
par exemple , croyez-Vous qu’il foit permis de
chaffer des foldats des régimens, parce qu’ils déplai-
fent aux chefs? Vous avez voulu que le fort du
foldat fut préférable à celui des ‘malheureux arti-
fans : vous n’y parviendrez qu’en prenant tous les 1
moyens d’empêcher les injuftices ; 8c ce n’eft qu’alors
que vous vous oppoferez efficacement aiix infur-
retlions. . . . Il faut bien déterminer auffi des délits
dont ne parlent pas les ordonnances militaires : je
regarde comme un délit les propos qu’on fe permet
contre la conftirution. Tant que je ne verrai pas
cet article, à la tête des ordonnancés, je dirai que
rien n’eft fait encore pour rétablir l’ordre dans Vannée,
& pour affurcr , par elle, la tranquillité publique
au dedans & la fûreté au dehors. Quant aux applau-
diffemens demandés pour les régimens qui ne fe
font pas écartés.de-la difcipline, & je pourrois en
demander pour celui à là tête duquel jè fuis , que
je ne commande pas, 8c avec lequel je n’ai qu’une
simple correfpondance ; ces applaudiiTemens, dis-
je, font dangereux ; ils mettroient la guerre clans
l'armée. ...
Je m’oppofe donc à totite motion étrangère à
l’engagement facré pris par M. de Menou , de pre-
fenter inceffamment un travail complet. L'armée
verra avec reconnoiflance tous les bienfaits de la
conftitution dans ce plan, qui, en rendant aux
foldats tout ce que nous leur devons , fera de la
force militaire le rempart de la conftitution, 8c
rafiiirera pour jamais fur les infurre&ions dont on
a maintenant à fe plaindre. Je demande donc qu’on
paffe à l’ordre du jour.
M. Charles de Lamtth. Si la propofition de palier
il l’ordre du jour «fl de s’arrêter à ce qui a été dit
par M. de Menou , je ne parlerai pas. Si on prô-
pofe quelques décrets provifoires, • je demanderai
la parole pour en montrer les inconvéniens.
, On demande l’ordre du jour.
M. Arthur de Dillon. Il faut décréter la formule
du ferment fédératif.
On demande avec plus d’inftarace l’ordre du jour.
M. d’Eflourmcl. Rien n’eft fi effenriel que de
palier à l’ordre du jour ; mais cette demande n’eft-
elie pas un moyen-d’écarter des motions également
effentielles ? L’organifation militaire eft indépendante
de l’état où fe trouve Varmée. En me réunifiant
pour réclamer l’ordre du jour, jlnfifte pour
que le rapport du mémoire du miniftre foit fait
mercredi prochain.
M. de Roflaing, prèfident du comité des finances.
J’ai l’honneur d’annoncer qu’il fera fait inceffamment
un rapport particulier fur les 3 a deniers
accordés à Varmée.
M. de Broglie. En me référant à ce qui a été dit
par MM. de Noailles 8c de Menou, je me borne
a demander que jjè prèfident fe retire vers le roi,
pour le remercier de fa follicitudc 8c des mefurd
qu’il annonce.
Apres une légère difctiffion fur l'époque où fer»
'fait le rapport du comité des finances , l’affembléè
décide que ce fera le plutôt pojfible.
On fe difpofe à mettre aux voix la propofition M
M. Malouet.
M. de Noailles. Je défie à M. Malouet de rédiger!
fa propofition de manière que ce décret puille
être exécuté, c’eft-à-dire, qu’il puilfe concourir à
rétablir la difcipline 8c la tranquillité dans VarrtÉ
M. Malouet lit fon projet de décret. « Faites une
âdrelfe à l’armée, pour la rappeller à la Subordination
8c à la difcipline ; donnez des éloges aux
régimens-qui ont été fidèles à la loi 8c au roi,&|
témoignez la défapprobation des infurreciions qui)
ont eu lieu dans quelques régimens ».
L’affemblêe décide' aune très-grande majorité
qu’il n’y a pas lieu à délibérer fur le projet de décret
de M. Maloiiet.
Ce qui fuit eft décrété.
« Le prèfident fe retirera dans le jour pardevers
le roi, pour le remercier de la communicaf on qu’il
a fait donner à l’afïemhlée de là lettre par laquelle;
il autorife la fédération des troupes de ligne & des
gardes nationales. L’alTemblée renvoie le mémoire
qui a été remis fur le bureau aii comité militaire,
qui fera fon rapport fur la çônftitution de. Varna
le plus promptement poffible».
Séance du 10 juin 1790.
M.le marquis de Crillon. Le comité militaire nù
chargé de vous préfenter un décret pour le réta-
bliffement de l’ordre dans Varmée. Depuis "quelques
tems des nouvellesaffligeantes nous font parvenues;!
le. miniftre de la guerre vous les a communiquées:
il eft indifpenfable que les foldats reconnoifônu
enfin leur devoir 8c vos principes. Voici le décret]
que vouspropofe le comité: « L’affemblce nationale]
infiruite des défordres furvenus dans plufieurs rém
mens de Varmée, 8c que notamment plufieurs régimens
ont cru pouvoir forcer leurs officiers à quitrer leurs
corps ; confidérant que les ennemis de l’état font
tous leurs efforts pour féduire 8c égarer les braves!
militaires, 8c à les porter à violer le ferment qu'ils
ont fait à la nation , à. la loi 8c au roi, ^
leur perfuadant que le voeu de l’affemblée nationale
eft de détruire la fubordination des foldats envers
leurs officiers , comme fi cette fubordination n’etoit
I pas la loi elle-même , comme fi elle ne fàifoitp^
la force de Varmée Sc l’appui de la confiitmion >
que les défordres arrivés dans F armée ne peuvem
que troubler le travail dont l’affemblée s’occupa
fans relâche pour améliorer le fort des foJdatSi «
fixer leur état d’après les principes de la regÉj]ej
ration générale du royaume ; voulant découvre
|es guerriers citoyens les préjugé? dans lefquels on
cherche à les entraîner ; déclare qu’elle voit avec
la plus vive douleur 8c le plus grand mécontentement,
les a<Stes d’in fubordination qui. ont eu lieu
dans quelques régimens ; qu’elle attend du patrio-
tifme' françois qu’ils s’emprefleront de reconnoître
leur erreur 8c de rentrer dans leur devoir : arrête
que fon prèfident fe retirera pardevers le roi,
cheffiiprênie-cle Vannée , pour le fupplier de prendre
les melures les plus promptes 8c les plus efficaces
■‘pour y rétablir l’ordre 8c la fubordination, 8c de
punir avec févériré toute défobéiffance aux loix
; militaires : déclare en outre , qu’elle regardera
comme indignes de fervir la patrie, tout corps ou
foldats qui fe permettroient déformais de violer la
foumiffion due aux loix Sc aux officiers chargés d’en
maintenir l’exécution»/ Voyeç Régimens.
Plufieurs membres demandent l’ordre du jour.
L’affemblée décide que la difeuffion s’ouvrira
fur le rapport de M. le marquis de Grillon.
M. le chevalier de Murin'ais. Il y a, à la barre,
un officier qui apporte en don patriotique, l’argent
donné à fes foldats pour les féduire. Je demande
qu’il foit entendu.
L’affemblée or-donne que l’officier fera entendu.
C’eft M. de Puyfégur , colonel du régiment d’artillerie
en garnifon à Strasbourg , qui prend la
; parole 8c dit:
u Meffieurs , s’il eft une récompenfe digne de
vous être offerte pour vós glorieux travaux, c’eft
fans doute le récit des a&ions qu’ils font opérer.
M. Maugin, caporal dans le régiment d’artillerie
eh garnifon à Strasbourg , étant allé au marché
pour acheter des légumes, eft accofté par un inconnu
, qui lui dit en allemand , quelques mots qu’il
ne put comprendre ; ce même inconnu lui mit devant
lui une bourfe contenant 245 livres, 8c difparut
dans la foule. Le caporal ramaffa cette bourfe , 8c
dans le même inftant fit fa déclaration à M. le '
maire, des procédés duquel le régiment n’a qu’à
fe louer. M. le maire lniffa la fomme à M. Maugin,
■ qui fut enfiiite la dépofer entre les mains du quartier-
maître. Quel peut être le but de ceux qui ciiftri-
buent ainfi de l’argent ? J’offre cette fomme en don
patriotique, & je réponds que le brave Maugin ne
me défavouera pas. Puiffe un pareil exemple déconcerter
les ennemis de l’ordre !
M. le prèfident. L’affemblée nationale applaudit à
l’aftion de M. Maugin , 8c elle vous charge de lui
:en témoigner fa fatisfaéfion, d’autant plus volontiers
, qu’elle connoît votre patriotifme 8c vos efforts
conftans pour le maintien de l’ordre 8c de la liberté.
On demande l’impreffion du difeours de M. de
Puyfégur, 8c de la réponfe du prèfident.
AL le chevalier de Marinais. Je demande que
, • Maugin foit mis hors de rang , pour être envoyé
a la fédération patriotique du 14 juillet.
M. Roberfpierre. Je demande l’ordre du jour,
parce que le difeours de M. de Puyfégur me paroît
avoir une relation intime avec le projet de decret
préfenté par M. de Crillon. En ordonner l’impref-
fion, ce feroit en quelque forte préjuger les torts
qu’on reproche à quelques régimens. L’affemblée
ne fauroit apporter trop d’attention avant que de
l’accorder. Les uns attribuent les torts des loldats
à l’infubordination, les autres à des caufes bien
différentes., que je ne veux pas même énoncer.
Je demande qu’on paffe fur le champ à l’ordre du
jour.
M. Charles de Lameth. La motion d’imprimer le
difeours de M. de Puyfégur , ne me paroît pas avoir
les inconvéniens que le préopinant vous préfente ;
8c la preuve, c’eft que j’ai demandé la parole pour
combattre le projet de décret préfenté par M. le
' marquis de Crillon, 8c que j’ai demandé l’impreffion
du difeours de M. de Puyfégur. Je ne vois dans ce
difeours que l’annonce d’un a&e de patriotifme. Je
vois auffi que l’Alface, qui eft le foyer de toutes
les ariftocraties, eft la partie du royaume vers
laquelle les ennemis de l’état tournent toutes leurs
e'pérances ; c’eft auffi celle vers laquelle nousdevons
diriger nos regards avec le plus d’attention. C’eft
le cas de vous dire que tous les régimens commandés
par des officiers amis de la conftitution,
n’ont pas ceffé d’être en bonne intelligence avec les
bourgeois. ( On applaudit dans- une grande partie
de la folle). Je demande que le difeours de M. de
Puyfégur foit imprimé, 8c je me réferve la parole
i contre le projet du comité militaire.
L’affemblée décrète l’impreffion du difeours de
M. de Puyfégur , 8c de la réponfe de M. le
prèfident.
M. le marquis de Crillon. Votre comité militaire
étoit inftruit du fait rapporté par M. de
Puyfégur;: il l’étoit.encore de faits arrivés dans
d’autres provinces , où des’ foldats fe font permis
de renvoyer les officiers de leurs régimens:
mais puifque vous demandez des détails, demain
ou après-demain je vous les mettrai fous les
yeux.
- M. Charles de Lameth. Le projet du comité
militaire eft le même que celui qui vous a été
I préfenté à la fuite de îa lettre de M. de laTour-
du-Pin. Les miniftres vous propofent de délibérer
fur des effets qu’ils' affeélent de prendre pour
les caufes. La caufe des foldats êft celle du peuple.
Recherchez la caufe des mouvemens populaires,
8c vous verrez que la plus grande injuftice lésa
produits. Vous ne voulez pas qu’un foldat qui
s’eft élevé contre une injuftice foit puni comme
des corps qui ont trahi la patrie. Vous commettriez
une faute très-grave , fi, fans examen , vous
décrétiez un blâme général de tous les mouvemens
de Varmée , qui prennent, aux yeux du lé-
giflateur, divers cara&ères. Je fois fort bien qu’il