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. On dit que la condition qu on propofe eft le
feul moyen d’avoir un bon corps légiflatif ; mais
les communes de France n’ ont-elles donc pas
montré un courage inébranlable ? N’ont - elles pas
feules afluré notre liberté ? Et par qui avez - vous
été envoyés ici ? Par ces hommes qui ne pâyoient
pas les journées de travail, qui ne s’attenaoient
pas que vous immoleriez leurs droits j d’ailleurs ,
puifqu’on applique par ce décret aux élections à la
prochaine législature , législature qui doit confo-
lide.r vos travaux , vous avez donc beaucoup à
craindre , & fans doute la chofe publique eft perdue.
Je conclus à la question préalable. ( On applaudit).
M. Guilleaume. Je conviens 3 avec le préopinant,
qu’ il y auroit de grands inconvéniens à changer
tout -à-coup des décrets constitutionnels qui auraient
été reçus avec Satisfaction , & jures avec
enthoufiafme par la nation} mais à quel décret
a-t-il appliqué fes réflexions ? c’ eft a un décret
contre lequel la nation entière réclame > c’eft
d o n c , en quelque forte, Ja volonté fortement
prononcée ae la nation, que les comités vous
propofent de déclarer. Ce décret ne fera exécuté
que dans deux ans , & le peuple François n’a pas
bjeSorn de Si long tems pour s’éclairer. Le véritable
intérêt du peuple dans un gouvernement représentatif
, eft d’avoir une bonne reprélentation.
Pour l’obtenir , deux conditions fout néceifajres.
La première, que nul obftacle n’exclue de l’ai-
femblée nationale , l ’homme qui a des lumières &
de la probité 5 la fécondé, que les hommes chargés
d’ élire au nom de la nation, puiSfent & veuillent
faire de bons choix. Inutilement ouvririez-
vous F entrée du corps législatif à la vertu indigente,
les électeurs ne font pas capables de difcer-
ner. Or^ pour difçerner la vertu & le talent,il faut
avoir de l’éducation, des m oe u r s& les connoif-
fances que n’ont pas les hommes de la claSfe inférieure,
Pour choisir cette vertu obfcure , il faut
avoir intérêt à la choifir , & , pour avoir cet intérêt
, il faut être attaché à fa patrie par la propriété
, être inacceiTible à la corruption par l’ indépendante
des befoins.
M. Goupil. Comme je n’ ai pas l’heureufe facilité
de parler avant que d’avoir raifonné, je m’abf-
tiendrai de difcuter le nouveau projet qu’ on vous
a préfenté ; je me contenterai de faire des observations
générales fur le fond de la c h o f e &
fur le changement qu’on vous propofe. On a employé
jci inutilement bien des tournures, pour
vous faire douter de cette v é r ité , il faut y aller
rondement, que ce qui détermifie les droits des
citoyens eft conftitutionnel. Que L’on ceffe donc
de imus préfenter à cet égard de ridicules évafions.
Voici dans quels termes les comités ont rédigé
le ferment civique : Je jure d’ être fidèle à la
ponftitution décrétée aux annéeg 1 7 8 9 ,1 7 9 0 &
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D’après cela , vous voyez que tous vos décrets
conftitutionnels doivent être maintenus, & \\
eft inutile de répondre à cette montagne de diffi,
ctiltés que vous a faite hier l’un des préopinans,
Ce ri’eft pas ajfer de vouloir être libre i Vous a-t-ll
dit 3 i l faut javoir être libre. Oui fans doute ; mais
tout homme qui a médité les gouvernemens ne
fait-il pas que pour favoir être libre , il faut
refpeCter l’inviolabilité des loix ? Je ne répondrai
pas à ces raifonnemens abftraits qu’ il vous a faits
fur le gouvernement repréfentatif , a cet étalage
infignifiant de mots fîtr le gouvernement d’A thenes,
de Sparte, & c : J’ai cru que le décret du marc
d’argent étoit jufte. J’ ai voté pour fon admiflion J
& ft quelque chofe a pu balancer mon affentiment,
c’étoit le grand nombre d’adverfaires qu’il paroiffoit
avoir * mais depuis qu’une controverfe s’ eft établie
dans le royaume fur ce dé c re t, il me pa- '
roît qu'il n’a plus autant de contradicteurs. 11
ne vaut donc pas la peine de détruire un des
grands moyens que vous ayez pour défendre
l’invariabilité de vos décrets.
M. Merlin. Lorfque vous avez créé votre comité
de revifîon , les îèuls pouvoirs que vous lui ayez
donnés étoient de clafifer les décréts conftitutionnels
, d’en revifer la rédaction , afin de rectifier
les erreurs qui. auroient pu s’y gl'iffer. Le
comité a donc évidemment outre-pafte les bornes
de fes pouvoirs.
M. le Chapelier. Ce n’eft pas le pouvoir du comité
que le préopinant attaque ; car nous n’en avons
point : e’eft le pouvoir même de l’affembléej
c’eft moi qui ai rédigé le décret de création du
Comité de révifion. J’ai bien eu l’intention d’empêcher
que les malveülahs n’altéraffent votre çonf-
titution y mais je n’ ai jamais cru que le comité,
au quel vous donniez votre confiance, ait pu vous
propofer de reCtifier quelques articles qui ne
tiennent point aux bafes de la conftitution 5 ce
font donc vos propres pouvoirs que l’on con-
telle ici j & permettez moi de remarquer qu’il
eft trop étrange que .ceux qui ont conftamment
élevé la voix pour la réformation du décret fur
le marc d’argent, foient les mêmes que ceux quj
en réclament avec tant d’ ardeur la confervation,
( Plufteurs voix de Vextrémité gauche : o u i, parce
que ce que vous nous propofez eft plus mauvais).
Lorfqu ils faifoient alors ces réclamations, ils ne
çroyoient pas manquer au ferment de fidélité a
ia conftitution? Si nous propofions de fupprimer
le marc d'argent fans le remplacer par une autre
garantie* nous aurions paffé alors pour des hommes
extrêmement populaires, & on nous auroit ap'
plaudis ; mais puifque ce décret eft actuellement
en problème, j’ ai le droit de dire qu’il attaqué
la liberté & les droits des citoyëns. Si au contraire
vous reportez cette condition fur ies élec-»
vous n’attaquez, aijciin des droits poli*
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L u » des citoyens j car ce n eft pas un droir
Calitique des citoyens que detre charge par fes
.Concitoyens d’élire à leur place, mais bien une
«fonction publique pour laquelle vous avez droit
L'exiger la même garantie que pour celles dé jugés de magiftrats. Si vous aviez admis le fyftême
«immédiat de repréfentation, vous auriez neceffai-
Eement exigé, pour tous les membres du corps
Ijjbcial, la condition que nous propofons de ref-
Kreindre à ceux qui font chargés d’élire } car
nous vous propofons, pour la qualité d’éleCteur,
K n e contribution beaucoup moindre que celle que
flesanglois &les américains exigent pour la qualité
Sde citoyen aCtif. Tous ceux qui ont voulu raifonner
1 Maintenant examinons le principe^ dans fon
application j il n’y aura pas le plus léger incon-
[vénient pour les fermiers. Dans le fyftême contraire
, il y auroit l’inconvénient très-grave d’avoir
pans les alfemblées électorales dés hommes q u i,
n’ayant pas affez de propriétés' ou de richeffes
induftrielles pour refter pendant plufieurs jours
[fans travailler , demanderoient à être payés ou
[le feroient par le plus offrant. C ’eft ainfi que vous
[avez vu à Paris l’affemblée électorale réduite à
[deux cent membres } c’eft ainfi que dans le département
de la Seine inférieure, le plus riche
[du royaume , 1 6 0 électeurs fur 7 0 0 ont procé-
|dé aux élevions, & que les élections ayant duré
[trois- jours, il ne s’ eft trouvé , le troifième jou r,
[que 6 0 ëledeurs.-Voyez fi vos élections ne font
[pas, en ce moment, livrées à un petit nombre
[d’inrrigans. Pourquoi ne veut-on pas accueillir
[le fyftême d’ eleCtion que nous vous propofons ?
[C’eft parcé que l’ on craint que cette conftitu-
Ition , fi excellente dans fes bafes, étant perfec-
[ donnée par vous mêmes dans fes détails, on n’ ait
[pas befoin d’appeler bientôt une nouvelle eon-
jvention nationale, objets des defirs des- intri-
[gans, qui voudroient renverferle gouvernement.
[■ (.Quelques membres applaudiffent ),
k Le comité veut évidemment faire le bien de
:1a majorité de la nation, puifque nous ouvrons
Fous les poftes publics à 4 millions de citoyens
■ aCtifs, tandis que l’a.vis contraire.’ ne tend qu’ à
fconferver la qualité d’éleCteur à 60 ou 86.mille.
| citoyens. Pourquoi vous propofons-nous d’àb.olir
le décret du marc d’argent? c’eft parce que tous
les corps adminiftratifs.., toutes les afîemblees
leleCtôrales, toutes les fociétés,. réclament contre
[ce décret.On déf%noit certaines perfônnes comme
[voulant mettre le décret fur la noblefle parmi
[les décrets réglémentaires. Eh bien, il a été mis
[ dans la confïitution. Qn accufoit les mêmes gens
[de vouloir détruire votredécret fur l’ égalité des
[citoyens 5 eh bien, cette égalité eft confacrée par
jtf aêie conftitutionnel. Ne vous arrêtez donc pas
| avis des libellâtes * examinez, tes chofes en
elles-mêmes-, fans confidération de perfônnes,
examinez fi ce décret qui porte fur les électeurs
la condition du marc d’argent , n’eft pas plus
conftitutionnel que l’autre , puifqu’ il eft plus
conforme aux principes d’ égalité qui font la bafe
cle votre conftitution.
On demande que la difcuffion foit fermée.
M. Vernier. Les comités ont quelques motifs,
fans doute, pour nous propofer le changement
d ’un décret conftitutionnel 5 fi ce changement?
préfente de très-grands avantages , .je puis démontrer
que ces avantages font aufli rares que les
inconvéniens font nombreux. Par le décret qu’ otv
vous propofe , on prive une grande partie des ha-
bitans des campagnes , non-feulement du droit-
d’é lire , mais d’éligibilité } car il ell évident que
tous ces droits fe trouveront renfermés dans
les éleêleurs qui choifiront & fe choifiront.
Devons-nous penfér d’ailleurs que l’efprit publie
fera affez peu de progrès pour que les choix ne,
foient pas bons? Je vais plus loin, je fuppofe que.
• le comité ait raifon} les avantages que préfente
fon avis forit-iis affez grands pour que nous permettions
un fi grand écart ? Eft-il des inconvéniens
comparables à celui de changer un decret conftitutionnel
? Le comité n’a fans doute pas une?
mauvaife intention, mais il eft dans une erreur
dangereufe. Il ne voit pas que fi nous confentons
une fois à un changement aufli formel, nous nes
favons pas où nous arrêter. On peut nous faire
changer la conftitution entière.... Je demande
l’ajournement jufqu’ à la fin du travail de la revi-
\ fion. ( On applaudit ).
M. Thouret. Au nom des comités, je ne mets,
aucune oppofition à l’ajournement.
M. Salles. Je mJy oppofe.
La difcuffion eft fermée , & l’ajournement pro-
] nonce.
Mi Thouret fait leélure du premier article de
la troifième feêlion, relative à la nomination
des repréfentans.
Art. I. Les électeurs nommés en chaque département
, fe réuniront pour élire le nombre des
repréfentans, dont la nomination fera- attribuée
, à leur département, & un nombre de fuppléans
égal au tiers de célui des repréfentans.
M. Goupilleau. M. le rapporteur nous a dit que
rien ne nuiroit davantage à la_ chofe publique
que la défiance : pour la détruire, il faut dire
franchement quand on en a. Or , je remarque
que le comité ne met pas dans cette feétion le
décret qui porte que les députés ne feront pris
que parmi les éligibles des départerriens. Je remarque
encore qu’ il limite à deux légiflatures
la reéle&ion. Si vous ne mettez pas dans latmnp
tijution le décret quâ empêche qu’on n e foitéü