
commandant de tirer fur le peuple * en ordonnant
l’exécution de la loi martiale j tandis que les magistrats
ont feuls le droit de la requérir , 5c cette
loi terrible qui permet de verfer , fans crime , le
fang des citoyens , propofe le décret fuivant :
»L’affemblée nationale ayant entendu le compte
qu’elle sert fait rendre des évèpemens arrivés à
Toulon , déclare être fatisfaitede la manière dont
le eonfeil municipal, la garde nationale & les
troupes de terre 5c de mer fe font conduits : «
» Déclare en outre qu’elle fe rappelle avec fa-
tisfa&ion les fervices militaires de M. le comte
& Albert & de MM. de Broves, de Bonneval, & c .
& qu’ellefe repofe fur leur honneur 5c leur fidélité
à la eonftitution. «
» Déclare qu’au furplus il n’y a pas lieu à délibérer.
»
L’heure étant avancée, on ajourne au lendemain
la fuite de cette affaire.
Séance du 16 janvier 1790#
M. le duc de Liancourt. Sans m’étendre fur des
évènemens dont les détails vous ont été tant de
fois préfenfés, je me bornerai àobferver que dans
un tems ou l'on change fubitement les habitudes
de dix fiëcles , unefage toléranceeftle feul moyen
de faire fortir la jufti.ce & la libertéUes mouvemens
extraordinaires qu’occafionne une femblable révolution.
C e n’eft qu’à la dernière extrémité que la
rigueurdoit être employée......
Cette réflexion s’applique naturellement à l’affaire
qui vous eftfoumife en ce moment.........
La conduite de M. d’Albert a eu pour objet de
protéger le port de Toulon y & s’ il a préparé des
moyens de aéfenfe 3 tout annonce que ce n’étoit
point pour fe livrer à fes paffions ouà fon intérêt
perlonnel. Il n’a pas fait ufage de ces forces, quoiqu'on
fa it traité comme’on n’anroit même pas dû le
faire s’il eût étécriminel. Dans tous jes cas 3 il avoit
droit à des, égards, cet homme que l'opinion publique
place â la tête de vos armées navales 3 5c
qui devient i’efpoir de la prochaine giierre. . . . . .
w Je propofe le décret fuivant: » L’aifemblée nationale
, après avoir pris connoifTance des évènemens
arrivés à Toulon , déclare que MM. d'Albert
de Rioms, de Broves, de"Bonneval ,d e Village ,
de Saint-Julien & de Caftelîet. n’ont donné lieùu à
aucune inculpation : rend juftice aux intentions patriotiques
du eonfeil municipal & de la garde na-
tionalede Toulon , & ajourne le refte de cette affaire
d é c r è te que le roi fera prié d’ordonner les
mefuresnéceffaires pour la fûreté du port de Tou«
Ion ; 8c déclare que nea dans cette affaire ne d o i t ,
porter atteinte à la réputation de M. d'Albert fc 1
la confTdération due aux qualités per formelles i
cet officier ».
M. Robespierre. Je ne veux ê t r e , ni yact.
fateur, ni l’avocat des officiers de la marine, |
l’un ni l’autre rôle ne convient aux repréfentak
de la nation j mais je crois que nouf devons
tous nos efforts pour empêcher qu’on ne donae
des éloges auxfentimens&à la conduite des ofi.
ciers^qui ont manqué à la liberté 5c au refj)s£U
eft dû au peuple.
Je ne parlerai pas des faits de cette affaire;il
vous font connus. Plut à dieu que nous puiflionj
oublier ce qui s’eft paffé à la mêmeépoque,!
Breft , oùla liberté gémiffoit, entourée defoldaij,
A Marfçille, ou les meilleurs amis de la liberté
jettes dans des cachots, étoient prêts à périr foi#
le fer coupable, dont les anciens abus & l’antique
abfurdité de nos vieilles inftitutions 3 avoient aimé
la juftice. Quand je cônfidère tous les évène-
mens ae cette p rovince, je . ne puis m’empêcher
dçpenfer, que rapprochés par leur époque, ils
étoient peut-être liés par des fils qu’il ne ferait
pas impoffible de découvrir j.je crains fur-tout è
voit un décret de l ’affemblée nationale, décourager
le patriotifme , & encourager les ennemis
de la liberté.
M. Rtbffpierre jette enfuite un coup d’oe3
rapide fur les principes faits de cette affaire.
Si vous marquez de l’approbation, continue1
t-il, pour la conduite de M.61 Albert r ne refiliez-
vous pas au peuple le droit que votre déclaration
des droits a çonfacré , celui ae la réfiftance àl’op-
preflîon ? N’établiffez-vous pas au contraire quoi
peutinfulter impunément l'autorité nationale....
Si vous déclariez qu’il n’y a lieu à aucune inculpation,
ce feroit déclarer qu’on n’eft: pas coupable
pour avoir infulté le peuple. Si vous donniez des
éloge*, que deviendroient vos décrets ? ...
Je ne propofe pas cependant de renvoyer au
qhâtelet j mats j ’adopte la première, partie du de;
cret deM. Ricard : perfuadé que la prudence S
la juftice vous, commandent également de témoigner
a la gardé Nationale 8c au eonfeil municipal
votre fatisfa&ion de leur conduite.
M. de Clermont- Tonnerre. Après avoir entendit
premier récit des faits, il ne me reftoit aucun dons
fur ^innocence de M. àl Albert 8c des officiers ^
commandables compromis dans cette affaire. M ®
Champagny a concilié tous les intérêts, fans bief»
fer les principes. Le décret qu’il a propofe 11e
fémblêfufceptible d’aucune (difficulté.
Celui qui a opiné après lui a préfenté de nouveau
le récit des faits , & il en a tiré l’inculpa“'1*
d’un crime de lèze-nation : puifqu on a rappel
a . fjits je dois auffi les rappeller. Si un accu-
I ut peut fe confoler d‘avoir oublié des faits ag-
■ avans J un défenfeur feroit inconfolabie dleti
n-Vlige/de propres à prouver l’ innocence de l’ac-
;$ufé.
■ M. de Clermont-Tonnerre préfente le* faits
■ busun: nouveau point de vue , 5c examine enfuite
■ eux queftions.
■ M. à3Albert eft-il coupable ?
I Quel parti doit prendre l’ affemblée ?
■ Qu’a fait M. d’Albert ? il a renvoyé deux ou-
■ riers employés à l’ arfénal : affurément on n’ eft pas
coupable du crime de lèze-nation pour avoir congédié
deux fubalternes qu’on avoit à fes ordres,
•liaisil, a défendu d’arborer l’aigrette nationale.
Jette aigrette n’eft pas la cocarde , & des ouvriers
ne peuvent s’enrôler fans fe difpofer à en-
Jever un tems confidérable à leur travail. M. d‘AL-
Mert nie d’ailleurs ce fa it , & annonce que fbn fe-
Rrétaire portoit cette aigrette. Les deux maîtres
■ harpentiers avoient fomenté des troubles dans
ïarfenal & excité les ouvriers à folliciter une augmentation
dans le prix dé leurs journées. Quand
M. d’Albert n’auroit pas eu ces raifons pour les renvoyer,
fa conduite feroit-elle un crime ?
■ Mais, dit-on, il a demandé la loi martiale. Les
premières expreffions de cette loi ordonnent
|u elle fait exécutée lorfqu’ il y aura des attroü-
j>emens,& affurément il y en a v o it, puifque l’hô-
«jeldeM. & Albert étoit affailli à coups de pierres,
puifque des officiers avoient été bleffés par le
^peuple : fous ce nouveau rapport M. & Albert
R ’efi donc pas coupable d’un crime ?
K On accufe M. de Broves d’avoir ordonné de
faire feu. Il ne commandoit pas les troupes raf-
wèmblésfurle champ de bataille 5 ces foldats étoient
tepofés fous les. armes ; ces armes n’étoient pas
chargées : il n’y. a donc encore , ici aucun crime»
■ D’ailleurs, fur ceint témoins, cette expreflion
fugitive j e u n’a été entendue que par ün petit
■ ombre: elle pouvoit-être confidérée comme une
Bienace, & dans cette hypothèfe, là plus favora-
ple fans doute aux accusateurs, il n’y auroit pas
■ hcorede crime.
■ Il n’y a donc ni délit ni accufation prouvée ; il
j’f y a donc lieu à aucune -inculpation le g a le r e la t if
fcment à M. le comte d3Albert & aux officiers de
,a marine. Quant auxr officiers municipaux & à la
§3rde nationale, je n’examine pas leur conduite j
S r autant je m’ ëftime heureux de faire connoître
■ innocence, autant j’éprouverois dè peine a^ràpA
■ eler des erreurs des imprudences. Il y auroit
itu cependant à une information nouvelle fur
ppeaucoup défaits., mais je crois que , quelqu’ un
tile qu*elle pût être , il eft de la fageffe de l’affemblée
de ne pas s’en occuper.
J’adopte ie décret propofe par M. de Champagny.
On ferme la difcuffic n.
Quinze projets de décrets font préfentés.
La priorité eft réclamée pour celui de M. de
Champagny.
M.. Chai Us de Lametk. Il paroîtroit inconcevable
, quand il s’agit d’une part de la liberté publique
j de l’autre, de 180 témoins qui dépofent
d’attentats commis contre cette liberté, que la
priorité fut accordée à un décret où il ne s’agit ni
du peuple de T ou lon , ni des magiftrats repré-
fentans du peuple,contre les ufurpations dont elles
croiroient avoir droit de fe plaindre.
La priorité eft refufée au décret deM.de Cham-
pagny.
Elle eft accordée à un des décrets nouvellement
propofés. 11 eft conçu en ces termes:
« L’affemblée nationale préfumant favorablement
des motifs qui ont animé M. & Albert, les autres
officiers de marine impliqués dans cette affaire ,
la garde nationale, oc les officiers municipaux
de la ville de Toulon , déclarent qu’il n’y a lieu
à aucune inculpation ».
M . le marquis de Blacon. Je demande qu’on mette
le mot jugeant, au lieu du mot préfumant.
M. Guillaume. .Que ce même mot foit remplacé
par celui-ci : convaincue , 5c qu’on ajoute à la fin
du décret l’expreffion refpeciive.
M. Charles de Lametk. L’intention de l’affemblée
eft fans doute d’approuver la conduite des
officiers municipaux de la ville de Toulon, mais
aufîi de faifir l’occafibn de témoigner à M. Ü Albert
& aux autres officiers de la marine fa fatisfa&ion
de leurs fervices militaires.
M. Malouet. L’efprit du décret, auquel on a
accordé la. p r io r i t é e f t de n’inculper perfonne &:
de ne pas donner de fuite à cette affaire. Je propofe
, en me conformant à cet efprit, un amendement
qui ne peut être rejetté , puifqu’ il a pour
objet d’appliquerla déclaration des droits. Il con-
fifte à dire que « l’Aflfemblée improuve les excès
» commis envers le commandant & les officiers
» de la marine de Toulon »1
M. Glei^en. Il y a une légère inexactitude dans
le décret propofe. Tout le monde doit être convaincu
delà fageffe delà conduite des officiers municipaux
de Toulon; L’ affemblée ne peut donc
manquer de leur témoigner fa fatisfaction. Dans
cette vue , je- crois qu’il faut rédiger le décret:
ainiï qu’il fuit ,a v e c un léger changement> «