
M. Larochefoucault. Le danger de changer de
roi me p^roît fi grand, qu'il feroit bon de dire
que le délai fixé par le comité pourra être prolongé
par le corps législatif.
M. Régnaud de Saint-Jean-d Angély. Je fuis loin
de croire que le roi ait l'intention de refufer les
avantages que lui préfente la conftitution du
royaume y mais il faut tout prévoir ; 8c s'il étoit
poflîble que fes ennemis le déterminaient à aller
fe mettre hors de vos frontières au milieu des factieux
j il feroit dangereux de lui accorder un fi
long délai. Je demande que vous déclariez., comme
droit inhérent au corps conftituant, la faculté de
prendre les précautions q u il jugera nëcefiaires en
ces- circonftances.
M. Prieur. Ce raifonnement s'applique.également
aux législatures.
M. Thouret. Il y a un grand intérêt à ne point
abandonner aux législatures le droit de fixer ies.
délais. Il feroit pofiible que , dans les circonftan-
çes difficiles , elles filfent mal cette fixation j 8c
c'eft en faveur du roi , contre le corps législatif,
que nous vous propofons ce délai de deux mois.
11 faut.une latitude fuffifante pour qu'il nefoit pas
forcé de ne rentrer qu'à la tête d'une armée.
Dans le cas où il en auroit levé une , ce ne feroit
pas vos décrets, mais la forcé qui prévaudroit.
On peut marier la propofition de-M. Prieur avec
celle du comité , & dire,: » Si le roi ne rentre pas
dans le délai fixé par le corps législatif , qui ne
■ pourra être moindre de deux mois ».
Quant au pouvoir conftituant, il concentre en
lui feul tout le falut de la chofe publique $ il ne
peut être entravé en aucune maniéré , 8c il a le
degré d'autorité néceffaire pour prendre telle
précaution qu'il juge convenable.
M . Roederer, Vous avez répondu à l'obfervatiori
de M . Régnaud ; mais il eft , relativement aux légif-
latures j une queftion; c'eft celle de favoir f i , pendant
le temps de fon abfence , le roi aura les rênes
du gouvernement. Si c'étoit l’avis du comité , le
délai ne pourroit gtte trop réduit.
M. Thouret. En principe , le feul fait de la fortie
du roi ne le fufpend pas de Tes fondions. Mais du
moment de la proclamation du corps législatif,
Je pouyoir .exécutif doit être fufpendu dans fes
mains,
M. Roederer. Il faut le dire. ,
M. Thouret. On ajoutera cette propofition :
L'article II eft décrété 3 ainfi qu'il fuit :
Art. II. Si le .roi 3 étant forti du royaume,
n’y rentroit pas après l'invitation qui lui en feroit
faite par une proclamation du corps législatif ,
& dans le délai qu'il fixera, mais qui ne pourra être
moindre de deux mois | il feroit çenfé avoir abdiqué
la royauté.
Séance du 24 août,
M. Thouret. Je foumets à l'affemblée l’article I
relatif à la garde du roi. Comme cette matière eft I
une de celles fur lefquelles on a particulièrement I
cherché à influencer l'opinion publique, il eft I
néceflaire de donner quelques développemens,
11 n'eft, je crois , pas queftion de favoir li le roi I
doit avoir une garde. Il ne nous a pas p a r u q u 'il y I
eùtlà-deftlis deux opinions, non qu'on p u if f e croire I
que le premier fonctionnaire public de la nationait I
befoin d'être en garde contre elle , mais parce I
qu'il faut le prémùnir contre des individus mal- I
veillans dont aucune, nation n'eft exempte. La I
première queftion qui s'eft préfentée à examiner, I
eft de favoir fi on peut établir que les différens I
corps de troupes de ligne c o m p o f e r o n t to u r - i> I
tour la garde du roi. Ce fyftêméa d'abord quel- I
que chofe de féduifant 5 mais en l ’examinant plus I
à fond, nous nous fommes convaincus qu'il etoit I
contraire à l'intérêt de la conftitution & à l'intérêt I
de l'efprit militaire dans l'armée. Il eft clair que I
le premier danger d'un peuple lib re , eft celui I
qui réfulte del'exiftence d'une force armée, lorf-
qu'elle eft trop confidérablë & qu'il s'y introduit
un efprit anti-national. L'intérêt de la nation eft
qu'il ne. s'élève pas dans fon feiri un efprit particulier
, 8c un trop grand dévouement de l'armée
pour les intérêts perfonnels de fon chef. O r , ce
feroit s'expofer à tous ces inçonvéniens, que
d’établir que les troupes de ligne pourront paner
dans çette atmofpfièfe d f i n t r i g u e s , où elles
feront immédiatement fous les yeux de leur chef 8c fous l'influence d e s agens fubalternes de la corr
u p t i o n , des blandities, d e s careffes, des allicie-
mens, 8c peut-être des gratifications pécuniaires
de la cour. Le danger qui paroît donc indubitablement
attaché à cette inftitution, ce feroit d'ino*
culer fucceffivement tous les corps de troupes de
lig n e d 'u n ferment de corruption qu'ils emporte*
roient dans feurs garnirons.
Nous avons été déterminés encore par deuï
autres confidérations ; la première, que. le féjour
du roi fera à l'avenir dans la capitale que le
féjourde la capitale eft inconteftablement deftruc*
t if de l'auftérité des moeurs, qui eft le principe de
la difeipline militaire ; la fécondé , qu'il ferort
néceffaire de donner une haute paye à ces corps}
& que, d’après les éclairciffemens donnés par des
hommes qui ont fur cela une expérience.certaine)
il y auroit une très-grande difficulté à réduire a »
paye ordinaire des corps qui auront joui de « I
haute paye,
Tout cela nous a fait penfer qu'il étoit beaucoup I
meilleur, 8c pour l'intérêt conftitutiennel, & p°?
Tefprit militaire, que le roi eut une garde parti*
culièjre.
K Nous propofons que cette garde foit pavee fur les fonds de la lifte civile ; qu elle ne puiffe etre,
lompofée de plus de n o o hommes a pied, & de loo hommes i cheval. Nous n'avons pas pu croire lue ce nombre d’hommes ^ftriaement neceffaire
fo u r le ferviceg pût offrir un danger reel pour la
Bb°rré, Nous penfons que lès grades, les réglés
l'avancement, doivent être ies mêmes que pour
le s troupes de ligne 8c nous trouvons par-la un
[noyen d'attacher cette garde à l'autorité nationale
en même-temps qu'au fervice du roi : fans
Bette précaution, elle ne pourroit n'être quune
Bohorte privée de sbirres , qui, ne tenant par
Bien a la nation , feroient entièrement dévoués a
Belui qui les payeroit, pour en- faire, des înftru-
t e n s domeftiques & ferviles. Au contraire,
■ d'après notre propofition, la plupart de ces gardes
■ liront un état indépendant du ro i, puifque le
Itiers feulement des places fera au choix du roi.
K Enfin, nous propofons que ces gardes ne puif-
Bent jamais être commandes pour aucun fervice
■ public , & qu'ils ne puiffent être choifîs que
t parmi les hommes i-adhiêllement en activité de fer-
K ic e dans les gardes nationales ou dans les trou-
Ipes de ligne, & réfidans dans le royaume.
1' En accumulant toutes ces précautions , nous
I croyons qiieie roi aura une garde convenable a la
■ dignité nationale , 8c qu'il n'y aura aucune crainte
■ férieùfe à avoir.
K M. Radier. On vous propofe d'entourer le roi
■ d'une garde ftipendiëe qui le deroberoit aux re-
|,gards & à la confiance du peuple , penfe-t-on que
■ cet appareil intermédiaire doive reflerrer les liens
■ del'oDéiffance à la loi ? Une nation fiere 8c jaloüfe
■ de fa liberté, verra - 1 - e lle , fans défiance , une
■ troupe mercenaire & anti-civique garder les ave-
■ nues du trône ? Ces viles précautions ne peuvent
■ convenir qu'aux defpotes, q u i, fe défiant fans
■ celle de la fidélité des efclaves qu'ils ont affervis ,
■ ne régnent que par la terreur, 8c n'expriment
■ qu'au bruit des armes les aétes de leur volonté
■ tyrannique. Mais un roi qui commande au nom de
■ la lo i, qui doit tout à la liberté d un peuple
■ généreux....... 5 un roi qui n'a jamais que du bien
■ à faire, 8c qu’une fage conftitution a mis dans
a l'heureufe impuiffance de faire détefter fon auto-
■ |rite---- j un roi des François, enfin........., pour-
B roit-il s'environner de fatellites .ftipendiés , au
■ lieu de fe faire un rempart de la confiance 8c de
■ la reconnoiffance de la nation.
t On a d i t , & on répétera vainement, que la
j fplendeur du premier trône de l'univers exige
■ l'appareil d'une force armée. Perfonne ne co.ntef-
■ tera ce principe ; on ne diffère que fur la manière
■ de l’appliquer. De quels élémens d oit-on com-
■ pofer. cette force armée i Voilà la queftion a
■ léfoudre.
■ C e corps hétérogène , qui n’appaytiendroit ni
à h hiérarchie civ ile, ni à la hiérarchie militaire,
feroit une excreffehcedangereufe, une difformité
bizarre qu'on ne fauroit admettre dans Y acte conf
titutionnel. Les jeunes gens dont on compoferoit
cette milice, feroient choifîs infailliblement parmi
les ci-devant gardes-du-corps, & dans la^cafte
qu'on appelioit privilégiée. Ils feroient inities de
bonne heure dans la do&rine du royalifme. Les
préjitg'és' de la naiffance, le defir d'avancer, 1 aver-
fion pour l'égalité , leur feroient bientôt oublier
leurs devoirs envers la nation, pour ne s'attache*
qu’au monarque.
Cette troupe, ainfi difpofee, feroit la pépinière
des chefs de votre armée de ligne. Toujours alimentée
par des furnuméraires de même efpèce ,
elle feroit le germe inépuifable du monarchifme , 8c l'écueil infaillible de votre liberté civile 8c
politique.
Cette inftitution vicieufe 8c chevalerefque ,
feroit l'école du fpadaffinage, depot éternel des
illufions nobilières. La cocarde blanche feroit
bientôt le talifman de cette corporation fantalh-
que. Et peut- on répondre que le fcandale des
orgies & les évolutions des poignards ne fe renou-
velleroit pas fous nos yeux ?
Rappeliez-vous l'affligeant fouvenir de ces ca-
taftropnes récentes, & que les amis de la liberté
n'en perdent jamais la mémoire !
J’invoque ici le courage héroïque que vous avez
montré lors du ferment du jeu de paume 5 lorfque
vous étiez infeftés de canons ,^ e mortiers & de
bayonnettes. Auriez-vous vote ce jbur-la 1 îniti-
tution des m m à Pied & a cheval 3 pour
entourer le trône du monarque 8c le fanctuaire
des loix ?
Il eft i ufte de donner une garde au r o i , il n’eft
aucun de nous qui ne volé au-devant de cette équitable
propofition ; mais la nation françaife ne doit
déléguer ce droit à perfonne.
Rien ne fera plus propre à maintenir l’harmonie
, l’unité d’intérêt, de voeux & d intention
entre tous les départemens. que de les f f 're concourir
en commun & a tour de rôle . a i honneur
■ de garder leur premier fonaionnaire. C e moyen
feul pourroit vous préfervér de tout fyfteme républicain
confédératif. Une relation annuelle & périodique
entre les départemens & la capitale .
entre" le monarque & les citoyens, etçindroit a
jamais le germe des rivalités. les divifions caufees
par l'intérêt ou les prérogatives.
Il ne fera pas plus difpendieux pour le roi d’ in-
demnifer-fur la lifte civile les gardes nationales
qui5 tour à-tour i feront employées a | a.g arde^
que de ftipendier une troupe dont le régime j U