
M. Char Us Lameth. Je demande la priorité pour la 1
rédaâion de M. Menou. Vous avez décrété que l'in itiative
appartenoit au roi ; donc c’eft le plan arrête
ar le roi qui doit être préfente d’abord alaflcm -
lée. Comment peut-il Fêtre ? Par le comité m ilitaire,
qui donnera Ton opinion, foit qu’il l’approuve, foit
qu’il le combatte. E ft-il donc poftible de mettre en
concurrence avec ce plan, celui d un membre de
l ’aflemblée ?
La difcuflion eft fermée. —• La priorité eft accordée
à la rédaction de M. Emmery—M. Charles Lameth
en demande la divifion.
M. Eir.méry fait des changemens à fa rédadion,
& préfente le projet de décret fuivant :j
L ’a-flèmblée nationale, en ajournant à lundi prochain
la queftion, décrète que d’ici à cette* époque
le miniftre de la guerre lu i remettra un mémoire
explicatif des motifs pour lefquels il propofe détenir
fur pied une armée de 1 5 1 , 0 0 0 hommes, & l’état
des troupes aduellement fous les drapeaux : qu’il fera
préfenté à l’affemblée, par le comité militaire , un
tableau de la dépenfe qu entraîneroit l’exécution du
plan du comité même, ou celle de tous autres plans
qu’il croiroit devoir propofer, ainfi que le tableau de
la dépenfe qu’entraînera l’entretien d’une armée adive,
de 120,000 foldats, laquelle, au moyen d’une réferve
de 70,000 foldats auxiliaires, feroit fufceptible d’être
portée à 15 0,000 hommes pour le premier pied de
guerre , avec les obfervations que le comité militaire
jugera à propos de faire fur le tout.
M. Charles Lameth. Je retire la demande que j’avois
faite de la divifion.
La dernière rédadion deM. Emmery eft décrétée
à une très-grande majorité.
Séance du 29 juillet 1790.
M. Alexandre Lameth, au nom du comité militaire.
En exécution de votre décret du 22 de ce
‘mois , le miniftre de la guerre a fait parvenir
à votre comité un mémoire fur les motifs
qui l’ont déterminé à porter à cent cinquante-
un mille hommes le nombre de foldats en a d i-
v ite , néceffaire pour la défenfo, du royaume. Par
•une fuite du même décret,, votre comité doit
vous pr.éfenter fes obfervations fur les diverfes
parties du plan ; & c’eft une obligation que nous
allons nous efforcer de remplir. Quelques différences
d’opinions avoient. paru d’abord s’élever
entre les membres du comité ; mais les difeuf-
fions auxquelles nous nous fommes K vré s, pour
- remplir la tâche que vous nous aviez impofée,
T o u s Ont conduits à un avis* commun. Animes
“ tous du même e fp rit, nos différentes idées fe
font combinées pour la difcuflion, & nous avons
^adqpté à ^unanimité les réfukats que nous allons
* vous offrir, Nous avons cru qu’en consultant les
décrets çonftitutionnels , qui , fur ces objets 4
donnent l’initiative au ro i, la marche que nom
avions à fuivre étoit de vous- préfenter fucceffi.
ventent les différentes parties du plan du miniftre
en énonçant , à la fuite de chacune-d’elles, l’oph I
nion motivée de votre comité fur l’adoption la !
rejeélion , ou les modifications qui pourroient y J
être adoptées. Les tableaux qui forment le p]an
du m iniftre,. qui font fous yos"yeux , & dont je I
vous donnerai fucceflivement l’explication, vous i
mettront à même de fuivre facilement l’analyfe
rapide que je dois vohs offrir du plan du miniftre
dans l’organifation des différentes parties de 1W-
mit. Pour mettre de l’ordre dans une matière allez !
compliquée , & y répandre toute la clarté dont
elle eft fufceptible, je vous préfenterai d’abord
l’opinion du miniftre & celle de votre comité1,
fur le nombre total des hommes dont Y armée doit
être, compofée ; de-là je pafîerai à la difcuflion &]
à la divifion de ce nombre total dans les diffé-1
rentes armes; fur chacune de ces divifions, jeI
préfenterai tous les détails relatifs à la dépenfe,]
au nombre des officiers, à la compofition &à
Porganifation des corps ; enfin, je terminerai ce ;
travail par un réfumé précis fur ces différentes
parties, & je vous préfenterai là fuite des décrets
que votre comité m’a chargé de vous propofer.
S i la brièveté^ du temps qui s’eft écoulé depuis
que le comité a définitivement arrêté les difpofi-1
tions que je vais mettre*fous vos ye u x, ne m’a
pas permis de donner à ce travail confidérable
tous les dévéloppemens qu’il auroit peut-être exigé,
; je tâcherai au moins d’y apporter affez de méthode,
pour que des. réfultats adoptés après des
difeuffions approfondies auxquelles ont été ap-1
peliés des officiers-généraux & particuliers, dif-
tingués par leurs talens & défignés par l’opinion,
ne perdent pas auprès de vous la faveur dont iis
font dignes, par la manière dont ils vous feront
préfentés. Vous n’avez point oublié que le mi-;
niftre de la guerre vous a propofé de porter 2
ce#t cinquante-un mille le nombre de foldats en
; activité, néceffaire pour la défenfe du royaume,
Je vais vous faire le&ure du mémoire explicatif
dont il a appuyé cette propofition.
« Meilleurs , par votre décret du vingt-deux j
de ce mois , vous avez arrêté qu’il feroit rendu
compte des motifs qui ont déterminé a vous propofer
l’entretien d’une armée de cent cinquante
mille hommes. Dans un delai auffi court je ne J
puis qu’indiquer rapidement tous les objets quu
!, faut confidérer pour fe former un réfultat de »
force néceffaire à la fûreré d’un empire. C’eft de
la nature de fon gouvernement, de fa pofition
géographique, de fon étendue, de fa population,
de fes alliances , des ennemis qu’il peut avoir.»
des forces qu’ils peuvent em ployer, que fe conH
pofe le fyftème de la défenfe d’un état;
font les importantes confidérations d’après
l ijelles qu vous a fixé .quelle armée peut être w
ôeïTaire à la France pour la guerre. Il s’agira d’exa-
1 miner enfüite jufqu à quel_ point cette armée peut.,
fans inconvénient, être réduite en temps de paix.
Sans doute il appartenoit aux repréfentans de la
nation françoife de confacrer les premiers ce
grand principe de juftice, que la force militaire
n’eft créée que pour la confervation de l’état,
& non pour fon agrandiffement ; mais ce fyftème
iufto & modéré , n’en néçeflite pas moins de
[grandes armées. S’il ne faut pas vouloir la guerre ,
fl faut pouvoir la repoufler avec vigueur; il faut,
autant qu’il eft poffible , chercher*à exporter ce
théâtre chez nos ennemis. Défions-nous de cette
politique timide & trômpeufe, qui diroit qu’il
fuffit de bien garnir. nos frontières ; nous avons
befoin, au contraire, d'armées fortes & manoeu-
vrières qui, agiflant avantageufement au dehors,
éloignent de notre pays les maux de tout, genre
.qu’entraîne la guerre avec elle ; "nous devons
chercher à faire vivre ces troupes aux dépens
des états qui nous l’auront déclarée, alors nous .
■ obtiendrons à la fois repos pour le peuple, &
foulagement pour le tréfor public. Si vous confi-
dérez la force des armées qui peuvent nous être
oppofées, vous verrez que l’état de paix du roi
de Hongrie eft de deux cens trente mille hommes,
& que la confcription établie dans fes états peut
les porter facilement au-delà de trois cens mille.
L’état de paix du roi de Pruffe,. eft d.e deux
cens mille hommes, & une confcription d’un
genre plus vigoureux encore , peut les porter
egalemant à près de trois cens mille. Le contingent
de l’empire eft de trente mille hommes, &
doit félon les circonftances , pouvoir, fe porter
au triple de cette force. C’eft contre une ou plu-
fieurs de ces forces auxquelles peuvent fe joindre
des puiffances du nord que nous devons fonger
à nous défendre ; mais il faut ajouter à la. lifte
de nos befoins, la confervation de nos colonies
dans les deux Indes, & la garnifon de nos vaif-
feaux ; les puiffances maritimes nous obligent à
de grands efforts, non - feulement pour garantir
ces importantes poffeffions, mais pour la protection
,que nous devons à notre commerce.
»C’eft donc à une guerre de terre & de mer,
tout à la fois, qu’il faut que nous fongions à
-faire face , & je penfe que, vous en concluerez,
que dans une telle pofition, ce n’eft pas trop
; d’avoir un état militaire çonftitué fur le pied de
deux cens cinquante mille hommes , c’eft-à-dire ,
fur un pied plus foible que celui des puiffances
avec lefquelles nous pourrions avoir la guerre,
: quoique nous foyons prefque toujours affurés
d’avoir à la faire & fur terre & fur mer. Auffi
eft - ce à l’heurenfe pofition géographique de la
f rance , au nombre & à la liaifon de fes forte-
telTes, à la nature de fés alliances, que nous .de-
vons de n’avoir pas befoin de plus nombreufes
Mnus pour défendre d’auffî vaftes poffeffibns,
r®§ auifi grande quanutè de côtes & . de.fron-r
tières. Je vais indiquer maintenant l’emploi dçs
deux cens cinquante mille hommes que je crois
néceffaires à la défenfe de l’état. On ne peut pas
couvrir nos frontières , depuis Baffe jufqu’à la
Meufe, avec une armée moindre de quatre-vingt
mille hommes ; on ne peut pas en avoir moins de
foixante m ille pour pénétrer dans, les Pays-Bas
& s’y maintenir ; les frontières des Alpes demandent
trente à quarante mille hommes, parce
que la nature du pays donne aux ennemis que
nous pourrions avoir dans cette partie, plus de
facilite qu’à la France pour fur prendre le paflage
des montagnes : la garnifon de nos vaifTeaux
exige au moins .dix-huit mille hommes ; celle de
nos colonies en demande^ à-peu-près autant. En
récapitulant ces différentes forces vous trouverez
deux cens feize mille combattans, & cependant
il n’en eft pas encore un feul employé à la garde
des places & de nos côtes. J ’ajouterai donc au
•nombre ci-deffus de deux cens feize mille hommes,
une réferve d’environ trente-quatre mille hommes ,
formant à - peu - près le fixième de Varmée, tan t
pour réparer fes pertes, que pour la garde de
nos fortereffes. L ’hiftoire des guerres paffées devient
ici un témoin précieux & irrécufoblc de là
néceffité de cette force militaire. C o n fu lter-la ,
vous nous verrez, fous les règnes préçédens,
avoir conftamment en'armes un bien plus grand
nombre de troupes. En bornant donc à deux
cens cinquante mille hommes les armées françoifes,
je n’ai pas fait la fuppofition de toutes les puiffances
contre la France ; je n’ai fait que prévoir
des événemens ordinaires & dans l’ordre de la
vraifemblance ; & j’ai cra qu’il falloir abandonner
aux efforts du patriotifme le foin de furmonter
les obftacles extraordinaires. Maintenant s’il vous
eft prouvé que l’armée de deux cens cinquante
mille hommes eft abfolument indifpenfable pour
foire foce aux befoins de la guerre, je vais indiquer
jufqu’à quel point cette armée peut être
réduite pendant la paix. Les deux cens cinquante
mille hommes me paroiffênt être compofés de
quarante mille hommes de cavalerie, .quatorze
mille hommes d’artillerie , cent foixante mille
d’infanterie & trente-fix mille hommes de réferve,
total deux cens cinquante mille hommes. Il eft
reconnu que l’inflriiéHon des troupes à cheval &
celle d’artillerie demandent une longue éducation
& une confiante habitude ; on ne peut pas indifféremment
diminuer la force de ces corps ; on
ne peut pas fe. flatter de trouver, au moment
d’entrer en campagne, beaucoup d’hommes formés
pour ces deux fervices. Il faut donc en réduire
le nombre avec niefurê, & je ne penfe pas
qu’il puiffe l’être au-delà du quart pour ces deux
armées. Quant à l’infanterie, quand elle eft bien
çonftituée, lorfque le. nombre dés officiers &
des fous - officiers, reftant le même , la diminution
ne porte que fur les foldats.; lorfqu’il exifte
dans chaque compagnie un fonds fuffifam d’hommes