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le tuyau de bois , tandis que les huiles fines &
les efprits volatils peuvent feuls s’élever jufqu’aux
retortes , où ils se fixent.1
Par ce procédé, on prévient non-feulement la
perte des vapeurs qui fervent de véhicule aux fines
huiles & aux efprits , mais on parvient aufli ,
par la même opération à divifer les efprits des
parties aqueufes , &. les fines huiles des grof-
fières.
Les huiles groflières & les parties aqueufes
coulent, à la vérité , mêlées enfemble dans le
tonneau qui eft placé defious le tuyau de bois ;
mais il eft très-facile de les féparer , vu que l’huile
eft plus pefante que l’eau , & fe précipite par
conféquent au fond du tonneau.
On en décante l’eau, en inclinant doucement
le tonneau , 6 c l’on tranfvafe l’huile dans un
tonneau particulier , en n’oubliant jamais de numéroter
les tonneaux qui contiennent l’eau ; à
caufe que cette eau ftyptique acquiert d’heure
en heure plus de force , &v devient propre à
différentes opérations.
Maintenant nous avons encore les efprits volatils
mêlés aux huiles fines dans les retortes ; il
s’agit de les féparer, ce qui fe.fait ainfi. Toutes
les douze heures on vide les retortes dans dés
▼afes de verre à goulot long & large.
L ’huile effentielle , plus légère que les efprits
volatils chargés de parties aqueufes , s’élèvodans
ces vafes ; de forte que par le moyen d’une cuillère
recourbée , & enfuite d’un tampon de coton ,
on peut enlever très-facilement cette huile , Sc
féparer ainfi les deux produits fans beaucoup de
peine.
Dès l’inftant enfin que les tuyaux ceffent de
couler , ou qu’ils ont refté à fcc pendant quelques
heures,& que l ’on s’eft convaincu , en les fondant
avec un fil de fer , qu’il n’y a aucune caufe
étrangère qui empêche les fluides d’y paffer ,
on commence à laiffer éteindre le feu , on bouche
les tuyaux pour empêcher que l’air n’y entre , &
l’on attend que le four foit refroidi.
L ’infpeâeur ou le chimifte doit toujours fe,
trouver à la main, tant la nuit que le jour , pour
prendre garde qu’aucun vaiffeau ne perde par le
trop plein , la matière qu’il reçoit , &^que rien
ne crève ou ne foit dérangé. Il faut qu’il veille
bien aufli qu’on n’approche pas avec la lumière
trop près des vapeurs inflammables. Il doit de
même avoir foin de laiffer aux flacons de verre
deftinés à recevoir les fines huiles , un efpace
vide de trois à quatre doigts ; fans quoi il eft à
craindre que ces flacons ne fautent ; enfin ; il aura
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l’attention de laiffer, entrer un peu d’air dans les
retortes , s’il ne veut pas s’exposer à des malheurs.
Je ne parlerai point ici des autres choses à
obferver dans cette manutention ; d’autant plus que
la perfonne qu’on charge d’y prèfider, doit nécef-
fairement avoir quelque idée de la manière dont
on opère en chimie.
I l réfulte aufli des produits fecondaires de cette
manière dépurer le charbon de terre &. la tourbe,
que je ne dois pas paffer entièrement fous filence.
Par exemple , les meilleures efpèces de charbon
de terre renferment une affez grande quantité de
zinc, qui contient beaucoup de phlogiftique.
Ce demi-métal volatil ne fouffre pas volontiers
la chaleur; fi par conféquent on ne l’enlève pas
pendant ‘L’épurement des combufiibles , il fe
confume & ne produit aucun avantage ; tandis
qu’il ne faut aucun art, .ni aucune peine pour
faire frapper le zinc, qui fuit la chaleur , contre
les parois intérieures des murs de devant des fours,
qu’il eft facile de refroidir.
Dans cet état on tire, de tems en tems, du
four cette cadmie pour la purifier enfuite félon la
manière ordinaire. Un autre produit fecondaire,
confifte en de la fuie ou du noir de cheminée ,
qu’on fait, comme cela eft connu dans plufieurs
endroits , mais particuliérement en Thuringe , de
bois tendre , & qu’on tranfporte dans de petits
barils par toute l’Allemagne, 6 c même jufqu’en
Hollande.
La fuie que forme le charbon de terre eft beaucoup
plus douce, beaucoup plus noire, & beaucoup
plus graffe, que la fuie qu’on obtient du
bois ; l’on peut même s’en fervir pour faire des
deflins au lavis , au lieu d’encre de la Chine. U
ne faut donc pas chaffer inutilement dans l’air la
fumée des âtrés ou ouvertures de chauffage.
Tout le fecret confifte à tendre , à une diflance
requife des trous par où paffe la fumée , de la
groffe toile claire , par où l’on forcera la fumée \
paffer, pour y dépofer la fuie qu’elle contient. On
bat, de douze heures en douze heures, ces toiles,
& l’on raffemble la fuie qui en tombe pour la
mettre dans des vaiffeaux convenables. Si l’on veut
que la fuie foit affez fine pour fervir dans la peinture,
il faut tendre deux & même jufqu’à trois
toiles l’une au-deffus de l’autre ; & c’eft dans la
dernière que fe raffemblera la plus fine fuie, ainfi
qu’on fe l’imagine aifément.
Le troifième produit fecondaire, c’eft la cendre.
Les huit âtres dans lefquels on fait, pendant quinze
jours ou plus , un feu continuel , donnent une
bonne partie de cendres, où fe trouve en outre
beaucoup d’efcabrilles ; c’eft-à-dire des morceaux
de charbon de terre confumés en partie, & convertis
en une efpèce de braife fufceptible d’un
nouvel embrafement. Ces efcabrilles font tombées
au travers des grilles.
On doit pafler cette cendre par un fas de fil
de fer ou de bois, pareil à ceux dont les jardiniers
fe fervent pour nétoyer la terre des corps
étrangers.
Les efcabrilles font excellentes pour les fourneaux
de cuifine & pour les poêles des appartenons
; 8c l’on peut employer les cendres à l’engrais
des jardins, des terres labourables & des
prairies ; ou bien l’on peut en tirer , par lotion ,
un fel acide.
Maintenant nous allons voir fi nos fours font
refroidis , & permettent d’en tirer le combuftible
épuré. Du moment qu’ils fe trouvent dans cet
état, on détruit là maçonnerie qui bouchoit les
portes du mur de devant, & l’on vide les fours.
Si le charbon de terre qu’on vient d’épurer eft
fort gras, on le trouver i amalgamé enfemble ; de
foite qu’il faudra employer le maillet & le fer
pour le tirer du four. Les charbons de terre d’une
qualité moins graffe reftent dans l’état où on les
a mis au four ; 6 c la tourbe perd , au contraire ,
beaucoup de fon volume, en reftant dans l ’état
d’ignition.
Voilà donc maintenant les charbons de terre
devenus un article de commerce, &. qui peut, en
fortant des fours, être tranfportè fur le champ à
l’endroit de fa deftination, ou confervé dans des
magafins, eu , en un mot, être traité de la même
manière que le charbon de bois.
Aufli-tôt que les fours font vides, & qu’ii n’y
a aucune réparation à faire, on' les chargera de
nouveau ; & l’on pourra coutinuer ainfi pendant
toute l’année, à mettre le feu aux fours, & à les
laiffer refroidir, fans être gêné en rien dans ces
opérations par le mauvais temps.
Ceux qui auront le moyen de faire la chofe en
§rand, devront avoir quatre fours, conftruits deux
a deux de la manière qu’il a été dit plus haut, &
continuer ainfi fans interruption les travaux; car
comme ces fours ont befoin de quinze jours au
moins pour fe refroidir, on pourra, pendant cet
intervalle, charger & laiffer en combultion d’autres
fours ; de forte qu’il y en aura toujours deux dans
un état d’ignition , & deux autres qui refroidiront.
11 J. Manière d'employer avec utilité 6* avantage 1rs
différent produits qu'on obtient du charbon de terre
5* dç.la tourbe.
vQ * uiaiiiiwiiaiiL I wiujju Uw l liai
bon de terre épuré, d’eau ftyptique de différen
À rts 6* M é tie r s . T ome V i l l .
degrés de force, d’efprits acides, & de différentes
huiles ; il eft donc temps que nous a pprenions à
connoître la propriété dé chacune de ces marié -es,
-& la manière de l’emp’oyer avec avantage. Afin
d’éviter toute confufion à cet égard, je parlerai
de chaque chofe en particulier.
Il eft évident que plus le charbon de terre eft
bon & pur dans fon état nature!, plus aufli la
qualité de ce combuftible épuré eft. meilleure. Cependant
on peut regarder comme une règle générale,
que le charbon de terre épuré eft d’un fort
bon usage pour tous les travaux à feu pour lefquels
on eft accoutumé de fe fervir de charbon
de bois; & que par conféquent on peut compter
que pour les- fontes & les autres ouvrages im-
portans & de longue durée, un boiffeau de charbon
de terre épuré rend le même fervice que quatre
boiffeaux du meilleur charbon de bois ; & que dans
les petites forges du fontes, un boiffeau de charbon
de terre équivaut à trois boiffeaux de charbon
de bois, fans qu’on ait à craindre de fe tromper
dans ce calcul, & fans aucune exception quelconque';
de forte qu’en prenant un terme moyen,
on peut compter qu’un boiffeau de charbon de
terre épuré rend le même fervice que trois boif-
feaux & demi de charbon de bois-
Ceux qui feront la comparaifon de notre charbon
de terre épuré avec le charbon de terre brut
pour i’ufage des cuifines, des cheminées & des
poêles des appartenons., feront bientôt convaincus
que le premier donne une chaleur plus forte,
p us ég/ile & plus durable que le charbon de tèrre
brut, 6 c cela fans fumée <k fans aucune mauvaife
odeur.
Mais ceux qui voudroient employer le charbon
de terre épuré pour des objets qui demandent
une prompte chaleur & un feu vif & flambant,
comme, par exemple, le four d’un boulanger,
fe trouveroient trompés dans leur attente, à caufe
que le charbon de terre & la tourbe épurés, ne
’donnent, ainfi que le charbon de bois, point un
feu flambant, mais feulement un feu fixe, c’eft-
à - dire, dans un état d’erabrafement ou d’ignition
ardente.
Le fécond produit de nos fours confident en
une grande quantité d’une certaine eau, qui,
quelque peu de valeur qu’elle paroiffe avoir d’abord
, eft néanmoins le produit le plus précieux
qu’on obtient du charbon de terre; puifqu’avec
cette eau on parvient à préparer en fix ou huit
femaines les plus fortes peaux vertes de boeuf, 6 c
à les changer en d’exceiiens cuirs, fans fe fervir
pour cela de tan, & même fans avoir befoin
d’aucune autre menftrue que l’eau en queftion.
On fait que les peaux des animaux ont le poil
du côté extérieur, & que le côté Intérieur eft:
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