arbitres des réfelutions publiques; tous ceux qui
avoient 'manifeftement le plus de droit d affilier a
.ces aflemblées, où l’on trairait de leurs plus grands
intérêts ; tous ceux qui étoient enfin les plus capables
de répandre des lumières fur les délibérations
, ont été forcés de s’expatrier. 11 n’a plus
été poffrble de réunir le peuple avignonois , apres
cette difperfion défaftreuîe. Les afiaffinats , ^ les
maflàcres, les incendies ont tellement multiplié les
émi°rans, que la ville d’Avignon a ete confiant—
ment réduite au tiers de fa population ordinaire.
Non , jamais, depuis le jour qui a livré Avignon
à des étrangers & à des brigands , il n’y a eu
d’aflemblée vraiment générale , vraiment libre ; &
par conféquent on n’a pu y émettre aucun voeu
légal ou national. Aucune n’a été tenue qu’au milieu
des potences , prifidée que par des bourreaux,
éclairée qu’à la lueur des torches incendiaires. Les
dernières lettres qu’on vient de nous lire , & qui
nous font adreffées par cette, coupable municipalité
, font vifiblement l’effet de la contrainte & de
la terreur. D ’un côté, l’armée avignonoife, groflie
d’une multitude de proteftans descendus des montagnes
des Cévennes...... M. Rabaud , minière
proteftant, ofe nier ce fait ? Je lui réponds, que
mon affertiôh eft prouvée , par la lifte des pro-
teftans qui ont été bleffés au fiège de Carpentras,
& qu’on a enfuite tranfpôrtés à Nîmes fur des
charriots , ou qui ont été dépofés dans les hôpitaux
des villes voifines. En voici les proces - verbaux ,
qui pourront rendre M. Rabaud plus circônfpeét
dans fes dénégations , & qui l'avertiront de ne
pas contrefaire ici le fanatique , pour défendre des
factieux dont il ne peut ignorer le fecret. Des
proteftans bleffés font des témoins un peu embar-
raffans à récufer ou à exçufèr ; & ce fait n’explique
que trop bien ce que vouloit nous dire M. Camus,
dans le mois de novembre dernier, quand il affirment
fi imprudemment qu’il exiftoit des rapports
cachés entre les troubles de Nîmes & l’infurrec-
tion d’Avignon. Je reviens a cette armee avignonoife
, qu’il feroit impoffible de calomnier ; & je
dis que cette horde de flibuftiers ne trouve plus
d’afyle , ni dans la ville de Carpentras, qui l’a
repouffée avec tant de gloire, ni dans le Comtat
dont elle a réduit plufieurs paroiffes en cendres,
ni dans Avignon même , dont fes crimes lui ont
fermé les portes. Elle eft devenue un objet d’horreur
pour tous les départemens yoifins , qui avoient
cru d’abord protéger des citoyens , & non pas un
vil ramas de brigands. D ’un autre côté , les infortunés
habitans R Avignon n’ofent , ni ouvrir
leurs portes, de peur de fe dévouer au pillage ou
aux maffacres , ni les fermer , dans la crainte
d’accélérer les horreurs d’une guerre civile. C ’eft
dans ces circonftances que les officiers municipaux
ont.écrit au roi & à l’affemblée nationale, pour
nous conjurer à genoux de les recevoir fous notre
domination, c’eft-à-dire, de les préferver tous de
leurs fureurs réciproques , de la peine due aux
forfaits qui leur font communs., & de l’échafaud
qui les attend !
J ’admire étrangement les artifices abfurdes que
l’on emploie pour vous, faire illufion dans cette
caùfe. M. de Menou , qui connoît parfaitement
les agens de la ville dont il fe dit l’interprète,
vient de vous parler avec beaucoup d’emphafe
des citoyens aélifs d'Avignon. Certes, Meffieurs ,
le mot de citoyen aéfif n’exiftoit pas dans noire
langue, avant votre conftitution. C ’eft vous feuls
qui avez décidé par vos décrets, à quelles conditions
les habitans du royaume pourroient y
exercer les droits politiques, & devenir, citoyens
aéiifs. Vous avez déterminé une fomme de contribution
, pour participer à ce privilège. Comment
donc trouve-t-on des citoyens 'aéfifs dans une ville
qui, félon vos propres décrets , ne fait pas partie
intégrante de l’empire François, d’un empire où
cette diftinâion civile vient d’être admife pour la
première fois ? Je demande à quel titre légal on
peut reconnoître les citoyens aélifs de j la ville
d'Avignon, où l’on ne paie aucun impôt ? Je demande
où eft ici la bafe de cette aéfiyité politique ;
je fupplie M. de Menou de m’indiquer les règles
qu’on a luivies à Avignon , pour y faire le dénombrement
des citoyens aélifs ? Je demande enfin fi
ces prétendus votans ne font pas des étrangers,
des domeftiques, des-foldats, des enfans ; & fi le
voeu - d'Avignon n’a pas été émis par cette clafiè
que vos décrets ont fagement exclue du privilège
des citoyens aétifs ?
Le voeu apparent de la ville dû Avignon ne peut
donc avoir aucune autorité- légale. La commune
ne s’eft jamais réunie , depuis le mois de juin
dernier. Les habitans n’ont pas ceffé un feul inf-
tant, depuis cette époque, d’être fous le. poignard
des affaffins. Que devons-nous donc penfer d’une
municipalité compofée ou de faéiieux fans pror
priétés, ou,d’étrangers fans intérêt dans cette caufe;
d’une municipalité qui, fous le mafque du patrio-
tifme, cache mal fon efprit de révolte ; q u i, par
les plus viles adulations, eft venue mendier 'ou
plutôt acheter le prix de fes forfaits, vendre les
droits de fon fouverain légitime, d’ùn fouverain
jufte & bienfaifant, pour fe fouftraire aù dernier
fupplice qu’elle a mérité; qui ofe offrir à l’affem-
blée nationale, en ligne de foumiffion, fes mains
teintes du fang de fes concitoyens : digne gage
d’une fi noble réunion à la France ! de cette municipalité
enfin, qui tranche du fouverain, débauche
nos foldats, & dont l’armée viole notre territoire,
met à contribution , à . feu & à fang les villages
du Comtat, en difant qu’elle veut fe fouraettre à
notre domination , en faifant des conquêtes pour
la France, avant d’être françoife elle-même ! Ne
font-ils pas bien dignes de refpeft & de confiance,
les a&es fignés par de pareils chefs qui préfident,
un poignard à la main, aux affemblées du peuple
avignonois ?
Peut-on, fans friffonner d’horreur, fe retracer
tant
tant d’abominations , dont le fcàiicîale à retenti
dans l’Europe entière î J’épargnerai à votre fen-
fibiÜté, le tableau dégoûtant de tous ces crimes
qui déshonorent notre nation & notre fiècle. La
municipalité d*Avignon a donné des exemples de
fureur, inouis dans riiiftoire des peuples tes plus
barbares. Vous l’avez déjà rejettée trois fois, lorf-
qûe: paroiffant amenée .par fon parriotifme , elle
né cherchoit qu’un refuge dans cette affemblée ,
pour obtenir l’impunité de toutes les félonies.. Eh
bien, Meffieurs ! nonobftant les trois décrets qui
la repouffent de votre fein , cette municipalité n’a
pas craint-de s’ériger en département. l a ville d 'A vignon
& le Comtat fonneroient à peine le tkrs
d?ün département françois. Le nouveau corps ad-
miniftratif d A ’vignon ofe néanmoins s’intituler
fièrement, le département de Vauclufe ; & certes
ce n’eft pas un titre fans fonéhons. Ce département
qui s’eft inftitué lui-même, & dans lequel je vois
de prétendus éleéleur's, que perfonne n’a légalement
élus , établit & perçoit des impôts dans tout le
Comtat. Ses mandats font des lettres-de-change
payables à vue , & tirées fur tous les propriétaires ,
par des voleurs de grands chemins. Vous avez vù
ce département prendre une armée à fa folde, s’ériger
en puiffance belligérante, déclarer la guerre
aux villes voifines, comme de puiffance à puif-
farice , publier des manifeftes , nommer des généraux
, & vexer ou proferire dans cette belle &
mâlheureufe contrée, tous les bons citoyens qui
refufoient de devenir fes complices. Cette armée
d’affaffins a aflàffiné elle-même fon général, au
lieu de le livrer au bourreau ; & auffi-tôt elle l’a
remplacé par un autre bourreau , par cet exécrable
Jourdan, furnommé le coupe-tête, monftre nourri
de fang , couvert de forfaits, régicide en efpérance,
que l’échafaud redemande à Paris, & que votre
minïftre de la guerre, le miniftre d’un roi que ce
fcélérat voulut égorger , le 6 oârobre 1789, laiffe
à la tête d’une troupe de brigands qui poûrfuivent
la réunion d'Avignon à la France, par des attentats
fi dignes d’un tel général', & d’une telle révolution.
Je dénonce encore une lois au tribunal de l’honneur
& des loix , ce miniftre prévaricareur M.
dû Portail, qui, par fa coupable condefcendance,
s’éft rendu complice de tous les excès des À v i-
gnonois. M. du Portail s’eft empreffé d’arracher
aux habitans de Carpentras les généreux défenfeurs
François, qui s’étoient enfermés dans les murs de
cette ville \ pour la protéger contre les brigands
d’Avignon. Taudis qu’il réclame avec tant de rigueur
les foldats qui fe déclarent en faveur des
Comtadins , il laiffe dans une armée de fcélérats
qui fe difent fujets de la France, tous les défer-
téurs françois , toute cette nuée de proteftans ,
qui font accourus des montagnes du midi, pour
égorger mes compatriotes. Votre miniftre de la
guerre , toujours fourd à nos réquifitions , n’a
jamais voulu revendiquer les déferteurs’, auxquels
la municipalité d'Avignon paie quarante fols par
t AJfcmbléc Nationale» Tome II, Débats,
jour j pour fervîr de bourreaux à cette ville coupable.
Il eft étrange que M. du Portail, hautement
dénoncé par moi à votre juftice , & à l’exécration
de toute l’Europe , m’abandonne lâchement fon
honneur, en fe dévouant au plus honteux fîlence.
II.eft étrange que cette refpônfabilité dés miniftres ,
fi folemnçllement établie par vos décrets , ne foit
plus qu’un être de raifôn , lorfqiie nous l’invoquons
dans cette affemblée ; lorfque nous demandons à
grands cris , un exemple de juftiçe que vous nous
devez. Il eft étrange enfin , que nos plaintes foient
toujours rëpouffées , & qu’on ofe le fervir aujourd'hui
de la fituarion où les Avignonois fe font
mis eux-mêmes, & de la déplorable extrémité à
laquelle ils ont réduit le Comtat, pour vous pré- ‘
Tenter cet amas de calamités, comme une nouvelle
confécration donnée au voeu par lequel les A v i-
gnoriois demandent à être incorporés à l’empire
François. On nous parle ici des avantages & du
befoin de la paix, pour légitimer cette grande
injuftice. A h , Meffieurs! nous demandons tous la
paix. Mais les habitans du Comtat font-ils donc '
fortis de leurs foyers pour la troubler ?_ Qu’o»
nous cite une feule municipalité, une feule garde
nationale du Comtat, qui ait violé le territoire
de la France , pour porter le fer & là flamme
chez fes voifihs. Nous ne fommes pas ’ les agref- ’
feurs. Héias ! on le fait bien ; & ce fërôit une ‘
fiigulière pitié que celle de la France , fi fes re~
préfenrans n’empêchoient les Avignonois de nous '
égorger , que fous la condition tacite de noiis
affervir eux-mêmes !
La réunion d'Avignon ne feroit en effet que le
prélude de la réunion du Comtat. Il feroit indigne
de la France de s’abaifler ainfî à la rufe , pour
nous conquérir en deux temps. D ’ailleurs quelle
confiance pourroient vous infpirer les Avignonois,
qni ont ufurpé la fouveraineté de leur v ille , fans
pouvoir vous dénoncer aucun grief contre le prince '
irréprochable fous les loix duquel ils vivoient ?
ces Avignonois pouffés d’abbrd par le courage, ou
plutôt par les inquiétudes de la peur , font intimidés
eux-mêmes à préfent, de cette force effrayante
qui les environne. C ’e ft -là , Meffieurs,
le véritable mot de l’énigme, dans le rapport que
vous venez d’entendre; & ce mot n’a pu échapper
à la fagacité d’aucun membre de cette affemblée.
I c i , Meffieurs, fatigué de contempler tant d’horreurs,
je veux laiffer refpirer votre indignation
& la mienne, & appeller un infiant vos r gards
fur la ville de Carpentras. J’ai belôin de vous con-
foler du fouvenir, & en quelque forte de la pré-
fence des brigands , dont je raconte les attt- -ats,
en vous montrant enfin des héros citoyens. J ’ai
. befoin de foulagervos âmes abattues, en pavant
un jufte tribut d’amour & d’admiration, à la fidélité
jufqu’à préfent inviolable ( puiffe-t-elle l’êttç
tonjours ! ) à l’inébranlable confiance , au courage
héroïque des habitans de Carpentras. La gloire •
immortelle qui les environne , augmente aujour-
Dd d d d