’un de nos orateurs'; & déjà on en
éprouve les heureux effets. La commune de Paris
applaudit unanimement aux propofitions faites par
la municipalité à l’affemblée nationale ; de nom-
breufes foumifîions font offertes ; de très-grandes
■ municipalités annoncent leur adhéfion à ce genre
d’acquifition , ’les unes pour douze millions , les
autres, pour dix-, d’autres pour moindres fommes.
ASS 605
Bientôt, nous n’en pouvons plus douter , les valeurs
qui représentent les 400 millions, fe placeront
tout naturellement dans les diverfes parties
du royaume , 3i l’organifation prochaine des affom-
blées de département concourra à accélérer les
adjudications : il eft donc temps , Meffieurs , de
pofer fur la baie d’un crédit vraiment national,
le type du rembourfoment fucceffif de la dette publique.
;
i-aiffons à l’ancienne adminiftration l’erreur des
crédits intermédiaires ; montrons enfin à l’Europe
entière que nous appercevons l’étendue de nos
reffources, & bientôt nous prendrons avec affii-
rance la vafte route de notre libération , au lieu
de nous traîner dans les fentiers étroits & tortueux
des emprunts morcelés 3c des négociations
onérenfes.
Pourquoi nous affervirions-nous plus long-temps
à cette fatale habitude contrariée dans le labyrinthe
de fancienne adminiftration ? Pourquoi cette crainte
puérile de marcher fans appui ? Eft-ce à une grande
nation qui fe régénère , à douter de fes forces ?
Un débiteur ordinaire , qui ne peut donner à fes
créanciers qu’un papier auquel il ne peut appofer
le foeati du numéraire, fe débat avec découragement
dans les liens d’une créance auffi pénible
pour fes créanciers que pour lui-même ; mais une
nation qui peut donner à fon papier le mouvement
de la circulation , qui,. par cette circulation
nouvelle , peut répandre des bienfaits fur ceux
qui, créanciers de l’état, font débiteurs à leur tour
vis-à-vis de leurs concitoyens ; qui, par elle ,
peut rétablir dans l’empire le courage de l’induftriê
engourdie par l’effet de la ftagnation des efpèces;
qui, par elle enfin , peut rendre aux manufactures
leurs travaux, aux ouvriers leurs falaires , au commerce
fon aétivité : cette nation , dis-je , ne doit
pas refter plus long-temps dans l’incertitude fur le
grand parti qui lui refte à prendre ; & l’opinion
des citoyens qui la compofent concourra au fuccès
infaillible de cette détermination.
Il en eft du numéraire comme des contributions
: elles font volontaires au moment de leur
création , parce qu’elles' font confondes librement
par les repréfentans du peuple ; & elles le font
en effet vis-à-vis de la nation entière cyui les a
accordées. Elles n’en font pas moins obligatoires
vis-à-vis de chaque citoyen : il eft forcé de fe
foumettre à l’expreffion de la volonté générale.
Le nouveau numéraire , Meffieurs, aura la même
origine, & par conféquent la même autorité. Elle
réfultera de la convention folcmnelle d’une grande
famille compofée de créanciers & de débiteurs
qui pour l’intérêt commun foldent leurs créances
avec des contrats hypothéqués fur des immeubles
jufqu’à la vente prochaine des biens-fonds, qui
doit éteindre la dette ; c’eft au nom de la grande
famille de l'état, qui vous a remis fes pouvoirs
que vous allez foeller cet accord , ce paéle très-
légal; il ne peut être mal accueilli ou- mal in