
petit efpace ; on le conferve mieux & plus long*
temps, & l’on économife confidérablement fur
le déchet.
Il eft donc à propos d’expofer d’une manière
particulière la conftru&ion de vafes d’une fi
grande capacité, & fi utiles pour le commerce,
la confervation & l’amélioration des vins.
En fuppofant qu’on s’eft formé une idée g é nérale
de la conftruâion des tonneaux ordinaires ,
par la leCiure du mémoire précédent, je fuis dif-
penfé d’entrer dans le menu détail de l’ art du
tonnelier , & je dois me borner à des obferva-
tions plus particulières fur la conftruCtion des futailles
les plus grandes.
On fait les légrefafs ronds ou ovales , mais
plus ordinairement ronds , comme plus faciles à
conftruire, moins fujets à couler, & plus durables.
Les fonds étant plus hauts que larges , fe
coffinent aifément; & chaque douve exigeant un
chanfrein différent, pour former par leur réunion
la figure elliptique, il eft très-difficile de rendre
les joints parfaits. Auffi l’on ne fait des légrefafs
ovales que lorfqu’on y eft obligé par la place
qu’ils doivent occuper,
On comprend aifément que la force & l’épaif-
feur des douves doivent varier fuivant la grandeur
du vafe pour lequel elles font deftinees.
On leur donne jufqu’à un pouce & demi, & même
deux pouces aux extrémités. Le merrain doit d’ailleurs
être de fente, & non defeiage, non caf-
fant ni gras, fans aubour, parfaitement fain &
fec. Le tonnelier, en le dégroffiffant, a foin de
biffer plus d’épaifleur de bois aux extrémités ,
& de le tailler de 'manière qu’il renfle au milieu ,
du côté qui doit fervir de parement.
Après cette première préparation , on met la
dernière main aux douves , & on les dreffe. Pour
cela, i9. le tonnelier les unit & polit avec le
rabot, la varlope & la colombe, fur toutes les
faces, a*1. Il les réduit à la même largeur aux
deux extrémités. 30. Il en marque le milieu, &
il y donne plus de largeur , afin de former le
ventre ou le bouge qui eft la, partie renflée de
la futaille. 40. I l les chanfreine dans toute leur
épaiffeur, en diminuant du bois du côté de la
furface intérieure ; en forte que chaque douve
forme une efpèce de coin , afin que par leur réunion
circulaire, elles fe joignent dans toute leur
épaifleur , en dedans & en dehors , fans laiffer ni
fente ni ouverture. De l’exactitude de ces diverfes
opérations, dépend principalement la perfe&ion
du tonneau.
Les pièces des fonds doivent être bien goujonnées
, o u , comme nous difons , ilivrées ; & le
long de chaque joint on couche un rofeau ou
jonc fendu , que nous appelons de la leche, pour
empêcher le coulage.
I l n’importe pas que les pièces des fonds foient
d’une largeur confidèrablè ; il suffit que la mai-
trefte-piece, qui doit occuper le milieu du fond
de devant, foit affez large pour y entailler une
ouverture, par laquelle le tonnelier puiffe feglif.
fer dans la tiraille.'
Pour bâtir ou monter un légrefafs, on a un
cercle de bouleau très-fort & très-fortement lié
Ôt renforcé par des traverfès diamétrales, fondement
fixées ; c’eft là le moule qui détermine
la grofleur du ventre de la futaille, & par-là même
le vide, fi elle eft bien proportionnée. Le tonnelier
place ce cercle horifont ale ment, à la hauteur
-du milieu du bouge , ou du ventre de la pièce
qu’il fe propofe de conftruire ; & c’eft autour de
ce cercle, qu’il doit ranger les douves.
Il prend enfuite un cercle bien lié, fuivant
l’art,dont la circonférence doit être un peu plus
grande que celle du premier, il le pofe immédiatement
au deffous à plat fur la terre.
Alors deux ouvriers prennent d’une main un
cercle lié auffi à l’ordinaire & de même grandeur
, & de l’autre main chacun une douve : l’un,
celle où doit être percée l’ouverture du bondon,
ôc l’autre, la douve oppofèe*
Elevant ce cercle horifontalement, ils font paf-
fer ces deux douves au dedans, & en même temps
dans celui qui eft placé au bas : & comme elles
appuient parle milieu fur celui qui fert de moule,
elles contre-bandent le cercle .fupérieur & lefou-
tiennent. Us continuent de pofer de même en croix
Sl en même temps les douves oppofées, jufqu’à
ee que le cercle foit rempli , & en failant entrer
avec quelque effort la dernière.
Dès que les douves font arrangées, ils font entrer
le cercle fupérieur jufqu’à ce qu’ il foit.parvenu
au bouge. Cette place qu’ il doit occuper
jufqu’à ce qu’on lui en fubftitue un de fe r , détermine
la circonférence qu’il doit avoir. Ils en
mettent un fécond qu’ils pouffent au milieu de
l’intervalle, & enfin un troifième qui eft celui
du jable.
Ces trois cercles , ou un quatrième & plus,
fi la piècé étoit fort haute , doivent être chaffés
fins ménagement & avec la même force que s’ils
étoient placés à demeure.
Us retournent enfuite la pièce & font la même
manoeuvre à l’autre extrémité : pour faire prendre
au
SU bois la forme convenable , & pour le faire plier
plus aifément, Us allument du feu dans le le-
erefafs & jettent de temps en temps de 1 eau
fur la fuperfide intérieure des douves. Les douves
ainfi humc&ées, échauffées & fumées, obetllent
mieua & prennent la courbe qu’on veut donner
au tonneau.
Dans cet état, la pièce peut être maniée à
volonté; & fi quelques douves s’élèvent trop ,
ou les fait rentrer à coups de chaffoir ou de
maillet, On n’emploie pas le marteau de fe r , de
peur d’endommager le bois. Si elles refufent de
fe ranger, on emploie le rabot, afin que la face
extérieure foit bien unie, ce qui fèrt non-feu.e-
ment pour l’oeil, mais encore pour faciliter le paf-
fage des cetcles de fe r , dont on fe propofe de
le garnir. |
Le tonnelier couche donc fur le côté la futaille
, & la place fur un traîneau creufé circu-
lairement dans le milieu , pour l’empêcher de
s’écarter. Dans cette échancrure il y a quatre roulettes
qui fervent à faciliter le maoîment de la
pièce, qui doit être tournée 8c retournée pour
les manoeuvres fubféquentes.
Comme il y a toujours quelques douves qui
ne font pas exaélement à leur place, & dont les
traits, qui marquent le milieu du bouge, ne fe
rencontrent pas, on les oblige à s’y ranger a grands
coups de marteau de fer.
Si le tonnelier aperçoit quelque irrégularité
un peu confidèrablè dans l’intérieur du vafe , il
la répare, foit avec l’aliau ou hachette , foit avec
la rabot, ou même quelquefois avec le chafloir
ou le maillet, fi elle paroît trop enfoncée extérieurement.
Il rogne enfuite les douves aux deux extrémités
, il pare le jable , il fait les rainures qui doivent
recevoir les fonds , il les pofe.
Il ne rèfle plus qu’à mettre les cercles de fer ,
dont le nombre & la force doivent varier lui-
vant la grofleur de la futaille. Mais il en faur
toujours deux placés fort près aux deux extrémités,
l’un fur la rainure, & l’autre fur le jable.
L’ouverture de la porte du légrefafs eft for
mée eij bifeau ou chanfrein , & la diminution
eft en dedans. L» porte eft fciée jufte , & chan-
freinée en fens contraire , de manière qu’étant
plac-e d>.ns l’ouverture, elle fait exactement face
avec le fond. Pour la tenir dans cet état, & empêcher
qu’elle ne tombe en-dedans , on y a fai.
un anneau ou boucle de fer quarrée, folidemen
attachée avec fix clous rivés, dans laquelle on fait
Arts & métiers. Tome P^lil.
entrér une barre de bois de chêne , formée en
coin.
On prévient le coulage en y mettant tout autour
du fuif broyé entre les doigts , & amolli
avec de la falive ; & fur la tête des clous rivés ,
qui tiennent l’anneau, on en met une forte couche
; fans cette précaution ils feroient bientôt
confumés.
Si elle étoit trop petite & qu’elle ne joignît
pas exaâement, on étendroit , foit entre les
joints, foit dans la rainure , une bande de lèche
fendue ; & fi elle manquoit de bois par quelque
accident, on y mçtrroit quelques plis de cette
même plante.
Avant que de mettre du vin dans le légrefafs
& de le placer dans la cave , on le remplit d’eau
pendant quelques jours ; & après qu’il eft placé
dans l’endroit où il do’it refter, le tonnelier entre
dedans & le lave exactement avec une éponge
trempée dans de Pefprit de-vin : il y brûle en-
fuite quelques feuilles de papier foufré , que nous
nommons du brand.
Comme les portes des caves ne font pas pour
l’ordinaire aflez larges pour y introduire des légrefafs
fans les démonter, ou qu’ils font trop
gros & trop lourds pour être tranfportés entiers,
on eft obligé de les défaire.
Quelquefois on fe contente, lorfque la cave
n’eft pas trop éloignée, de le partager en deux,
& l’on tient chaque moitié en règle par le moyen
de deux demi-cercles qu’on lie par les deux bouts
avec une forte ficelle, après en avoir féparè les
fonds.
Si l’on le démonte entièrement, on commence
par marquer en haut &. en bas le milieu précis
des deux-fonds, & le point des fonds où il répond
fur le jable, & l’on numérote toutes les douves par
devant & par derrière fur le jable , afin de les remettre
tous à la même place ; & dans le tranfport on
prend toutes les précautions poffibles pour ne pas
blefler les angles. Pour les replacer, on les range
fuivant les numéros en dedans des cercles du
bouge.
Lorfqu’on laiffe long-temps un légrefafs v ’de,
on y brûle de temp(s en temps du papier fau-
fré. De cette manière on le préferve de la moi-
fifliire & de tous les infcCte*.. M- is ava it que
d’y remettre du vin , il faut laiffer la porte ouverte
pendant un couple de jours, & le laver
avec de l’eau bouillante, afin d'en ôter le g-ût
l’odeur de vieux foufre, qui Lroient du tort
u vin.
Y