
1109 millions. Les 400 millions propofés font
•donc infuffifims.' Mais il eft néceffaire, avant de
fixer la fomme de nos béfôins , d’avoir des comptes
détailles & certains de l’état cîe nos finances. Il
•çti pafle, ce temps de déprédations , où les peuples
étoient facrifiés aux créatures des minières ; tout
eft change tout doit l’être : mais par quelle fatalité
les moyens de réparation font-ils inconnus ?
Vous allez fonder nos maux & les guérir. - Nous
avons trop long-temps compté fur les reflburces
que devoir offrir M. Neçker, Ï1 nous dit aujour- ,
d’hui de compter fur nous-mêmes. Voyons donc
par nous-mêmes ., & défions-nous fur-tout des
iuggcftions des miniftres, Nous avons fait pour
Jles finances tout ce qu’on nous a demandé : qu’en
eft - il réfulté f Que nos embarras ont redoublé.
M. Necker nous préfente. de nouvelles reffources
qui ne font que des reiTourees du moment. Il
faut rejetter toutes reffources temporaires & par- J
ti'elles; il faut rejetter ces palliatifs, dont l ’inutilité
n’a que trop fouvent été prouvée, & .envisager
dans fon enfemb-le un-plan qui ramène la.
confiance & allure une comptabilité févére. Cette
lieureufe révolution fe prépare depuis long-temps ;
elle a été .allurée par les fautes des minières, notamment
depuis M. Turgot. L’imprefîion du livre
rouge fejr mieux la chofe publique que tout ce
qu’on pourroit faire & dire.
3°. Les affignats feront-ils forcés f De quelque
manière qu’ils foient établis , ils auront une Iii-
pothèque afliirée &. des rembourfemens prochains.
Dans tout autre cas , il ne faudroit pas les forcer,
parce que la confiance ne peut l’être ; mais en ce
moment Ton ne peut s’en difpenfer, & tout concourt
à lever les fcrupules.
4°, Quel fera l’intérêt des ajfgnats ? Il doit être
fixé à trois pour cent, afin que les propriétaires
aient intérêt à les faire circuler.
D ’après ces ré fu lta ts je ferois d’avis de commencer
par rendre public l’état des dettes & des
reiTourees, & de décréter une aflez grande maffe I
d'ajfgnats pour répondre de la dette.
Je pénis qu’il feroit aufti très-important de ne
pas laiffer au miniftre.la difpofition des 400 millions,
& de leur donner l’établiffemént d’une
caiffe nationale, furveiilée par l’affemblée nationale.
M. d*Aiguillon- termine fon opinion , en présentant
plusieurs articles* qui en renferment les.dif-
férens objets.
M. Dupont. Il faut examiner , avec toute la
profondeur dont noiis Tommes capables , ce que
nous pouvons, ce que nous vouions. Il eft des
chofes où l’autorité publique s’arrête : telles font
les valeurs ; c’eft la nature qui les donne ; la
Concurrence & l’ufage les déterminent, La valeur
de l’argent eft fondée fur les proportions u fuel les.
Dans aucun pays elle ne dépend pas de. la déno- |
mination , mais de la concurrence & des
chandifes. Ce n’eft pas 6 livres que vaut un écu,
mais la quantité de marchandifes qu’on peut avoir
pour une once d’argent. Que doit donc faire une
nation qui ne peut payer ? Défigner le moment
où elle paiera, & délivrer line promefle de paiement;
mais elle ne peut pas faire que la promefle
foit un paiement. Qu’eft-çe qu’un ajfgnat? C’eft
une délégation fur une vente , c’efl une promefle,
c’eft un engagement contraâé à terme plus ou
moins long. Le paiement ne peut avoir lieu qu’au
moment où la vente fera effeéhiée. Quand le
comité des finances vous a dit : « Sufpendez'yos
anticipations & faites des ajfgnats ,* il vous a dit
tout Amplement : fufpendez les anticipations. L’abbé
Terray avoit dit tout uniment : « Gardez votre
titre, je vous paierai les intérêts ». Il n’y a nulle
différence entre ce procédé , fi ce n’eft en faveur
de l’abbé Terray , qui a fait quelque chofe de
plus loyal. En effet , le nouveau titre préfente
un plus foible intérêt; le fond afligné eft expofé
à des dangers, à des cas fortuits ; ainfi les a(f-
yiats donnent lieu à un peu de faillite volontaire.
La propofition du comité a deux branches :
i° . il fufpend les anticipations & les transforme
en ajfgnats fur la caiffe de l’extraordinaire ; 20.
il répand des ajfgnats fur l’efpoir d’une recette
future. La première opération n’a- rien que d’ex-
cufable; on ne peut pas payer quand on n’a.'pas
d’argent : c’eft un malheur, & non pas un délit;
mais il veut faire ordonner que les créanciers1;
dont la dette eft fufpendue , doivent fe croire
payés, & faire croire à leurs créanciers qu’ils les
paient. Le comité paffe fon pouvoir & celui de
la nation. La circulation forcée ajouteroit à tous
les embarras.
Elle doit être confidérée fous divers rapports.
Le papier -monnoie ne peut être appliqué aux
dépenfes courantes qui doivent être foldées : tels
font les troupes.,, lés. ouvriers & autres dépenfes
journalières, ybus ’ favez que iôô mille écris,
délivrés par jour à Paris , font infhffifans. Ainfi
\ i s - nionhoie ne pourront fubvénir à la
difèfté de la monnoie. Nos" fautes, du temps dé
Law, ont fait mettre dans tous les àiftes la claùfô
d’être rembourfé enefpècesfonnantes : il eft vrai
que le comité a mis dans fon décret l’idée mal
formante que les pjjigiiàts feroient réputés ;des ?ef-
pèces formantes ; mais j’efpère que le comité conviendra
avec moi que ce remède ne remédie à
rien.
Voyons maintenant l’influence des ajfgnats-mon-
noie fur le commerce national , fous le • rapport
du commerce qui a vendu & de celui duquel on
veut acheter. Le premier éprouvera urne perte,
car le papier forcé perdra ; le* fécond'augmentera
le prix de fes marenandifes. Le commerce étranger
craindra également d’acheter & de vendre.
Il y aiira aiïffi de grands inconvéniéns dans la
manière dont l’impôt s’effe&uera: comment l’état
qui donnera le papier pourra-t-il ne pas le rece- j
voir ? S’il le reçoit , il faudra donc qu’il achète
de l’argent pour payer les- troupes & les ouvriers.
A quoi tiennent tous ces inconvéniéns ? Uniquement
à la contrainte & à la prétention de faire
paffer les ajjîgnats pour autre ehofe que des pro-
meffes de paiement. Convenez , ofez convenir
qu’il s agit d’une furféance involontaire ;. ofez être
juftes envers ceux qui éprouveront cette fur-
fëance: ceffonscje nous faire illufion fur fa nature,,
e’eft une anticipation fur des biens - fonds ; .c’eft
donc l’intérêt du fonds qui doit être celui de .
^anticipation. Le porteur de l’anticipation fufpen-
due doit être libre, ou de prendre la promeffe
de p a iem en tou de demander un tranfport par
endoffement fur la caiffe de l’extraordinaire pour
le terme d’un an. Le créancier de l’arriéré recevra
avec joie plutôt qu’il n’efpéroit ; le rentier aura
le même fort: il foldera les comptes de fes four-
niffeurs ;, il fe procurera de; nouvelles jouiffances,
& iôo-millions ainfi livrés dans la Capitale ranimeront
l’aifonce' & lè travail. Les ajfrnats ne feront
pas refûfés quand1 on pourra les réfuter ; ils
ne perdront- jamais| parce qu’on n’oferà pas offrir
moins qu’ils-, ne valent x torfqu’on pourra ne pas.
l'es prendre. Quant- à la caifîè d’efeomptë , il eft
impoffiblè de l’obliger de payer èn argent, qivand
l’état ne la- paiera qu’en ajigriàts. Il fiiut auffi fe
préparer les moyens de payer au moins cent nulle,
écus par jour de billets ce dràjfpiais.. 5
Je propofe d’abord de mettre l’art. IV à la-
place de f art. III & de fixer l’intérêt des ajjî-
gnats à- trois. & trois cinquièmes pour cent , au
lieu de quatre & demi.. Je p.réfente trois articles
différens1k j ’adopte le refte des articles du comité.-
i°. Les alignais " 'pourront fervir à folder lés
dettes comme de la monnoie , & cependant' ils
feront libres ; en ee fens, que les créanciers pourront
les refiifèr, & fe contenter- de l’intérêt de
ee qui fera du, & exiger, le dépôt des ajfgnats ,
qu’ils pourront retirer, du dépôt quand il leur
plaira*
2>°. Il fera libre aux porteurs dés referiptions r
aflignations & anticipations ,. de fe préfenter au
receveur de l’extraordinaire, qui- les endoffera,
& fixera le paiement à pareil jour de * l’année
Vivante : les intérêts feront les mêmes pendant la
dernière année qu’il, y aura à courir..
3°. U; fera établi aux frais du gouvernement
une caiffe qui retirera par jour pour cent mille
écus Raffignats ou. dé billets de la caiffe d’efeompte..
M. dt là Rochtfoucault. Je prierai le pré©peinant
d’obferver que nous ne fommes pas aujourd’hui
appelles à prendre une décifion fur une
première émiffion »de papier , mais à voir fi à un
papier - monnoie défaftreux nous en fubftituerons
un. qui paroît mériter, la. confiance, J&, ne. m’atta^-
cherai pas à examiner le parallèle qu’on a fait tant
dé fois des ajfignats-monnoie & de$ billets de Law..
Ceux-ci étoient hypothéqués fur des mines d’or qu’on
devoit peut - être découvrir : ici l’hypothèque eft
placée fur des fonds dont la vente eft ouverte..
Mais devez-vous donner à vos créanciers des af-
jignats. dont ils ne pourroient faire ufage ?. Plus le:
gage donné eft bon , plus vous devez protéger’
cet ufage , moins vous devez avoir de fcrupnle
pour exiger la circulation de l’effet ’ repréfentatif
de ce gage. Ou a "demandé fi 400 millions étoient:
fuffîfans. Je crois qu’ils fuffifent , puifque vous-
paierez la caiffe d’efeompte , que vous acquitterez:
ies anticipations , & qu’il vous reftera 100 millions*
pour avancer le paiement des rentes, de manière-
qu’au lieu d’un retard de dix-huit mois, il n’éprouve
plus qu’un retard de fix 'mois.. On a demandé fis
les ajjignats porfëroient intérêt, & quel fercit cet:
- intérêt ; fans doute il faut un intérêt : pour eir
régler la quotité, il fuftit de fe rappel 1er que Paff
femblée a créé dés ajfignats-- à cinq pour cent y
elle donne à ceux qu’elle crée aujourd’hui un cours;
'forcé c’eft une commodité de plus qui équivaut'
à un demi pour cent , dont- l’intérêt doit être fixé;
à quatre & demi pour cent. D ’aiileurs , quel eft-:
votre but è 'Eft-ce précifément de fuppléer au défaut
du numéraire ?. Je ne le penfe pas,- & toutes-
les- preuves qu’bn a voulu donner d’une grande-
émigration d’argent m’ont peu touche:1 l’argent ne
paroît^ pas , parce que la confiance n’eft pas rétablie
; la confiance n’eft pas rétablie, parce qué'
les finances ne font pas encore dans lé plus grand’
jour.. Je demande donc ,, comme un des préopi-
nans , 'que votre comité foit tenu de nous pré—
fenter toutes des lumières néceffaires fur 1 •étal' des*
finances , & le tableau détaillé dé nos befoî-ns.,..-
L effet des ajfignats fera moins de faire rentrer'
l’argent dans' le royaume ,. que dé le faire fortin1
des coffres où il eft enfoui : il faut donc leur donner
un intérêt aflez fort- pour engager ceux quii
ont de, l’argent à* échanger- leur argent contre des-;
ajfignats. Dans des- circonftances moins- orageufes,,
je nhefiterois pas a vous- dire que- vos ajfignats'
font affez bons pour être libres- :' mais fondez',
qu’afftz d’intérêts croient devoir diferéditer cette:
opération ; un papier qui: d’abord fferoit frappé:
de diferedit, auroit bien de la peine à renaître.-
Si après avoir fait des ajfignats libres, . vous - étiez:
, obligés de les forcer, il feroit à craindre que cette:
; neceflite ne vous conduisit à lai banqueroute..
Permettez - moi- de vous rappeller que lè 19 dé—
r cembre dernier , M, Roederer & moi nous vous-;
avons propofé à-peu-près les mêmes opérations ;;
nous concevions des ajfignats libres*. Les circonf--
tances ont bien changé ; notre opinion a dû changer'
avec elles. .... Je conviens , avec Mi d’Aiguillon „
de la néceffité de rédiger un plan générai &- det
créer une caiffe dans laquelle feroient verfês îesi
revenus ordinaires & extraordinaires , r & qui »pour^
voiroient aux dépenfes des départemens^ Jê- coii*-