
élus, en adoptant le projet de décret J & en y
ajoutant pour amendement ces deux objets. >.
jVf. I archevêque cTAix. On profcrit le nom de
banqueroute ; je croyois que vous aviez profcrit
le papier-monnoie. Queft-ce qu’un papier-monnoie
? Ce font des billets d’état qu’on reçoit ref-
peftivement dans tout paiement. On n’appelle
pas papier - monnoie des billets d’état libres : le
papier-monnoie entraîne donc l’obligation de recevoir
en paiement les billets préfentés. Cela
pofé, je raifonne ainfi. Le papier-monnoie eft l’effet
du difcrêdit, il en eft en même temps la caufe;
il annonce la difficulté des reffources préfentes,
le doute fur les reffources à venir. Si les reffources
ne font pas certaines, il .eft donc fûr que le paiement
du papier-monnoie n’eft pas alluré ; le papier
monnoie eft donc une banqueroute ; le papier
- monnoie eft donc un mal , puifqu’il faut le
faire ceffer pour le bien de l’état. Si l’hypothèque
eft fuffifante , la confiance naîtra , les ajjignats
font inutiles ; fi elle eft infuffifante, la défiance
eft inévitable ; c’eft alors que le papier-monnoie
eft néceflaîrè: mais peut- on affigner une hypothèque
que-Ton fait être infuffifante? On dit que
le public ne peut pas connoître la fuffifance de
l’hypothèque ; mais en général nous avons à défendre
le public de fa crédulité plutôt qu’à redouter
fa défiance........... Il faut attendre la fin du travail
des commiffaires fur la forme des ventes,
avant que de déterminer la valeur dès ajjignats.
On obferve qu’il s’agit moins d’tine création
nouvelle que d’un papier-monnoie qu’il faut remplacer.
On doit 160 millions à la caiffe . d’ef-
çompte, il reftera donc 2.40 millions à'ajjignats:
la caiflë d’efcompte devoit payer à bureau ouvert
au premier juillet, ne-vaudrait-il pas mieux prolonger
fa furféance, que de créer un papier avec
un arrêt de furféance ?
On donne un intérêt aux àjjignats pour retiter
les 160 millions qui font dus à la caille d’efcompte :
cet intérêt eft inutUe. Il ne fera pas dû pour les
2.40 millions reftans. On ne peut pas en effet attacher
d’intérêt au papier. L’intérêt eft l’indemnité
de l’ufage d’un capital : on n’a pas donné
décapitai , on ne peut donc pas réclamer d’intérêt.
Si le papier eft donné en paiement, le capital eft
payé ; il n’y a donc point d’intérêt à le demander.
On follicite de tous côtés un papier-monnoie : il
faut que l’opinion publique foit bien changée. Le
papier-monnoie a tant été redouté, les propriétaires
de terres, les négocians , les manufacturiers
ont befoin d’argent pour leurs différentes opérations
; le papier-monnoie n’érant pas de l’argent,
feroit funefte au commerce & à l’agriculture. Je
demande davantage. Pourquoi créer des billets ?
Je croirai qu’il nous refte d’autres reffources ,• tant
qu’on ne m’aura pas prouvé qu’elles ont été vainement
cherchées.. . . Si le papier-monnoie porte
intérêt-, l’état perdra, loin de gagner, à cette opéra*
tiori ; s’il ne porte pas d’intérêt en circulant j' il né
circulera pas ; chacun le repouffera, & il reviendra
néceffairement à fa fource. Ainfi , d’un côté,
l’état ne gagne pas, il perd de l’autre. On veut
profcrire les anticipations : c’eft un grand; bien,
quand on le peut ; ici le fupplément eft l’établiffement
d’un papier-monnoie..........— Je conclus
que tous nos efforts doivent concourir à rendre
la liberté aux effets publics , & que le comité
doit être chargé de chercher les moyens de faire
des ajjignats libres.
M. Roederer. On peut faire à Ml l’archevêque
d’A ix les mêmes réponfes que celle que M. de
la Rochefoucault a faite à M. Dupont. On a ex-
pofé, avec beaucoup de fagacité , les inconvé-
niens du papier-monnoie. Il ne s’agit pas d’un papier
monnoie ; il s’agit, comme on l’a déjà dit,
de fubftituer au papier-monnoie, déjà employé
& reconnu, pour être défaftreux, un autre papier
avantageux à la circulation du numéraire & au
commerce. Le papier-monnoie eft un ligne auquel
le fouverain attache une valeur ; c’eft un effet
dont le rembourfement n’eft pas fixé..Il s’agit ici
de délégations , d’affignations, avec une véritable
hypothèque : en effet, les porteurs de la délégation
& de l’affignation auront non-feulement une
hypothèque de 400 millions, mais encore une garantie
municipale qui affurera le rembourfement ;
ils auront une époque déterminée d’extin&ion,
fixée à deux années. La contribution patriotique,
dans le cas où le produit des ventes ne fuffiroic
pas pour rembourier, eft deftinéè à ces rembour-
femens.
Le papier qu’on vous propofe, f û t - il un papier
monnoie , devroit être adopté , puifqu’il'remplace
un papier défaftreux. Les billets de la caiffe
n’ont pas de gages phyfiques, n’ont pas d’intérêt,
n’ont point d'époque de paiement déterminé. Le
i er de juillet eft trop rapproché pour qu’on puiffe
efpérer de voir à ce terme effe&uer les paiemens.
Les nouveaux billets auront une époque plus reculée
, mais une époque évidemment certaine.
Ce papier fe , répandra dans tout le. rovaujne.'
D ’ailleurs, & ce qui eft déçifif, c’eft que Popinion
de la capitale & de plufieurs villes de manufactures
eft favorable à cette opération. Une autre
confidération importante, eft que ce plan vous
libère de plufieurs millions d’intérêt : par exemple,
vous ne vous liquiderez pas avec la caiffe' d’ef-
'compte, vous ferez obligés de lui payer 5 pour 100.
J’ajoute encore qu’en répandant pour 400 millions
d’ajjignats, vous mtérefferez un grand nombre de
citoyens à la liquidation de la dette & à l’aliénation
dos biens du clergé.
J ’adopte entièrement la çonclufion de M. de la
Rochefoucault,
M. tabbè Maury. Avant de traiter l’importante
queftion d’un papier-monnoie ,'je demande qu’il
me foit permis d’offrir quelques observations rapides
fur
fur le difpofitif du projet de décret. Quiconque
vous avertira de votre puiffançe pour vous faire
oublier d’être juftes, fera l’ennemi de votre gloire.
Daignez confidérer que les créanciers du.clergé,
qui ne font pas des agioteurs, mais des pères de
famille refpe&ables, ont tous prêté leur argent
en achetant une hypothèque sûre, parla perte d’un
cinquième d’intérêt. Jamais ces effets n’ont circulé
fur la place ; jamais un hafard perfide & mépri-
fable n’a pu compenfer la modicité de leur produit.
Sans doute vous remplirez,des engagçmens que*
vous auriez bien fu nous engager à remplir, fi l’admi-1
niftration de nos biens nous rut reftéq. Ce n’eft pas
notre caufe que nous plaidons, c’eft celle de nos
. créanciers ; ce n’eft pas à notre intérêt que nous
cédons , c’eft à nôtre devoir que nous fommes
fidèles, c’eft la morale politique que nous invoquons.
Il eft impoftible de porter atteinte à l’hypothèque
établie. L ’hypothèque eft une véritable propriété
; des biens ne peuvent changer de mains fi
l’hypothèque n’eft purgée. Sans doute le corps légif-
latif ne fe croira pas. exempt d’une loi qu’il im-
pofe à tous les citoyens. Vous voulez rétablir le
crédit, vous le voulez dans une malheureufe cir-
conftance. Quel crédit auriez-vous fi vous violiez
la loi générale ? I l eft de votre honneur, il eft de
l’intérêt du bien publie, qu’une grande nation foit
jufte. Vous ferez donc juftes ; vous conferverez
donc l’hypothèque , qui doit être à vos yeux une
propriété facrée.
J’examinerai la queftion du papier-monnoie avec
le faint refpeâ qu’infpire une nation entière ; car
c’eft du bonheur ou du malheur du peuple fran-
çois qu’il s’agit. Qu’eft-ce que créer un papier-
monnoie ? Un orateur diftingué par fon éloquence ,
en a donné une définition parfaite : « c’eâ voler le
fabre à la main j>. Ce qu’a dit l’honorable membre
, je vais le prouver. Je voudrais en ce moment
que le royaume entier pût entendre ma
vo ix ; je voudrais appeller en témoignage de la
pureté de mes intentions , le dernier homme du
peuple. Je ne demande pas qu’on y croie, mais
qu’on me juge.
Je vais d’abord faire un important aveu. I l faut
moins examiner la théorie que la pratique; c’eft l’expérience
qn’il faut interroger : je vous avoue que
j’ai été finguliérement tenté de vous lire le plus
beau mémoire qui ait été fait en faveur du papier-
monnoie. Lh bien l. ce chef-d’oeuvre , cet ouvrage
fi fortement .raifonné , eft celui que Law a lu à
M. le Régent. Mon refpe& profond pour cette
affemblée m’a feul empeché d’en faire l’effai fur
vos efprits. Quand vous l’aurez lu , il n’y aura
plus de raifonnement qui puiffe vous féduire ,
puifque tous ceux qu’il renferme, malgré tout ce
qu’ils ont en apparence de jufte & de convaincant,
ont fait le malheur du royaume.
Il n’y a pas de, grandes différences entre les
ajjignats & le papier-monnoie; mais ne penfez pas
que les précautions qu’on vous propofe doivent raf- .
Affemblée Nationale, Tome II, Débats,
furer votre patriotifme. Je ne trouve pas dans les
ajjïgnats les mêmes principes de mort ; mais j’en
trouve d’autres ni moins prompts ni moins infaillibles.
Je commence d’abord par écarter une ob-
fer.vation : on a dit qu’il ne s’agiffoit pas d’une première
émiffion de billets , mais feulement d’un
remplacement d’effets défaftreux. Je vous prierai
de confidérer, je ne dis pas toutes les fautes, je
ne veux accufer perfonne, mais tous les malheurs
dont cette phrafe retrace l’idée. Les ajjignats ont
été préfentés deux fois, deux fois ils ont été rejettes
5 ils reparoiffent aujourd’hui avec auffi peu
d’avantage. Je vais lire des obfervations que j’ai
écrites pour Amplifier. mes idées , enfuite je mettrai
pour ainfi dire le papier-monnoie hors de cette
affemblée ; je le ferai circuler dans la fociété ; nous
le fuivrons dans fa marche.
Qn a beaucoup parlé de l’établiffement du papier
monnoie ; mais jamais on ne l’a envifagé fous
les grands rapports de l’adminiftration. Un billet
de caiffe ne peut entrer en circulation que comme
ligne repréfentatif d’un dépôt ou d’une dette ;
c’eft pour cela qu’il eft rembourfable à volonté.
Le papier-monnoie, au contraire, entre en circulation
comme paiement d’une dette contractée. O n
prétend que le papier - monnoie n’ayant aucune
valeur intrinfèque, doit être payé à préfentatiom
& établi avec gages. La monnoie n’eft pas représentative
des valeurs, mais figne repréfentatif des
valeurs.. . . Le papier-monnoie à intérêt eft l’idée
la plus contradictoire qui foit entrée dans la tête
d’un calculateur. Le papier-monnoie circule efîèn-
tiellement; s’il portoit intérêt, il relierait en fta-
gnatiqn. Le papier-monnoie-n’eft point un emprunt;
s’il en étoit un , ce feroit le plus défaftreux çie
,tc,us ; ce feroit l’opération la plus fifcale que l’on
ait jamais propofée. Il eft indifpenfable de chercher
à ramener tous les effets publics à une valeur
égale. Si le papier-monnoie porte intérêt, il
éprouvera une perte , précifément parce qu’il portera
intérêt. Si cette valeur change , la monnoie
n’exifte plus ; car fon attribut eft d’avoir une valeur
confiante : ainfi, il eft contre l’effence du papier
monnoie de porter intérêt.
Le papier-monnoie eft utile, fi c’eft un fupplè-
ment pour nos befoins exiftans ; mais auffi il doit
ceffer à l’inftant où le numéraire eft revenu. Si Te
papier ne difparoît pas , le numéraire difpaioûrn
de nouveau. Le papier-monnoie, dit Hume , peut
enrichir un état riche ; mais il ruinera un état
pauvre. La richeffe d’un état ne peut être que
momentanée. Quand la confiance n’exifte pas, le
papier-monnoie, qui paraît être le remède à tous
les maux , en eft lè comble. Il ne peut être un
moyen de circulation ou d’échange, mais il peut
payer les .intérêts & fervir de moyen pour le remplacement
& le déplacement des capitaux. Voilà
les principes généraux fur cette matière.
Suivons maintenant ce papier. Allons dans la
fociété où nous l’avons répandu. Qui nous le de-
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