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M. Malouet. Lorfque j’ai tant de chofes à dire,
que je crois importantes , je ne crois pas devoir
me retirer de la tribune fans un décret exprès
de l ’aflemblée. ( La partie gauche continue à de- '
mander à aller aux vo ix .)
M. Madier. I l ne s’agit donc ici que d’adopter
une table de matières.
M. Lepelletier. L ’intention de 1’aflemblée eft
que tout le monde foit entendu , mais elle veut
en même-tems adopter un mode qui puifîe apporter
des lumières dans la difcuflion , & ce
n’eft pas en attaquant fucceflivement la déclaration
des droits , la divjlion des pouvoirs ou
divers autres articles de la conftitution qu’on
pourroit y parvenir. Je demande que l ’on adopte .
le mode ae difcuflion que vient de propofer M.
le Chapelier.
M. Duval d ’EJpremenil.Mon intention eft certainement
de me foumettre très-religieufement •
à 1 ordre de difcuflion établi par l’aflemblée 3 il
me femble qu’elle veut examiner feulement fi la
méthode propofée par les comités de conftitution
& de révifion eft bonne , & fi chacun des
articles qu’ils préfentent eft vraiment conftitu-
tionnel. I l ne s’agit pas d’examiner fi ces décrets
font ou ne font pas utiles à la chofe
publique 5 mais feulement, dis-je , s’ils font conf-
titutionnels ,& fi on ne peut pas en ajouter quelques
autres qui aient été omis. (O n applaudit
dans la partie gauche. ) Je crains bien qu’on ne
me retire les applaudiflemens que je viens d’entendre.
Nous nous croirions- indignes de l’eftime
des gens de bien, fi nous n’avions pas la cou-
rageufe probité de déclarer que nous perfiftons
dans toutes nos précédentes déclarations & p ro -,
teftations au fujet des entreprifes pratiquées depuis
deux ans fur l’autorité royale. ( Quelques voix
Ae la partie gauche : & fur celle des parlemens ) 3
& fur les principes conftitutifs de la monarchie
françoife.
MM. Tabbé Maury, Madier 3 Foucault, Vau-
dreuil & plufieurs autres membres placés dans
l ’extrémite de la partie droite , fe lèvent en déclarant
qu’ils partagent l’opinion de M. d’Efpré-
menil. ( On rit dans la partie gauche 5 on applaudit
dans les^tribunes).
M. Malouet continue à demander la parole.
Oh demande à aller aux voix.
M. Malouet. Un décret pour m’ôter la parole ,
meflieurs (1).
M. le président. Vous avez entendu la proportion
de M fle Chapelier} excepté M. Malouet, 1
(1) Voye\ l’opinion que M. Malouet vouloit ex-
pofer fur Ya3 e conjlitutïonnel, telle qu’il l ’a lui-même
tait imprimer quelques jours après, à la fin de la féance.
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tous les opinans l’pnt appuyée 3 même M. d’Ef-
prémenil.
M. Duval d‘Efprémenil. Je ne l’ai pas appuyée.
L ’aflemblée décide qu’elle s’occupera d’abord
de la queftion de favoir fi elle adoptera le mode
de claflification propofé par les comités.
L ’aflemblée confultée de nouveau, adopte l’ordonnance
du travail des comités de conftitution
& de révifion.
M. le préfident. I l réfui te du décret que vous
venez de rendre , que la difcuflion va maintenant
s?établir fur la difpofition des articles qui
corapofent la déclaration des droits.
M.’ Thouret. La déclaration des droits eft en tête
de notre travail, telle qu’elle a été décrétée par
l’aflemblée } les comités n’ont pas cru qu’il leur
fût permis d’y faire aucun changement : elle a
acquis un cara&ère religieux & facré 3 elle eft
•devenue le fymbole de la foi politique } elle
eft exprimée dans tous les lieux publics, affichée
dans la demeure des citoyens de la campagne,
& les enfans apprennent à y lire. Il fera difficile
d’établir en parallèle une déclaration différente,
ou même d’en changer la réda&ion. Nous croyons
qu’elle contient tous les germes d’où dérivent
les conféquences utiles au bonheur de la fociété}
c’eft pourquoi je propoferai de pafler au fécond
titre , qui garantit les droits qui en émanent.
M. Roederer. Je fens combien il eft néceflaire
de porter refpeéf à cette déclaration, je crois cependant
qu’il eft bon de réparer une inexaélitude
qui fe trouve à l’article X V I I ainfi conçu : « les
propriétés étant un droit inviolable & facré ; nul
ne peut en être privé.... « I l faut dire : » la propriété
étant un droit inviolable & facré, nul ne
peut en, être privé...»
M. Thouret. C ’eft une faute d’impreflion qu’on
aura foin de corriger.
M. Dupont. En adoptantla déclaration des droits,
raflemblée a décrété qu’en faifant la révifion on
examineroit s’il ne pouvoit pas y être fait quéîques
additions utiles.Par un décret inféré dans le procès
verbal, on a ajourné à cette époque l’examen de
- cet article : » tous les membres de la fociété, s’ils
i font indigens ou infirmes, ont droit aux fecours
j gratuits de leurs concitoyens». Cette difpofition
me paroît conforme à la dignité d’une grande nation.
L a déclaration des droits me paroît encore
fufceptible d’autres changemens. Par exemple, il
eft d it , art. X IV : tous les citoyens ont droit de
confentir l’impôt. » Laiflons-là ces expreflions qui
fentent le defpotifme. » Tous les citoyens ont le
droit de régler, de déterminer l’imp’ot. » Voilà
ce qui eft ce qu’il faut dire. On voit que ce
travail a été fait en tremblotant, par de pauvres
repréfentans des communes. Une déclaration des
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droits doit être rédigée avec une: brièveté impériale
& avec une fageffe philofophique. Il ne
s’agit pas de Changer celle-ci^ mais de la rendre
;plus digne du genre humain pour qui elle eft
[faite.
[ M. Dandré. Le préopinant demande qu’il foit
[ajouté un article pour conftater les droits des
[pauvres aux fecours publics 5 il paroît qu’il n a
pas bien lu l’avant-dernier paragraphe du titre
[premier qui porte : « I l fera créé & organifé un
[établiflement général de fecours publics pour le
Ifoulagement des pauvres infirmes & des pauvres
[valides manquant de travail ». Nous avons placé
[cet article dans la conftitution , qui fera fans
doute aufli durable que la déclaration des droits
d’où elle dérive.
L ’afTemblée adopte la déclaration des droits
[telle quelle eft rapportée plus haut.
[ M. Thouret. Je prppofe à la délibération la dif-
l pofition qui forme le préambule du titre premier.
1 « L ’aflemblée nationale voulant établir la conf-
; titution françoife fur les principes qu’elle vient de
reconnoître & de décorer, abolit irrévocablement
[les inftitutions qui blefîoient la liberté & l ’égalité
des droits.
Il n’y a plus ni noblefle , ni pairie , ni diftinc-
■ tions héréditaires, ni régime féodal, ni juftices
| patrimoniales, ni aucuns des titres, dénominations
, prérogatives qui en dérivoient, ni aucun
[désordres de chevalerie, corporations ou décorations
, pour lefquels on exigeoit des preuves de
[ noblefle, ni aucune autre fupériorité que celle
Ides fonctionnaires'publics dans l’exercice de leurs
I fondions.
Il n’y a plus ni vénalité-, ni hérédité d’aucun of-
Ifice public.
11 n’y a plus pour aucune partie de la nation, ni
i pour aucun individu, aucun privilège ni exception
[au droit commun de tous les françois.
j II n’y a plus ni jurandes, ni corporations de pro-
! feflions, arts & métiers.
f La loi ne reconnoît plus de voeux religieux, ni
[‘aucun autre engagement qui fer oit contraire aux
\ droits naturels ou à la conftitution ».
f M. d’Harambure. Tant que Taflemblée n’aura
' pasftatuéfurle premier article de Y allé confiitution-
■ nel qui porte : ce Que tous les citoyens font ad-
? miflibles aux places & emplois fans autre diftinc-
[. tion que celle des vertus & des talens ». Mon
[•engagement folemnel d’honneur envers ceux qui
m’ont envoyé pourfoutenir la noblefle , fubfifte
j toujours } je penfe que je n’ai rien de mieux à faire
t que de m’en remettre aux lumières de cette af-
[' femblée. Elle examinera quelle influence peut
. avoir cette fuppreflion fur le bonhenr du peuple,
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unique objet de mes voeux & de ceuxjie mes com-
mettans.
M. Decroix. Quant à m o i, fi je n’avois pas été
abfent de l’aflemblée le 19 juin , je me ferois op-
pofé de toutes mes forces à l’anéantilfement de
la noblefle héréditaire , mon honneur & ma délicatefle
m’auroient obligé........( On murmure dans
la partie gauche. ) Si vous ne voulez pas m’entendre
, je déclare que je ne prends nulle part à la
délibération. ( Les murmures recommencent. )
M. Crujfol d'Amboife. Je déclare ne point pren- ,
dre part à la délibération , pour remplir mes
devoirs envers mes commettans, & être confé-
quent aux principes que j’ai toujours eus fur la
noblefle.
M. Lufignan. J ’adhère à l’opinion de M. d’H arambure.
M . Camus. I l me femble qu’on n’a pas rapporté
littéralement le décret qui fupprime les diftinc-
tions d’ordre. Vous n’avez pas anéanti feulement
les ordres de noblefle, mais ceux de chevalerie.
Il faut le dire nettement, je lis plus bas : ce L a
loi ne reconnoît.plus de voeux religieux, ni aucun
autre engagement qui feroit contraire au droit
naturel ou à la conftitution ». Tandis que le décret
porte : ce La loi ne reconnoît plus de voeux monaf-
tiques fqlemnels ».
M. Thouret'. Les comités ont adopté cette rédaction
, parce qu’elle eft néceflaire pour confa-
crer le principe tel qu’il doit être conftaté. En
faifant des Jo ix , les citoyens ne peuvent être con-
fidérés que fous les rapports d’homme à homme ,
mais non pas fous les rapports de l’homme i
Dieu } non pas fous le rapport des engagemens de
confcience : ils ne font pas du reflort des lo ix civiles
, ils appartiennent tout entiers aux loix éternelles.
L ’autorité civile gouvernante ne peut fe
mêler des voeux religieux 5 par conféquent la loi
ne peut les reconnoître 5 cela ne les interdit ni
ne les proferit. Mais comme ils appartiennent à
un autre ordre de chofes, c’eft à lui à afliirer
les moyens de les remplir } mais encore une
fois , cela eft étranger aux loix politiques. ( On
applaudit dans la partie gauche ).
M . Camus. Je fuis d’accord avec M. Thouret
fur ce principe 5 mais il n’eft pas exprimé dans
le préambule.!’« La lo i , eft-il d it , ne reconnoît
plus de voeux religieux ». Par cette expreflion ,
! j’aurois droit de conclure que tout voeu religieux
quelconque eft proferit ( Plufieurs voix de la partie
gauche } N o n , non ). Je demande que l’on
dife : La loi ng s’entremêle en aucune manière des
voeux religieux.
La propofition de M. Camus eft rejettée,
M . Roederer. I l ne me femble pas mutile d’inférer
d*ns le préambule les termes précis du décret
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