
durée des pouvoirs. On dit que le mot de cenfti-
tution ne fe trouve pas dans les pouvoirs ; mais
tous les cahiers exigent la réforme des abus , &
cette réforme ne pouvoit fe faire que par la conf-
titution. La conftitution eft commencée ; tous les
citoyens , en prêtant le ferment civique , y ont
donné une adhéfion formelle : il y a plus , lorf-
que cette affemblée fut attaquée par le defpotif-.
me, vous prêtâtes tous ferment de ne vous féparer
que lorfque la conftitution Meroit achevée : ce ferment
a été applaudi de toutes parts, & la nation ,
en Papplaudiflant, s’eft liée à ion exécution. Comment
d’ailleurs les élections pourroient - elles être
faites ? Les anciens éleâeurs n’exiftent plus , les
bailliages font confondus dans les départemens ,
les ordres ne font plus féparés. La claufe de la
limitation des pouvoirs devient donc fans valeur
il feroit donc contraire aux principes de la conftitution
que les députés dont les mandats en font
frappés , ne reftaïfenr pas dans cette aflemblée :
leur ferment leur commande d’y refter, l’intérêt
public l’exige.
Le comité de conftitution m’a chargé de vous
préfenter le projet de décret fuivant :
« L'affemblée nationale déclare que les aflemblées
qui vont avoir lieu pour la formation des 1
corps adminiftrarifs dans les déparcemens & les
diftriéls, ne doivent pas , en ce moment, s’occuper
de l’éleftion de nouveaux députés à Xaffem-
blèe nationale ; cette éleftion ne peut avoir lieu
que lorfque la conftitution fera prête à être achevée
, & qu’à cette époque, impoffible à déterminer
précifément , mais très - rapprochée , Xaffemblée
nationale s’empreflera de faire connoître le jour
où les aflemblées éleéiorales fe réuniront pour
élire les députés à la première légiflature. Déclare
auffi qu’attendu que les commettans de quelques
députés n’ont pu donner pouvoir de ne pas travailler
à toute la conftitution , 8c qu’attendu le
ferment fait le 2.0 juin par les repréfentans delà
nation , 8c approuvé par elle, de ne point fe féparer
que la conftitution ne fût faite , elle regarde
comme toujours fubfiftans jufqu’à la fin de la conf-
tution, les pouvoirs limitatifs dont quelques membres
feroient porteurs. Décrète en conféquence,
qu’à compter de ce jour , aucun député ne pourra
fe retirer de l’affemblée nationale , qu’il n’ait un
fuppléant anciennement nommé , & en état de
.prendre aufti-tôt fa place. Ordonne que fon président
fe retirera dans le jour pardevers le roi,
pour préfenter le préfent décret à fa famftion , '
& le fupplier de donner les ordres pour qu’il foit
le plus promptement poflible envoyé à toutes les
aflemblées éle&orales , .& aux commiffaires nommés
pour la formation des départemens ».
M. l'abbé Maury. Le projet' de décret qui vient
de vous être préfenté, embrafîe les plus grandes
queftions dé droit public. Dans quel fens fommes- I
cious repréfentans de la nation? Jufqu’où s’étendent
nos pouvoirs 8c nos mandats ? Quelle différence
y a-t-il entre une aflemblée conftituante &
des légiflatures ? Jufqu’à quel point pouvons-nous
exercer nos pouvoirs fur la nation ? Voilà les
queftions qu’il faut examiner.
Dans quel fens fommes-mous repréfentans de
la nation ? Certes , nous ne devrions pas nous
faire çëtte queftion pour la première fois. La nation
, convoquée par le roi dans les bailliages,
nous a donné nos pouvoirs. Chacun de nous, député
par fon bailliage , n’étoit député que de fon
bailliage : en arrivant ici il a pris un plus grand
cara&ere ; il eft devenu le représentant de la nation
par la réunion de tous les députés. Cette-qualité
de représentant n’a pas fupprimé celle de re-
préfentant de bailliages fans lefquels chacun de
nous n’auroit rien été. La deuxième miffion fup-
pofe nécessairement la première. Le repréfentant
de la nation ne doit donc pas oublier qu’il eft
député, 8c par qui il eft député. On nous environne
de fophifmes ; on parle du ferment prononcé
le 20 juin , 8c l’on ne fonge pas que ce
ferment ne peut anéantir celui que nous avons
fait à nos commettans. Les fermens fubféquens
n’anéanriflent jamais un premier ferment.. . Je le
demande à tous les citoyens qui refpe&ent la! foi
publique: peut-on exifter comme mandataire après
que le mandat eft expiré? Le terme fijfé parncs
commettans une fois arrivé , nous devons rentrer
dans la clafle des Amples citoyens. Cette première
queftion étant éclaircie , fixons nos regards
fur une difiinélion qu’on n’avoit fait qu’infinuer
dans cette affemblée. Je parle de la différence
entre l'affemblée nationale 8c la légiflature. Vous
voyez qu’il a fallu créer des mots nouveaux pour
expliquer des idées inconnues, à notre gouvernement
: l’acception de ces mots ne peut être équivoque.
Qu’eft - ce qu’une convention nationale?
Ç ’eû une aflemblée repréfentant une nation entière,
qui, n’ayant pas de gouvernement, a in-
vefti fes députés des pouvoirs néceflaires pour
lui en donner un. Je trouve -dans l’hiftoire deux
exemples qui appuient cette définition.
En 1607, Elifabeth , reine d’Angleterre, mourut.
Le roi d’Ecofîefut appellé au trône: il s’agit alors
de favoir comment l’Ecofle feroit régie ; fi elle
auroit un fouverain particulier , ou fi elle feroit
réunie à l’Angleterre. Les Ecoffois s’affemblèr.ent
pour juger cette queftion. Voilà une convention
nationale. Jacques II ayant abandonné Londres
& quitté fes états , le parlement s’aflembla pour
pourvoir à remplacer le fouverain, q u i,«par fa
fuite, avoit, difoit-on, abdiqué la couronne , &
pour organifer un nouveau gouvernement. Vous
voyez que toutes les fois qu’un roi eft fur le
trône , une aflemblée convoquée par ce roi ne
peut être une convention nationale. ( Il s’élève des
murmures). Cette démonftration'n’eft point fyf-
tématique ; elle porte un caraétère d’évidence
auquel vous ne refuferez point votre affentiment.
Pour,
pour qu’il y eut en Fran'ce .une affemblée nationale
, il auroit fallu que la nation entière, fou-
levée contre le gouvernement, 8c non contente
de fon ro i, eût donné des pleins pouvoirs , en
oubliant qu’elle avoit un roi. Si elle a promis de-
Yefpe&er tous vos décrets, vous avez le droit dé-
déclarer le -trône vacant. ( Il s’élève dé nouveaux
murmures ). La doétrine que j’ài l’honneur de vous
préfenter , peut devenir un grand 8c important
objet de délibération. J’efpôre qu’on va faifir ai-
lément la différence que j’ai voulu établir. S’il eft
vrai que, fous quelqtie rapport que ce puiflé être,
votre pouvoir ait des bornes , vous n eces pas une
Convention nationale ; s’il eft illimité., vous pou®
vez bouleverfer tout l’empire. J engage tous nos
adverfaires à combattre ce principe, ©n dit que
vous êtes corps conftituant, 8c que les aflemblees
fubféquentes ne feront Amplement que des légiflatures.
Ce n’eft ni dans la faine raifon , ni dans le
droit public qu’on a trouvé cette fubtile diftinc-
tion. Le parlement d Angleterre , depuis Jean-
fans-Terre , à toujours eu les mêmes pouvoirs ;
il a toujours eu le droit de ^occuper dé legifla-
tion 8c de conftitution. C ’eft la Suède.qui nous
montre l’inconvénient de ces corps^ qui peuvent
donner des loix à-une nation entière. C’eft ce
fénàt fanguinaire qu’il a fallu anéantir quand les
Suédois ont voulu être libres.. . Eft - ce dans nos
décrets qiîe les légiflatures étudieront leur pou-'
voir? Eft-ce dans lès procès-verbaux^des anciens
états-généraux que nous avons cherche les nôtres?
Voici ma prôFeffiérn dé foi bien folemnellè. Je
penfe que nous devons obéir fidçllement a la
conftitution' que, vous , avez "décrétée , parce que
fans cette obéiflance nous tomberions dans la plus
horrible anarchie. Mais vous ne pouvez limiter les
pouvoirs dé vos fucceffeurs. Ce n eft pas a nous
de leur dire comme Dieu dit aux flots de la mer:
vous irez- là 8c vous n’irez pas plus lotin ; vous
porteriez atteinte aux droits de la nation : tout ce
qui limitçroit les pouvoirs de vos'fucceffeurs en—
chaîneroit la liberté politique.... On vous rappelle
le fermènt que vous avez fait de ne point
Vous féparer que la’ conftitution ne fut finie. Mais
li conftitution eft la diftribution des pouvoirs ;
le pouvoir légiflatif eft bien rèconnu , la nation
eft rentrée dans ce pouvoir ; elle eft également
rentrée dans fa liberté. On fe fort de ce mot
liberté comme indiquant une fé&é particulière : il
n’y à point d’ennemi de la liberté. Tout le monde
aime là liberté ; ilrfuffit d’être h'oifcme & françois
pour-la ’regarder .comme, le plus précieux des biens.
Par votre ferment vous avëz, voulu exifter jufqu à
ce. quë nous éiiflion^' aflùré les droits de la nation
; fous ce rapport la conftitution eft faite, Q'üant
au pouvoir exécutif, fans fon intégrité il n’y a
pas de liberté. On a dit : eft-ce l’armée qui forhje
lë^pdùÿôir exécutift attendez qtie l’armée foit or-~
ganifèe. Sont-cë tés’ tribunaux ? attendez que les
tribunaux ifôiént établfe. Ck‘ fônt-la des féphifflieS-
Affemblée Nationale,, Tome II. Débats.
brlllans ^ mais non pas des raifons. Ce que nous
avions à faire relativement au pouvoir exécutif ,'
c’étoit d’aflurer- notre liberté ; elle eft affurée. C ’étoit
d’établir que l’impôt feroit déformais confond-
par le peuple? Aucun miniftre n’oféra jamais en
établir fans ce consentement; àinfi tout ëft fait,,
ainfi ce ferment eft rempli. On nous ameneroit
à éternifer nos fondions fi on nous empêclioit
de rendre compte à nos commettans.. . . Nous
ne pouvons pas dire au peuple qui nous a chargés
de Je repréfenter, que nous lui avons ôte le droit
de noiis donner des fucceffeurs. Il eft digne des
fondateurs de la liberté de refpe&er cette liberté
dans la nation toute entière... Je m’oppofe à
tout décret qui limiteroit le droit du peuple fur
fes repréfentans, Ce n’eft pas aux enfans a s’élever
contre l’autorité des pères ; nous fommes ici
guidés par une piété filiale, qui nous dit que la
nation eft au - defîùs de nous, 8c que nous détruirions
notre autorité en limitant l’autorité nationale.
M. Defmeuniers. Je prie M. le préfident de m’accorder
la parole , quoique ce ne foit pas mon
tour , pour rappeller uniquement des faits qui peuvent
être utiles à l’affemblée. Sans entrer dans ce
qu’a dit lé préopinant, j’ofe affiner qu’il a avancé
fophifme fur fophifme.
M. d.'Efprémenil. Je ne réponds pas par un fo-
phifme, lorfque je rappelle à M. Defmeuniers que
les pouvoirs des députés de Paris finiflent le premier
de mai.
M. Defmeuniers. Le comité de conftitution, avant
de vous préfenter fon projet de décret, a cherché
à connottre le nombre des députés dont les pouvoirs
font bornés à une année: il n’y a que cinq
députations qui fe trouvent dans ce cas-; encore
lés pouvoirs de l’une d’elles ont-ils été changés
depuis. Je déis citer un fécond fait qui abrégera
beaucoup les difeuflions. Le préopinant à donné
une définition très-fauffe d’une convention nationale.
Il a dit que c’étoit une aflemblée chargée
de créer la conftitution. Mais il y a une autre
efpèce de convention, celle qui doit réformer la
conftituion. Il auroit pu nous dire , puifqu’il fe
livroit à des citations hiftoriques, qu’en Amérique
nous avons vu deux conventions nationales de
nature différente. La première, eut pour objet de
former le gouvernement de ces républiques. La
fécondé n’a plus créé ; mais fon but a été de revoir
& de réformer le gouvernement qui avoit
été créé. Il eft donc bien évident qu’il peqt exifter
des conventions nationales pour reformer la conf-
ptution. Ç’eft- en partant d’une feuffe fuppofition
que le préopinant a dit que la convention pouvoit
détrôner le roi : dans nos principes, elle ne
le pquyoit pas.
M, le fréjident.~'J’obferve à l’opinant qu’il n’a
obtéftü là parole qaë:pour expofer des faits, ÔÇ
D d d<J