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xcrprétê que par ceux qui, s’aveuglant fur la fitua-
tion du tréfor public , le fondent fur de chimériques
efpérances , ou par ceux qui verroienî avec
une joie coupable fe multiplier autour de nous les
•obftacles de la dètreiTe.
Vainement, Meilleurs, vous obje&era-t-on que
l’excès d’un tel numéraire, en concurrence avec
;lé numéraire réel., deviendroit très-préjudiciable;
ou i, fans doute., fi ces deux numéraires pouvoient
long-temps refter en concurrence : mais d’abord
le numéraire réel de la France eft depuis longtemps
au-deffous des befoins de l'on induftrie. En
ce moment, l ’or l'argent fe cachent ; ils s’en-
fouiffent ; la malveillance les refferre ; le papier
ne fera donc pendant quelque temps qu’un heureux
remplacement. Ce n’eft que le papier-monnoie proprement
dit, c’eft-rà-dire celui qui ne porte pas
intérêt t qui repouftë le numéraire réel, parce qu’il
iS’agite continuellement, & ne repofe jamais dans
les porte - feuilles , à caufe de fa ftérilité : mais
la namre dé celui que votre comité me charge de
vous propofer, aura le double avantage de fup-
pléer dans ce moment aux efpèces qui nous fuient,
.aux billets d’efcomp.te que l’on repouffe, & de dif-
paroître fucceflivement de la circulation. A inclure
que reparaîtront les efpèces fugitives, il s’éteindra
définitivement par la vente des immeubles
défignés ; .& cette extinôiion prochaine ajoute beaucoup
à fa valeur.
Un fi grand nombre d’exeellens ouvrages nous
.jont donné depuis quelque temps des connoiftances
très-juftes :fur la nature des différens numéraires ,
.que votre comité fe reprocherait de vous en entretenir
trop long-temps. Ceux qui, dans l’opinion
.contraire , ont flétri le papier-monnoie proprement
d i t , ont parlé d’un numéraire fans valeur, ahfo-
lument étranger à celui dont il s’agit aujourd’hui :
il ne refiembie en aucune manière aux dangereufes
illuftons de nos pères , dont les funeftes effets
font encore gravés dans la mémoire de leurs def-
cèndans.
L’or & l’argent préfentent , à la vérité , pour
principal avantage fur les autres numéraires fi&ifs,
leur fc-lidité phyftque ; elle les met fans doute
plus long-temps à l’abri de la deftruélion : ils fe
détériorent cependant avec le temps. Quant à leur
valeur intrinfèque , elle n’eft pas inaltérable ; elle
diminue par l’abondance progrefîive des métaux
dont ils font compofés ; ils varient également dans
leur valeur relative ; ils peuvent être contrefaits
comme les autres numéraires ; enfin ils ne font
point produéhfs comme peut l’être un papier heu-
reufement combiné.: voyons donc fi le nouveau
numéraire leur fera véritablement inférieur.
Au moment où une nation, en faifant circuler
nn métal , lui a donné une yaleur fupcrieure à
pelle du poids de la. matière dont elle eft com-
pofée, elle a dit à ceux qui fe trouvaient obligés
d’en faire ufage : vous ne pourrez refufer pour
24 livres , ce lingot, quoiqu’il n’en yaille que 23 ;
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ni celui-ci pour 6 livres, quoiqu’il ne vaille que
cent dix fols. On ne lui reprocha pas une injuf-
tice , parce qu’une convention générale ne peut
pas en être une. Lorfque ces métaux circulèrent
pour la première fois , on put leur faire , à cet
égard , les obje&ions qu’on accumule fur les autres
numéraires ; mais la réponfe fut , fans doute
qu’une nation, en créant un figue repréfentatif,
garantit plutôt le titre que la valeur; elle imprime
uniquement le mouvement de circulation.
Les ajjîgnats fur les biens du domaine & du
clergé, outre l’avantage de la circulation, auront
une valeur complète , puifqu’ils font le ligne repréfentatif
d’une valeur qui n’a point d’alliage,
celle d’un immeuble cédé par la nation , qui 9
d’après vos décrets, aura néceffairement une valeur
équivalente. Ils ne font que des fubdivifions des
obligations que les municipalités dépoferont dans
la caiffe de l’extraordinaire. Votre comité ne fe
laffe point de vous répéter que les ajjîgnats feront
de véritables délégations, avec privilège , fur des
immeubles partages en petites portions pour la
commodité des porteurs ; ils auront, de plus, la
valeur monétaire , que leur imprimera le fceau de
l’état ; ils auront enfin une valeur immobiliaire
que n’a jamais eue jufqu’à préfent le papier d’aucune
nation. Les valeurs mobiliaires , dépofées
dans les caves de la banque d’Amfterdam , qui font
repréfentées par fes billets, peuvent être pillées,
enlevées; nos immeubles, au contraire, ne peuvent
échapper au dernier poffeffeur des ajjîgnats. Ne
perdons jamais de vue que les différens papiers
çirculans , répandus dans un royaume par îa feule
autorité d’un monarque , ou de fon confeil, après
avoir contracté un caraéière d’injuftice dans leur
origine, éprouvent de la réfiftance dans leur ufage ,
& offrent des abus incalculables dans la facilité
de leur multiplication : mais tous ces vices , difpa-
roiffent quand un papier eft une émanation de la
volonté générale. Qui d’entre nous ofera. douter
de fa valeur ? ce ferait douter de nous-mêrnes.
Les ajjîgnats circulans offriront, par-deflùs tous
les autres avantages qui vous ont été expofés,
celui que n’a pas le numéraire, métallique , lorfque
vous leur aurez attribué un intérêt raifonnable.
Vous aviez fixé à cincj pour cent, par votre décret
du 19 décembre , 4’interêt des ajjîgnats deftinés à
être donnés en paiement à la caiflè d’efcompte,
mais les nouveaux ajjîgnats feront d’une nature
différente. Il ne vous avoit pas été propofé, au
mois de décembre dernier, de donner aux ajjîgnats
le mouvement d’une circulation générale ; la com-
binaifon ne doit plus être tout-à-fait la même. Il
eft par conféquent indifpenfable d’examiner de
nouveau cétte queftion , en répondant à plufieurs
objections qui ont été faites , & qui feront re-
nouvellées, peut-être , fur la fixation des intérêts.
Quelques perfonnes recommandables par leurs
connoiftances en matière de numéraire, tant réel
que fiélif, foutiennent qu’un papier qui tient de
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la nation l’avantape de la circulation , ne doit
point y réunir celui d’un intérêt ; que c’eft lui
Ôter même une partie de la rapidité de fon mouvement
; que c’èft grever l’état d’une charge de
plus, & qu’autant vaudroit-il foire un emprunt,
s’il étoit praticable..
Mais d’abord aucun emprunt n’èft praticable ni
propofable aujourd’h ui, & il ne faut jamais perdre
de vue qu’il s’agit ici avant tout du fervice
de 1790, qui devrait être affùré dejîüis long-temps.
Il eft enfuite bieH certain qu’un tel papier-fur-
tout dans les circonftances préfentes, s’affoibliroit
fucceffivement dans les mains dé ceux qui, n’ayant
aucun intérêt à le garder , chercheraient continuellement
à s’en défaire ÿ-alors , par l’efiet fi connu
de la concurrence , la multiplicité des debiteurs
qui voudraient s’acquitter , ferait baifter continuellement
la valeur conventionnelle , toujours
indépendante de la valeur fiftive ; le vendeur
volontaire haufteroit dans une proportion arbitraire
le prix de fes denrées r de-J a l’aviliftement
du papier national, dès défordres dans les prix ,
& des malheurs de détail inévitables , fur - tout
forfque la craintive défiance eft accrue par les
efforts d’une malveillance criminelle. De ce dé-
fordre, Meflieurs , naît une réflexion faite pour
frapper des légiflateurs e’eft que le papier fans-
inté: e t, que le créancier de l’état ne pourrait ni
garder- avec un bénéfice., ni céder qu’avec perte,
deviendroit une injuftice à fon égard ; & affûté-
ment, une opération injufte vous ferait inutilement
préfenrée. Aboliffez à jamais , Meflieurs ,
cette diftinâion immorale de la juflice privée
& de la jùftice des nations. Defeendez un moment
du faîte de la légiflation , pour examiner
comme juges cette queftion fi. Ample : lorfqu’un
débiteur s’arrange avec fon Créancier , que celui-ci
prend avec lui des termes en attendant-la vente
d’un immeuble ; lequel- des deux doit fupporter
là privation des intérêts ? Eft - ce le créancier?
eft-ce le débiteur ? C’eft ce dernier fans douté :
autrement ce fèroit une faillite partielle. Eh bien !
Meflieurs , replacez-vous maintenant fur les lièges
des légiflateurs , & auffi - tôt vous prononcerez
unanimement que la nation françoife , en s’acquittant
avec un papier- fans intérêt, n’exerceroit
pas vis-à-vis de fon créancier , qui le recevrait
malgré lui , line exaéfe juftice. Ceux qui combattent
la, circulation des ajjîgnats objeélent, à cet
égard , 'que les ajjîgnats- non- circulans pourraient:
être donnés en paiement avec un intérêt plus con-
fidérable ; qu’il faut y en conféquence donner la
préférence à ces ajjîgnats qu’ils- appellent volontaires.
Mais peut-on leur donner ce nom , dans
cette fuppofition ? La nation , en effet, offrirait à
fOn créancier l’option entre un ajjipnat , ou rien..
N’tft-ee pas abufer vis-à-vis» de lui d’ùne autorité
véritablement tyrannique? Car enfin , il a lé droit
d’exiger un numéraire , parce que c’eft un numéraire
qu’il à donnée -
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Le porteur d’une créance fur l’é t a r e f t rare-1
ment celui qui l’a reçue immédiatement du gouvernement.
C ’éft fouvent un commerçant qui a
des engagemens à remplir, un propriétaire qui- a
des rembourfemens à faire ;, Vajjignàt que vous lut-
donnez.dans ce cas, ou eft onéreux pour la nation
, fi l’intérêt èft très-confidérable y ou 11’eft pas*
l’équivalent du facrifice qu’il- eft obligé de faire.-
De quel droit la nation exerce-t-elle ainfi fur lui
l’empire de la néceifité, & lui commande-t-elle-
foiivent une banqueroute totale , par la faillite:
partielle dont elle ne craint pas d’encourir le rapproche
?
La circulation donnée aux ajjîgnats l’écarte entièrement
; par elle , l’état met fon créancier &
l’abri de tout dommage , parce qu’il peut le donner"
en p a iem e n t q u e , s’il eft obligé de le garder,.
Fintérêt l'indemnite du retard.
En matière* d’emprunt, il eft v ra i, là généra--
tion fiiivànte acquitte par-là une partie des intérêts-
jpfqn’au rembourfement mais d’abord , feroit-ce
une injuftice b N’acquittons-nous pas aujourd'hui
lés intérêts de la dette contraéiéè avant nous b'
ne faut-il pas que le fardeau fe partage entre les-
générations ? Celle: qui a fupporté les maux in-
feparables de la révolution, même la plus Heu-
reufe, ne pourrait encourir de reproches fi elle-
laiffoit quelques engagemens à payer par ceux-
qui en recueilleront tous les fruits. Mais il ne s’agit:
pas ici de faire acquitter des intérêts par notre:
poftérité ; ceux-ci vont s’éteindre avec la vente-"
dés immeubles c’eft-Ià ce qui rend l’opération
qui vous eft propofée bien fupérieure à un emprunt'
ordinaire ; c’eft-là ce qui donne à votre numéraire
nouveau toutes les qualités qui' concourent à le
rendre véritablement précieux. Lorfque vous aurez,
réglé les moyens de pourvoir aux dépenfes du
culte public, & de toutes celles qui "y ont quelque
rapport , quelle carrière eft ouverte aux- légifîa--
tures fuivantes pour opérer avec la" vente de tant'
d’imméubles ■ , notre libération" totale' , fans fur--
eharger d’intérêts les générations futures- , foula--
gèés d’ailleurs continuellement par l’extinfiion des?
rentes viagères !
Ura des grands avantages de l’intérêt qui’ doit'
être attache aux- ajjignàts , c’eft de rappelles en.i
circulation le numéraire réel , dans la proportion^
précifément-où le numéraire nouveau féjourneràt
dans le porte-feuille du capitaKfte,. dans le comp--
toir du négociant ,, dans la boiirfe même du f e r mier
& du laboureur , qui , dans' ce moment^,
peut-être ,, retiennent l’argent- fans- Fenfouh. Ils^
îe retiënnent parce que lès impofînons fe paierrr:
plus lentement ;; ils le retiennent parce qu’ils ont:
peu d’emploi', à en faire : mais,. lorfqu’un ajjïgnat-
portant: intérêt garanti p a r la nation ,, pourra^
lut offrir mi bènéfrce încoimn jufqu’aujourd’h u f . ftl
s’habituera infenfiblement à ce nouveau numéraire:
moins volumineux & plus produéiif que IWr/e;.
Ne peut-il donc pas même fe mêler, une. tii&îfc;