
on a cherché à obfcurcir cette affaire ? On nous
a dit qu Avignon étoit la propriété du pape. Jufte
ciel ! les peuples, la propriété d'un homme ! Et
- c’eft dans la tribune de l’afl’emblée nationale de
France qu’on a proféré ce blafphême ! . . . ( On
applaudit à plufieurs reprifes ). On vous a dit
que, par un décret, vous aviez renoncé à toute
conquête. La réunion libre d’un peuple à un autre
a-t-elle quelque choie de commun avec les conquêtes
? Une conquête n’eft-elle pas l’oppreffion
d’un peuple auquel le conquérant donne des fers ?
Ici les Avignonois vous invitent à un contrat
libre de part & d’autre.. . . On nous a répondu
encore que le voeu des Avignonois avoit été
formé au milieu des troubles &. de l’infurre£Uon.
Que les auteurs de ces raifonnemens engagent donc
les tyrans à rendre aux peuples l’exercice de leurs
d r o it s o u qu’ils donnent aux peuples les moyens
de les recouvrer fans infurre&ion. (O n applaudit
à plufieurs reprifes ) . . . . Ou plutôt qu’ils faflent
le procès au peuple françois & à fes repréfen-
tans, avant de le foire à ceux qui nous ont imités.
. . . Ce qui eft inconcevable , c’eft que ceux
qui ont reproché au peuple avignonois les troubles
de fa révolution , nous en ont difiimulé les çaufes ;
ils n’ont pas voulu confidérer que ces caufes font
les mêmes que celles qui nous ont fait recouvrer
nos droits : avec, cette différence que la révolution.
d'Avignon avoit été fanglante.
On a prétendu que les fignatures avoient été
furprifes ; & l’on a pu s’abufer jufqu’à méconnoître
le voeu des Avignonois ! C’eft donc en vain que
ce peuple a combattu , qu’il a écarté les obftacles •
que prétendoit lui oppofer un petit nombre de
diffidens. C ’eff en vain que les difiriéls d'Avignon
ont unanimement vôté la réunion ; qu’ils ont envoyé
une adreffe énergique à l’afTemblée nationale.
C’eft en vain que le 5 feptembre ; la garde nationale
a prêté le ferment de mourir plutôt que
de fe foumettre au pape , & de renoncer à la
demande de devenir françoife. On ne veut rien
voit* de tout cela ; on ris nous préfente que dés
chicanes. comme fi les droits des peuples étoient
fournis aux fubtilités du barreau.. . .
J’ai prouvé jufqu’ici que le peuple avignonois a
le droit de fe réunir à la France. Il me refie à
vous démontrer que. vous ne pouvez vous difpen- •
fer d’accueillir fa demande.. . . Je ne. vous dirai
pas qu’il efi de votre intérêt de défendre ces principes
; que la caufe d’un peuple qui court à la
liberté-, ne peut guère tomber fans entramer dans
fachûte, oirfans ébranler votre propre caufe. Je ne
vous dirai pas que vous vous couvrirez de honte.
en livrant à la vengeance des ennemis communs i
de la liberté, wn peuple qui l’a fi généreufement
conquife. Je ne vous développerai point les rai-
fons d’intérêt politique qui ont toujours dû engager
la France à conferver Avignon, dont le territoire
epclfivé dans la Provence, rendroit le reculement
des barrières impoflible , ou infiniment difpen-
dieux-, ou accompagné d’une foule d’inconvéniens.
Je ne vous répéterai pas qu'Avignon foit partie
de cet'empire; qu’il doit être le boulevart de la
France contre les ennemis extérieurs ; mais je fixerai
vos regards fur une confidération plus importante
, je Veux dire fur le voeu fortement prononcé
de tomes les municipalités, de toutes les gardes
nationales du département des Bouches du Rhône ,
qui vous demandent la réunion d'Avignon & du
Comtat à la France, & vous avertiflent cp?Avignon
fera le foutien ou le fléau de votre confii-
tution , fuivant le parti que vous prendrez. Je vous
invite à vous rappeller les tranfports d’armes & de
munitions de tout genre qui ont été faits dans ce
pays, malgré la vigilance des dépàrtemens voifins,
qui ont arrêté plufieurs convois ; & je laifie à
votre fogefle & à votre follicitude patriotique le
foin de prévenir les dangers qui vous menacent....
J’ajoute une dernière réflexion. Les dépàrtemens
voifins d’Avignon, considérant que Poppreflion &
le d.fpotifme ont feuls pu foire pafîèr Avignon
fous la domination papale , ont chargé, par les
cahiers, tous leurs députés de demander la réunion
de cette ville.'Quel argument peut encore balancer
ce?vceu,. & obfcurcir à vos yeux les droits im-
prefcriptibles des peuples ?... Si les cours étrangères
veulent vous faire la guerre, elles fe pafleront bien
de ces frivoles pré tex ta S’il eft vrai que votre
révolution les alarme, vl>us ne pouvez leur pré-
fenter que les armes que tous les peuples', dans
l’état de révolution, ont oppofées aux tyrans, le
ferment de pgrir pour-la liberté. Adoptez d’autres
principes , & montrez quelques craintes, vous êtes
déjà vaincus. ( On applaudit. )
Permettez-moi encore quelques réflexions relatives
à la manière d’exécuter la réunion qui vous
eft propofée. On vous a dit qu’il folloit charger
le roi c(e négociations ; mais les' articles du décret
fur le droit de paix & de guerre , ne peuvent s’appliquer
à cette circonfiance , où il agit de la réunion
volontaire d’un peuple à un autre. Le pouvoir
conftituant à feul le droit d’étendre l’afibciation,
de déterminer les conditions d’une réunion. Il n’y
a ici rien de commun avec les autres relations
particulières qui s’entretiennent par l ’intervention
du ro i, au nom d’une fociété déjà organifée. 11'
efi impoflible que le roi puiffe ici intervenir avant
que vous ayez déclaré que vous acceptez la réunion.
C’eft alors feulement qu’il pourra être chargé
de l’exécution de ce décret, & de quelques négociations
mintuieufes , qui ne pourront jamais
avoir pour objet, ni la fouveraineté d'Avignon ,
ni aucune indemnité à accorder pour la perte d’une
ufurpation , & pour la eeflation d’un long outrage
foit aux droits des nations & à l’humanité.... Une
longue jouiffance injufte exige plutôt une grande
reftitution qu’une indemnité.... ( On applaudit. )
Vous aurez donc fatisfoit à tous vos devoirs ea
adoptant le décret fuivant:
L’affemblée
L’ afTemblée nationale décrète qu'Avignon 8c
fon territoire font partie de l’empire François, &
que. tous fes décrets y feront inceflamment envoyés
pour' y être exécutés fuivant leur forme & teneur.
M. du Châtelet. Trois queftions également importantes
fe préfenteDt à votre décifion: i°. Quels
font les droits de la France fur Avignon ? 20. Quel
ufage l’aflemblée nationale doif-elle foire de la
pétition de cette ville ? 3 °. La France a-t-elle le
droit de foire pafler des forces à Avignon pour
protéger les établiffemens qu’elle y poflede, & pour
y établir la tranquillité publique?.... Ces trois
queftions tiennent au droit public, au droit des
gens, au droit naturel........
Première queflion. La pétition d’Avignon, eft-elle
jufte ? la France a-t-elle des droits fur cette ville ?
Four décider ces queftions en votre faveur, il
foudroit prouver, par des monumens publics, que
jamais nos rois n’ont renoncé à lapropriété d'Avignon.
( Il s’élève quelques murmures au fujet du
mot propriété. ) Il eft prouvé au contraire que
toutes les fois qu’ils font rentrés par la force en
poflefîion de cette v ille , ils en ont fait quelque
temps après, au pape, la reftitution pleine & entière.
Jamais la queflion de la propriété n’a été
définitivement décidée , foit par le défaut de titres
& de preuves, foit par refpeél pour le chef de
l’églife. Cette queflion eft donc encore à rêfoudre,
& la difficulté ne peut être terminée que par la
négociation.
Seconde queflion. L’aftemblée nationale doit-elle
accueillir la pétition d'Avignon■ ? Il foudroit, pour
décider cette queflion, prouver que le voeu de
fes habitans a été accueilli d’une manière légale,
attefter le refus fait par le fouverain de foire droit
à leurs réclamations ; enfin foire voir d’une manière
claire & pofitive qu'Avignon eft un état
féparé de tous les autres états du pape. Au milieu
de l’infurre&ion où eft ce peuple, aucun de ces
faits n’a encore été vérifié. Vous ne pouvez -donc-,
quant à préfent, délibérer fur la pétition d'Avignon
; vous ne pouvez accepter fes offres, fans
donner un dangereux exemple aux parties éloignées
de cet empire. Si dans ces fortes d’événe-
mens les convenances étoient les feules règles à
fuivre, l’inftabilité des états feroit.continuelle..Vous
ne devez pas tenir à l’égard d’un prince fbible,
la conduite que vous n’oferiez pas tenir vis-à-vis
d’un potentat pniflant. Comme partie inréreftee
dans cette affaire , vous ne pouvez délibérer que
lorfque l'indépendance d'Avignon fera évidemment
& inconteftablement reconnue.
Troiflème queflion. Pouvez-vous envoyer des
troupes à Avignon ? Vous poffédez de nombreux
établiffemens dans cette ville ;. dans ces momens
de révolutions, de défordrës & d’anarchie, vous
.ayez inconteftablement le droit de les protéger.
AJfeinbUe Nationale, Tome II. Débats,
Vous avez le droit de préferver vos frontières d e
la contagion, & de défendre les intérêts du faine-
fiége contre une portion de fes états en infurrection
Je vous propofe donc fur les trois objets
fournis à votre décifion, le projet de décret fuivant
:
L’affemblée nationale décrète que le roi fera
fupplié de négocier avec le pape, pour que la question
de la fouveraineté d'Avignon foit réfol ne définitivement,
& qu’il foit ftatué furies indemnités
à accorder au faint-fiége, & que les négociations
& ftipulations qui feront faites feront examinées
& définitivement arrêtées par elle : 20. qu’il n’y
a pas lieu a délibérer, quant à préfent, fur la pétition
d'Avignon; 30. que le roi fera prié de donner
des ordres pour qu’il foit envoyé dans cette ville
le nombre de troupes de ligne néceflaire pour
protéger les établiffemens que la France y pof-
fède, & pour y maintenir la tranquillité publique.
M. l'abbé Charrier. Une grande queflion de politique
& de droit public vous eft feumife. Les
Avignonois vous offrent de réunir leur ville avec
fon territoire à la France : accueillerez-vous cette
demande , enleverez-vous au pape un état qui s’eft
déclaré libre & indépendant de fa domination ?
On vous a déjà développé contradi&oirement les
principes de cette queflion ; je me borne à vous
en offrir quelques réfultats. La fouveraineté réfide
dans le peuple ; il peut l’exercer en s’uniffant à
un autre peuple, en adoptant fa conftitution &
en fe foumettant à fes loix : mais ce droit inaliénable
n’appartient pas à une portion de peuple ;
les Avignonois ne font point un peuple complet;
il appartient aux diverfes ferions du territoire
eccléfiaftique. La portion de la Méditerranée qui
les fcpare de l’Italie, n’eft pas une objeâion fou-
tenable ; car nos colonies font féparées de nous
par un intervalle immenfe , & n’en font pas moins
partie de l’empire François. Pour autorifer l’adoption
qu’on Vous propofe , on vous fait encore
valoir l’origine de Pacquifition du pape. Mais la
■ portion de la Navarre qui eft unie à la France
peut donc fe féparer quand e l le voudra__
Si le Comt&trdAvignon offroit un voeu bien prononcé
pour changer de maître, on pourroit aD-
porter quelqu’attention à fa demande ; mais quels
font fes organes ? ‘ Sur une population d’environ
40 à 45 mille âmes , 14 cents perfonnes au plus,
malgré la réclamation du refte, demandent à s'unir
à la France. Reconnoître un tel voeu, ce feroit
détruire toutes les bafes de la fociété politique,
ébranler tous les principes qui, jufqu’ic i, ont oré-
fidé à la tranquillité des peuples.,.. . .D ’après les
principes des adverfaires mêmes que je combats
je trouve mes moyens pour prouver que les A v ignonois,
dans l’état a&uel, n’ont pas plus le droit
de fe donner à la France., que la France n’en a
de les accepter ; & quand ce droit feroit incon-
teftable, il ne feroit ni prudent, ni convenable
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