
■M. de Foucault. Ce font d’honnêtes gens qui vous
difent : Prenez Avignon , . au bien vous ferez
pendus. Le calme le rétablit peu-à-peu, & les
membres du côté droit reprennent fuccefiîvement
leurs places.
le préjîdent. J ’ai confulté l’affemblée fur la
flivifxon : nous croyons, le bureau & moi, qu’il
Y a du doute. On demande à délibérer par appel
nominal fur le premier article du projet de décret
des comités.
M. le préjîdent. On va faire l’appel nominal fur
l'article premier, ainfi conçu : L ’affemblée nationale
, ouï les comités , & c ., relativement aux
droits de la France fur Avignon & fon territoire,
ayant pris connoiffançe du voeu libre & folemnel
des Avignonois pour leur réunion à la France,
déçrete qu’elle admet & incorpore les Avignonois.
à la nation françoife, comme en faifant partie
intégrante ; en conféquence, elle leur accorde
tous les droits & les avantages de la conftitution
françoife.
- On procède à l’appel nominal. — L ’apper nominal
eft interrompu par un incident. — M. le
fecrétâire appelle M. de Faucigny.
M. de Faucigny. Avez-vous oublié mes protef-
tations ? Je m appelle M. le comte de Faucigny-
Lucinge.
Plufieurs voix de la partie gauche. A l’ordre ,
à l’abbaye.
* Af* àt Faucigny. Ce font nos vrais noms,' &
nous les maintiendrons. — Les pris redoublent
dans la partie gauche : à l’abbaye^ à l ’abbaye.—
Une voix s’élève : il eft fou, Meilleurs. -
M. Madier. Je demande à parler contre la motion
de rappeller M. de Faucigny à l’ordre.
Af. Frondeville Je levant avec précipitation. Taifez-
vous , monfieur, taifez-vous.
L ’affemblée décide que l’appel nominal fera
continué. On achève l’appel nominal.
Sur 778 votans, 368 voix pour l’adoption de
l’article premier, & 374 pour qu’il foit rejetté.
M. le préfident prononce que 4’afîeinblée a rejette
le premier article des comités.
Séance du 6 août ifç i.
M. Pouland. C ’eft au nom du département du
Gard, que je prie l’affemblée de fe faire rendre
compte des operations des commiflaires envoyés
à Avignon. Il eft effentiel de favoir fi l’ufage qu’ils
font de leur pouvoir eft bien conforme à l’objet
de leur million.. Ils font des levées eonfidérablës-
de gardes nationales, ce qui .nuit peut*-être à la
levée des corps volontaires appelés à la défenfe
des frontières, ce qui fatigue inutilement les citoyens
, occafionne des dépenfes confidérables, &
prive nos départemens d’une force .publique qui
leur eft néceffaire. Je demande donc que le comité
diplomatique foit chargé de faire ineeftamment un
rapport à cet égard.
Séance du jeudi 8 feptemhre 1791.
Un de MM. les fecrétaires fait leéhire d’une
lettre par laquelle plufieurs citoyens avignonnois
demandent a être entendus , comme porteurs d’une
pétition des états-unis d'Avignon & du Comtat
Venaiflin.
f L ’affemblée décide qu’ils feront entendus à la
féance du vendredi foir.
A la féance du vendredi 9 , au foir, trois députes
font admis à la barre , où ils fe préfentent
au nom des états-unis d'Avignon & du Comtat.
V orateur de la députation. L ’hommage que le peuple
Vauclufien rend à.votre immortelle conftitution, le
tribut de reccnnoiffance qu’il vient porter à vos
• bienfaits fignalés, feront fans doute chers à vos
* coeurs. L ’intérêt que vous n’avez celle de prendre
à notre fort, nous eft un sûr garant que nous ferons
accueillis par vous avec l’empreffement & la gé-
nérofité qui cara&érifent la nation dont vous êtes
les dignes repréfentans. Vous ferez flattés du zèle
que vous nous avez vous-mêmes infpiré, & des
efforts que nous avons faits contre nos ennemis
communs.
Vous avez appris à l ’univers que tous les pouvoirs
qui ne font pas des délégations du peuple
font des ufurpations, & que les hommes qui Vivent
fous de femblables autorités, vivent privés
de l’exercice de leurs droits naturels, & font ignomi-
nieufement affervis aux loix des tyrans. La vérité
de ce-principe a déjà retenti chez toutes les nations,
& bientôt l’univers vous devra fa liberté.
Placés au fein de l’empire François, nous avons
été frappés les premiers par les aedens de la liberté
; courbés fous le defpotifme & fous le joug
fàcerdotal, nous nous fommes levés , & , à votre
exemple , nous avons brifé nos chaînes ; nous fom-
mes devenus libres depuis que nous avons voulu
devenir François.
Avant d’expofer les faits, nous allons dire un
mot des principes qui ont dirigé nôtre conduite;
ils font contenus tous dans cette loi: fublime quia
rendu à la nation françoife fa dignité , dans la déclaration
des droits. Ceux qui prétendoient que
nous n’avons pu changer notre, gouvernement
& que Rome a des droits fur nos perfonnes & fur
le territoire que nous habitons, ceux-là: déchire-
roient d’une main facrilège le livre facré de votre
conftitution. Il ne s’agit donc plus de favoir fi les
Vaucluficns ont pu vouloir fe réunir à. la nation
françoife, mais s’ils l’ont réellement voulu, & s’il
eft de la juftice & de l’intérêt de la France d’accepter
cette réunion. Il fuftira de vous, faire con-
noître que le voeu des communes eft prononcé
librement, & que les perfécutions que la guerre
que les ennemis de la liberté ont voulu exciter,
n’ont pu le détruire.
La ville $ Avignon, la première , a voulu vos
loix ; la première, elle a voulu fe fouftraire au
gouvernement facerdotal & aux fureurs du defpotifme.
L ’amour de la liberté, l’exécration des tyrans
pénétrèrent bientôt dans le Comtat. Au milieu-de
ces agitations, on demanda la conftitution françoife
: la fa&ion de Rome feignit auffi de l’adopter;
mais elle fut y mettre des modifications, &
n’en préfenta au peuple que des lambeaux : bientôt,
pour étouffer la liberté naiffante, on cherchâmes
viâimes : des patriotes furent immolés à la fureur
du gouvernement: plufieurs périrent martyrs de
votre conftitution. C ’eft ainfi que plufieurs villes ,
après avoir arboré d’un commun accord les armes
de France, furent envahies par les foldats du defpotifme
, qui fubftituèrent la thiare au figne de la
liberté: les habitans de Cavaillon furent affaillis
à coups de fufil, forcés de fe' retirer en rafe campagne,
pourchaffés de nouveau avec leurs femmes
& leurs enfans jufqu’à Avignon , 8c réduits à fe
cacher dans les forêts poiir fe fouftraire aux perfécutions.
Cette fecouffe, en brifant les fers des Comtadins,
rompit tous les liens de la fociété , & laifla
le Comtat fans lo ix , fans monarque , fans ad-
miniftrateurs ; les - communes fe réparèrent de l’a-;
grégation générale, & formèreut des fociétésifo-
lées ;* le peuple exerçoit lui-même fa fouverajneté,
ou, pour mieux dire, chacun en envahiffoit les
droits. Devenues un peuple neuf, elles voulurent
unir leur fort à la France ; les bafes de la conftitution
françoife furent adoptées- ; une. garde nationale,
fut formée;, le peuple nomma des. repréfentans
: l’aftemblée électorale, des états-unis alloit
terminer fes travaux ; la liberté & l’ordre s’éta-
bliffoient fur les ruines du • gouvernement facerdotal,
lorfque tout-à-coup les-projets des ennemis
delà révolution éclatèrent. Une armée de 8000 fanatiques
, de prêtres & de privilégiés fe iivra au
brigandage le- plus effréné'. D;énués de toute ref-
fource, on ne nous vit cependant pas courber la
tête ; s’armer , voler au combat & diftiper cette
horde d’affaflins & de contre-révolutionnaires 3 fut
l’affaire d'un inftant : cette conduite jtifte & ferme
auroit dû obtenir à ceux qmont facrifié leurs vies à
la, révolution, d'autres honneurs que ceux de la
calomnie.
L ’état déplorable de notre patrie, la guerreci-
yile , qui alloit défoler nos contrées , nous déterminèrent
à jetter nos regards fur la France; des
commiflaires médiateurs arrivèrent ; nous déposâmes
nos armes ; lorfqn’après les préliminaires de la
paix , & au mépris des traités, l’armée des contref
révolutionnaires affaflîna, fous les yeux descom-
rni flaires , quatre-vingts patriotes qui rentroient pai-
fiblement dans leurs foyers.
I c i , nous abandonnons aux médiateurs de la
F rance le foin de faire ce récit ; nous devons cependant
entretenir l’affemblée de l’êraiflion d’un
voeu fur la forme d’un gouvernement à établir
dans les états-unis d'Avignon & du Comtat. Tous
ceux des citoyens qui etoient en état de délibérer
ont exprimé le voeu de fe réunir à la France;
une foible minorité a voulu refter fous l ’autorité
papale ; mais l’enfemble de tous les mécontens
du nouvel ordre de chofe ,. s’eft à peine trouvé
former le cinquième de la population, Ces délibérations.
portent par-tout le caraéïère de la liberté
; on ne peut en douter, en voyant dans
ces a êtes des citoyens dire à leurs compatriotes :
vous voulez être libres ; pour nous , nous aimons
mieux les chaînes du defpotifme de Rome, que la
liberté françoife. Aucun- écrit n’a été répandu ,
aucun émiffaire n’a été envoyé pour propager dans
le Comtat le voeu de la réunion ; au contraire,
le pape faifoit tranfporter des écrits incendiaires ,
les évangéliftes parcouroient les'campagnes / annonçant
des contre-révolutions, en préfentant à
l’efprifc du peuple effrayé les foudres du Vatican
& les armées étrangères prêtes à envahir la France.
C ’eft au milieu de ces craintes que le peuple a
cependant émis un voeu uniforme \ en faveur de
la réunion. Vous verrez ceux qui' vouloïent être
François livrés toujours à des perfécutions nom elles,
ou obligés à chaque inftant, de prendre les armes;
mais vous lés verrez toujours vainqueurs:
dest hommesr libres . qui combattent les defpotes
peuvént-ils obtenir autre chofe que la liberté ou
la mort ? (Onapplaudit. )
La réunion peut fenle en ce moment nous faire
oublier les maux paffés, & prévenir ceux dont
nous fommes menacés ; fans elle la paix n’eft qu’apparente
& éphémère ; vos ennemis établiront bientôt
au milieu de nous le-fiège de leurs machinations:
déjà l’armée des-prêtres réfra&aires , des Comtadins
mécontens, & des contre-révolutionnaires frànçois,
occupoient les deux extrémités du Comtat à l’époque
mémorable dum juin dernier. L ’infufRfance
des moyens termes démontrée par l’expérience,
prouve la néceflité de réintégrer les Comtadins
dans l’henreufe famille dont vous êtes les régénérateurs:
toutes,les paflions fe tairont devant le
grand intérêt de la réunion. Voyez des François
entraînés par des liens de parenté & d’amitié , fe
jetter dans les .deux armées, fe combattre, & ces
. armées ne quitter prife, que lorfque le parti vaincu
aura difpa’ru de la furface de la terre. Au nom
de la patrie, au nom de l’humanité, ne repouffez par
cent mille François qui fe jettent dans vos bras.
Notre titré eft un titre glorieux, qui jamais n’auroit
été perdu fi les droits des nations n’euffent été méconnus
dans les fiècles d’ignorance & de barbarie.
(O n applaudit. )