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A l’écorce dont on peut faire ufage en quelques
endroits , dans les circonftances préfentes, on
pourra fubfiituer abondamment les feuilles fèches,
la poudre de ces feuilles ou celle que l’on peut tirer
de la fécondé écorce des branches.
-Et qu’on ne doute nullement que les vers à foie
puiflent refufer cette nourriture, parce que différentes
expériences nous ont convaincu qu’ils fe
-nourriflent avec avidité de ces fubftances , &
même j’ai le témoignage d’obfervateurs attentifs,
que s’étant trouvé par hafard quelques feuilles
fèches mêlées avec les nouvelles à l’époque de la
quatrième mue, ils ont préféré les fèches aux autres.
A l’expérience fe joint, fi je ne me trompe , la
raifon , l’analogie ; en effet, la fubftance que je
propofe pour nourriture des vers à foie, eft la
même que la nature leur a deflinée ; car il exifte
dans la fécondé écorce, ces mêmes principes nourriciers
qui, à la faveur de la végétation, fe dîf-
tribuent enfuite dans les feuilles ; & quant aux
feuilles fèches ou à la poudre, comme auifi celle
qui eft préparée avec la fécondé écorce des branches,
la différence confifte feulement à la donner
dans un état de féchereffe & une forme différente.
Ces précautions n’ôtent effentiellement que le
principe à ceux d’où ne dépend pas, comme on
le fait, leur véritable nourriture, mais de la fubftance
des feuilles, & l’écorce des mûriers, dans
laquelle réfide la partie nutritive & propre à la
formation du cocon : l’analogie enfuite nous per-
fuade que des feuilles fèches, ou de leur poudre,
les vers à foie peuvent très-bien fe nourrir ; car
les autres infeâes de la même claffe fe nourriflent
de fubftances defféchées, tirées des plantes que
la nature a deftinées à leur fèryir de nourriture.
Les oifeaux & les quadrupèdes ne fe nourriffent-
ils pas la plupart, d’herbes ou de plantes defte-
chées.
Puifque cela eft ainfi , chacun, à l’exemple de
la prévoyante fourmi , ne pourra-t-il pas fe pourvoir
de la quantité néceffaire de feuilles dans l’année
précédente , pour en faire un fi utile ufage ?
Et dans les circonftances préfentes, à leur défaut,
ne pourroit-on pas aufH fe prémunir d’une égale
quantité d’écorce nouvelle , dont on croira avoir
befoin ?
Néanmoins afin que chacun puiffe, fans nuire
aux arbres., & pour l’avantage des vers à foie, fe
procurer faliment que je propofe, je crois qu’il
eft urile d’expofer brièvement les foins & les
précautions à prendre, non-feulement pour la
récolte des feuilles, en indiquant en même-temps
le moyen de les conferver, de les réduire en
poudre, de les préparer pour les donner aux vers
à foie, & de parler aufli des avantages à retirer
de cette méthode.
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Pour donner, comme il convient, aux vers à
foie i’écorce nouvelle, il faudra couper de jour
en jou r ja quantité de branches que l’on croira
néceffaires. On dépouillera ces branches de la
pellicule, confidérée comme la première écorce
puis on la féparera de la fécondé ; ce qui fe fait
avec d’autant plus de facilité, qu’elle eft imprégnée
d’un fuc abondant & peu adhérent à la partie
ligneufe.; enfuite on la réduira en petits morceaux,
& l'on s’en fervira.
11 eft bon d’obferver cependant que l’emploi
abondant de l’écorce dont on fera ufage en certains
cas, nuiroit au propriétaire des -mûriers, en
ce qu’il recueilleroit moins de feuilles , & que
fes arbres feroient peut-être fujets à quelque maladie;
je penfe donc^qu’il feroit utile de deftiner
un certain nombre de mûriers à émonder chaque
année , comme cela fe pratique pour les fautes
dont on veut faire des ofiers.
Les feuilles de mûrier deftinées à l’ufage pro-
pofè , peuvent être recueillies quinze jours après
qu’ils s’en font revêtus de nouvelles pour la fécondé
fois ; & dans les années où l’on ne con-
fomme pas les premières, à caufe du mauvais
fuccès des vers à foie ; celles-ci pourront fervir
de préférence à l’ufage indiqué, parce qu’on dé-
pouilleroit par ce moyen les mûriers; ce qui leur
eft avantageux , félon l’opinion commune.
Dans la récolte de la fécondé feuille, il faut
avertir que les arbres pourroient bien fouffrir fi
on les dèfeuilloit tout d’un coup ; ainfi on prendra
donc feulement les feuilles .de quelques branches
de chaque arbre, celles fur-tout de ceux qui n’auront
point éré taillés ni entés , autant que cela
fera poffible, parce que, comme on l’a obfervé
communément , la feuille des mûriers fauvagès
eft infiniment plus convenable pour la nourriture
des vers à foie.
Les feuilles que l ’on recueille de cette manière,
Semblent plus propres â les nourrir pendant le
cours de huit ou dix jours , • après leur, développement,
étant d’une nature moins compa&e, &
parconféquènt plus propre à la foibleffe d’animaux
fi délicats; mais fi l’on préférait, pour les nourrir
entièrement, la poudre préparée des feuilles, il
feroit inutile de dépouiller tout-à-fait les mûriers ,
peu avant les gelées7de l’automne, faifon où les
arbres n’ont rien à craindre , puifque la nature
elle-même les dépouille de leurs feuilles.
On recueillera les feuilles dans de beaux jours,
dans le temps le plus chaud , puis on les expofera
à l’air fur des planches ou des linges, qui n’aient
contraélé aucune mauvaife odeur ni humidité, afin
qu’elles puiflent fécher comme il faut, & je voudrais
pour cela qu’on les fît fécher au foleil, fur-
tout fi-.!a récolte fe fait en automne, parce qu’el-
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les fe fécheroient ainfi,plus promptement, fans la ■
moindre attention , car il ne faut pas douter qu’elles
ne perdent de leur bonté intrinfèque, au-lieu [
qu’en féchant promptement, il ne s’en évapore 1
que les parties aqueufes, & leur fubftance demeure
toute entière.
Les feuilles ainfi féchées, il faut les conferver
dans des endroits fecs, en des fa es de toile ou
de papier, qui n’auront point de mauvaife odeur.
Les mêmes précautions auront également lieu pour
conferver la poudre, qu’on mettra, pour plus grande
5ùreté, dans des vafes de verre.
Pour que chacun puiffe avec plus de facilité fe
procurer la quantité de poudre qu’il croira nécef-
laire , il broyera avec la main les feuilles fèches,
dans le temps de leur plus grande féchereffe, pour
en féparer les nerfs, les durs tiffus ; enfuite il les
paffera dans un tamis femblable à celui dont fe
fervent nos campagnards pour cribler la farine.
La poudre ainfi préparée, femble préférable
pour la nourriture des vers à foie nouvellement
nés, en ce qu’elle eft une fubftance déjà préparée
pour les nourrir.
Et pour que les feuilles fèches ou leur poudre,
comme celle que l’on aura tirée de la fécondé
écorce des mûriers, puiflent être une nourriture
avantageufe aux vers à foie, il eft bon de leur
rendre, quelque léger degré d’humidité; pour cela
, on en expofera la nuit précédente pour quelques
heures à l’atmofphère, la quantité que l’on
jugera fufhfante dans le cours de la journée , avant
de s’en fervir ; par ce moyen, les feuilles reprennent
leur vigueur, & la poudre s’imprègne d’une
quantité convenable d’humidité, qu’elle abforbe
facilement. Pour obvier à ce qu’une pluie inattendue
n’humefte trop la poudre , ou qu’un vent impétueux
ne la faffe voler & ne la diflipe, ne pourroit
on pas. l’humeéler un peu avec de l’eau ,
comme on fait ordinairement pour le tabac ?
On donnera aux vers à foie les feuilles, ou entières
ou rompues, comme on leur donne les feuilles
nouvelles. On diftribuera la poudre en une
furfaee affez confidérable, non pas trop épaiffe,
afin qu’elle environne le petit tas de vers à foie
tout nouvellement nés, lefquels par un inftinft
naturel vont aufîi-tôt fur la poudre éparfe, pour
s’en nourrir.
On ne peut précifément déterminer la quantité
de poudre néceffaire pour chaque once de femen-
c e , parce qu’on n’a point encore fait les obfer-
vations néceffaires ; mais l’on pourra aifémentre-
connoître la néceffité de leur en fournir une quantité
nouvelle, quand on s’apercevra que la première
a été confommée»
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On pourra, par ce moyen, nourrir les vers à
foie à très-peu de frais, dans les temps de difette
de nouvelles feuilles de mûriers, jufqu’à ce que
la faifon les ait développées.
On pourrait bien, par ce moyen, prévenir la
naiffance des vers à foie fur l’efpérance fondée
d’obtenir une récolte de cocons , dix ou quinze
jours plus tôt que de coutume, puifque, d’après
une obfervarion confiante dans le Piémont, on
fait généralement que les premiers vers à foie réuf-
fiffent mieux que les derniers , pourvu qu’on emploie
les précautions néceffaires pour les garantir
des rigueurs du froid , fur-tout dans le cours des
deux premières mues, & qu’on prenne aufli les
foins indiqués par les écrivains célèbres pour les
élever comme il convient.
L’on fera conféquemment, par le moyen pro-
pofé, une moindre confommation de feuilles, lesquelles
étant plus grandes , pourront fervir à nourrir
une plus grande quantité de vers à foie.
C ’eft un fait très-certain, qu’élevés & nourris
félon la méthode ordinaire , fur-:out dans des
temps de longues pluies, dont la feuille eft trop
imprégnés, les vers à foie deviennent fujets à
des maladies occafionnées par un excès d’humidité
; l’ufage des feuilles fèches ou de leur poudre
ne pourra-t-elle pas obvier à ces inconvéniens ?
Et par ce moyen ne pourra-t-on pas encore leur
éviter jufqu’aux autres maladies auxquelles ils font
fujets, au grand détriment de la patrie, à caufe
des vapeurs méphitiques qui s’exhalent de la fermentation
des feuilles nouvelles > jointes à leur excrément,
particulièrement dans les grandes chaleurs
? La raifon & l’analogie donnent lieu à ,;ces
efpérances.
Ne pourroit-on pas encore peut-être, par ce
même moyen, nourrir les vers à foie tout le cours
de leur vie, jufqu’à l’entière formation du cocon,
en multipliant le produit de ces petits animaux
fi précieux pour l’avantage public? Je fuis porté
à croire que l’événement juftifiera l’attente, & j’ai
pour moi la raifon & fur-tout l’expérience.
^Cela pofe, dans le^eas ou la grêle ravage les
mûriers, ou d’autres maladies de ces arbres, où
le public eft forcé de fe pourvoir à haut prix de
feuilles chez fes voifins , ou bien d’abandonner
entièrement les vers a foie' déjà élevés à moitié ,
j quelquefois même plus , ne pourroit-on employer
les feuilles fèches ou leur poudre, pour réparer
tous ces défaftres ? Ne feroit-ce pas faire un heureux
e ffa v en cas de grêfé', de défeuiller aufli-
tôt les mûriers frappés de ce fléau, & de faire
fécher les malheureux reftes de la feuille, & en
nourrir les vers à foie ?
La poudre de l’écorce des branches de mûriers