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Tous ces faits ne font pas ignorés de M. de
Chamfort j mais il-n'en a pas fait la plus legere
mention , parce qu'en lui fourniflant matière a
invectiver contre l'ancien régime, ils auroient
formé , en faveur de ü académie , ce préjugé favorable
, que puifque l'ancien et defpotique régime
( celui de Louis X V ) croyoit devoir réprimer 1 a-
eadémie 3 Y académie n'étoit donc pas natteufe 8c
efclave de l’ancien régime : mais on demande fi
cette ©million eft d'un homme qui aime. 8c cher-
#he la vérité.
J'ai dit que ce reproche fait à Y academie
d'avoir tenu la vérité captive 3, étoit bien mal place
dans la bouche de M.. de Chamfort: Si cet académicien
eût employé fa vie 8c fes écrits a. annoncer
fans réferve ces utiles vérités qu il le
plaint qu.'on ne veut que laiffer tranfpirer ; n fes.
ouvrages 8c fes talens euffent été confacrés a
défendre la liberté contre tontes les efpèees d'1°p-
preflions 3 à peine auroit-il aujourd'hui le droit
d'accufer Y académie & fes confrères d avoir garde
un filence lâche, dontlui-même ne fe tronveroit
pas coupable,
Mais il en eft tout autrement j tandis qu un
grand nombre de fès confrères, parmi fês feuls
contemporains , ont défendu dans leurs écrits
la liberté de la preffe 3 la. liberté; de confcience 3
la. liberté dn commerce & toutes les caufes du
peuple j M. de Chamfort , auteur ..de quelques
difcours académiques , de petites pièces, de théa-
rre 3 qui ne font rien moins que morales, de
quelques contes gaillards ', 8c d'une trâgedie
fpïble 8c oubliée ,. blâme hautement^ fes confrères
d'avoir travefti x défiguré x cache des vérités
que lui-même ne s'eft jamais occupé d'enfeigner
& de répandre, Eft-ce qu’il n'a pas prévu qu'on
lui répondroit par un raprochement fi .facile a
faire j, & qui ne lui laiffe rien à répliquer.
• .Suivons le commentateur :. fur ce que d’Alem-
bert dit j qu'un corps inflru.it & fng:e »tel. que l académie
* ne fera ,. &c. Le critique s'écrie : Sage
mèjjieurs ! comme s'il difoit : ce Vous l’entendez 3
d'Alembert le dit lui-même 3 Y académie ■ eft un
corps fage. : habemusjconfitentem reum. »
L'exclamation & la remarque font, vraiment
xurieufës. Et pourquoi M. de Chamfort. ne veut
il pas qu’une académie fo.it fage B Lui-meme n à-t-
il pas été plus que fage dans le fens ou il blâme
Y académie de l'être ? Eft ce que fage 3 depuis
quelque temps 3 feroit devenu fynonyme de lâche j
de faux , d'ennemi de la vérité & du bien public ?
Que M. de Chamfort pour fon ufage , change
ain'l la langue 3, il en eft bien lé maître'j mais
jusqu’ à ce qu’il ait. le' crédit de faire' recevoir
plus généralement une acception fi nouvelle.» il ne
devrait fe fervir du mot qu’en l’accompagnant de
fes explications’.
a c A
On n'eff pas moins étonné de Texclamatib»
qui fuit 3 à. propos de ce qiie d'Alembert ajoute x
que YacadémU fera, une organe de la raifon par devoir
& de La- prudence par état. Quel état & quelle
prudence s'écrie le critique.
Mais M. de Chamfort, il ne fuffit pas que- vous,
répétiez avec étonnement lès mots à!état & de
prudence 3 pour.les rendre ridicules. Vous n'effacerez
pas du nombre des vertus celle qui enfeigne.
à ne parler ,à n’é crire , à n’agir a u ï propos
qui détourné d’une démarche inconndérée , indécente
, injufte , néceffairement fuivie du blâme
public , & en négligeant vous-même de la pratiq
uer, vous n en dégoûterez-pas Y académie.
Enfin M. de Chamfort trouve le crime àeYacadémie
conflaté par l'aveu que fait d'Alembert:,
quelle ne. fait, entrer de lumière dans les yeux des peuples
i que ce qu'il en faut pour les éclairer peu a. peu.
fans les bleJfer.Uacadémie * dit-il , toujours avec
des points d'admiration , économifpit la lumière
Eh oui , M. de. Chamfort qu'en. voulezTvqus
dire ? Pourquoi n'économiferoit-on pas la lumière
à des yeux foibles ? Lorfque Wentzel abaiffe
i la catarâéle ,.ne défent-if pas-, pendant jfiufieurs
femaines; , raccès du;jour à l'organe qu'il veut
rétablir , & ne le lui dïfpenfé-t-il pas enfuite
graduellement ? Image vraie des précautions que:
demande âuffi l’ introduélion des vérités d'un certain
ordre dans l'esprit des peuples j précaution*
| qu’on n'a jamais négligées impunément»
Après ce pitoyable & infidèle commentaire ,
& de fi pauvres raifons., cqnfiftant la pluspart ,
comme on vient deHe v o i r ,, en/exclamations.
1 fans preuves , M. de Chamfort s’écrie : ah !;
: mejfleurs c'en efl trop ; qui de vous n.efl. furpris ,
indigné , révolté ? & conclut par le bel énoncé
que j'ai transcrit aùcommencement de cet article*
& dont la fubftance eft , que Y académie yendyauJt
rois ,. pqr le plus infante, des trafics , la liberté des:
nùtioris,
Si' on eft furpris,que chofe , c'eft aff uirnédmiegnnté d, ’urné vpoalrteéi ld aeb uqsu,e jle
nde'u nd iroaui bplais fdi ep lr'oafrotn,,d m,, adise dtuo umtee tdieérc edn éccer,,i red e* '; troanuately frea'j fqoun?e. &je dveie n: sto--u dtee, fjauifrteic éd:.e: ■j cee tctreo isp aqrutiee- [: dteem feençtr itc odnet rMe .l udie cCesh kfmenffoimrte, nésl.é vdaenras b1,’iaemne j. udfe-
tous mes leéleurs,..
J’ai annoncé les omîffions infidèles employées
par le critique , pour nous faire voir , dans la
préface des- éloges, les prétendus crimes de Ya-
cadémi-e & lés aveux de d'Alembert % ces omif-
fions font faciles à diftinguer, par l'aftérifeue,
qu'on a placé à côté, de chacun des paflages
omis.
L e premier alinéa rejeté par M - de- Cbamfoit
A C A
énonce nettement, i ° . que le gouvernement dont
parle d'Alembert, comme pouvant fe fervir utilement
des académies, eft un gouvernement éclairé
& qui veut faire’le bien.
O r , dans le langage de la philofophie, le
bien eft le bien général, le bien des peuples*,
& un gouvernement n'eft éclairé qu autant qu.il
fait reconnoître 8c fuivre les routes qui con-
duifent à ce but. Ces deux mots feuls donnoient,
à qui eût voulu les entendre , la c le f de tout
le pacage de d'Alembert, & fermoient la porte
à -toutes les interprétations finiftres de M. de
Chamfort.
Dans le troifîème alinéa, le paffage omis énonce
clairement & explique, par l'exemple d'Horace
& de Lucrèce „ ce qu'entend d'Alembert par la
décence que Y académie preferit, la chaîne qu'elle
donne, les- bornes qu'elle pofe,. les écarts qu'elle
empêche, & limite tous ces effets à l’influence
que Y academie peut & doit avoir fur les moeurs.
Il a été néce{Taire à M. de Chamfort de fiippri-
mer ce trait, parce qu'il vouloit faire entendre
que cette décence, cette chaîne,. ces bornes
etoient des entraves mifes à' la liberté civile &
politique , dont d'Alembert ne parle pas encore
en cet endroit..
Dans le quatrième paragraphe, d'Alembert éta-
bliffant que l ’ignorance & l'erreur ne peuvent
être utiles qu'aux tyrans, & qu’un gouvernement
fage a- lui-même, un grand intérêt à ce que les
nattons foient éclairées, M. de Chamfort a dû
omettre en entier cette déclaration qui dément
fi fortement cette étrange imputation, que d'Alembert
& Y académie ne vouloient pas- qu'on écrivît
des vérités utiles- aux hommes &. nuifibles a
leurs opprejfeurs3- puifque-M. de.Chamfort ne nous
fera pas entendre que celui qui veut détruire
fes erreurs utiles- aux ' tyrans , veuille taire les
vérités qui leur font nuifibles.
L'omiftion du paragraphe V I eft,. s'il eft poflî-
ble , encore plus hardie , car d'Alembert y explique
encore plus nettement ce qu’il entend
par lès erreurs qu'il veut détruire , en citant di-
verfes fuperftitions qui ont fait lé malheur des
peuples,. & que les peuples eux-mêmes défen-
doient contre l'autorité ; & c'eft de ces fuperf-
titions qu'il, dit qu'on ne doit pas les heurter
de front, & qu’ il faut lés combattre avec
précaution .& par l'inftruélion que lès- corps: littéraires
peuvent répandre.
E n f in c e qui paffe tçute croyance „cfeft la
füppréfiîbn- entière du pàtagraphe VIII & dernier,
qui tient immédiatemens à celui qui a fourni
â-. M. de Ghâmfort plus de la moitié de fon in -
fidelê' Colnmentaire 8c de- fes-. pathétiques exclamations..
Dans.ee paffage' en effet on voit Yaca-
aémîd & le ’gbuvernemént occupés^ félon- d'AA
G À 2
lembert, de la deftruâion des erreurs contraires
a l'intérêt des peuples > évitant pour cela de
heurter de front les préjugés de la nation, pour
la guérir plus fûrement de fes préjugés î con-
duifant la vérité fur fon trône , en la faifant paf-
fer , pour ainfi dire , fans être apperçue, au
travers de la multitude qui lui en fermoit l’accès
j & ce langage n'abfout-il pas viétorieufe-
ment d'Alembert & Y académie , d’une confpira-
tion contre la liberté dex la nation, & contre
la publication des vérités utiles aux hommes & nuifibles
a leurs opprejfeurs.
C'eft à la fuite de cette déclamation auffi in-
jurieufe qu'injufte , c'eft après cette infulte fait
à la mémoire & aux écrits d’ un philofophe qui
a laiffé un nom cher à la nation & refpeété de
toute l’E urope, d'un, confrère, d'un homme^
dans la fociété duquel i l . a vécu plufieurs années
en, laiffant croire qu'elle étoit douce pour
lu i, que M. de Chamfort ajoute à cette étrange?
procédé une dénonciation de Y:académie des inf-
criptions- 8c belles-lettres,, fille de Y académie
françoife ,. & digne fille de fa mère par le meme
efprit d'abjection ; mettant aux ordres du dejpotifme
une éruditionfauffaire -, comme /’académie françoife,
infirument de fervitude fous Louis X I V , frein a
la liberté fous Louis X V 3 8c dans tous les tems
une école de flatterie & de fervilité.-
Je n'èntreprendrai pas- l'apologie d*une fociété
célèbre dans l'Europe 'entière, formée d'hommes
qui ont fi bien mérité de leurs concitoyens
par des travaux utiles,. & jouiffant d'une con-
fidération qui peut leur laiffer- dédaigner une
, telle infulte ; je:croirois manquer à cette refpec-
tablè compagnie en m'ingérant de la défendre.
; Elle trouvera dans fon fein= de meilleurs champions
que moi, fi elle daigne les employer î 8c
{je ,n’ai pas le droit de fuppofer qu'elle veuille
; defeendre à. fe juftifier-
Je touche à la fin d'un travail qui devient
pénible ,.lorfque l'indignation laffée fait place. au
; dégoût}, & pour ne rien laiffer fubfifterde l'ouvra-
{ge de M. Ghamfbrt,. je rangerai ici fous deux
chefs, fes derniers argumens contre Y-académie.
L Selon lui' « Texiftenee dé Y académie eft:
■ incompatible1 avee les principes de I'affemblée
(fur les corporations. C'eft une corporation
qui afferv-it k s talens auxquels raffembiée, doit
îla mêm:e' liberté qu’elle a rendue à tous les
autres genres d’induftrie.Une corporation pour
les arts de génie !' C ’eft ce que les anglois,
n’ont: jamais conçu ; & en fait de .raifon
nous ne pouvons plus reûer en arrière des anglais
W.
' Eefpëre ■ répondre- à c e tte 1 objeârioh • de nia-
üière; à empêcher qu’elle fe reprodifife jamais.