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T R I P O L I .
( Art, nature et emploi du )
L * tripoli eft une terre endurcie, légère, d'une
couleur qui le plus Couvent tire un peu fur le
rouge, & qui tire fon nom de la ville de Tripoli
en Barbarie, d’où on la tiroit autrefois.
La grande légéreté de cette terre a fait croire
que c’étoit une pierre calcinée par.des feux fou-
terrains.
M. Garidel, dans un mémoire imprimé dans
le troifièmé tome des Mémoires , préfenté à l’Académie
des Sciences, dit qu’il croit que le tripoli
eft du bois foftile qui a fouffert dans l’intérieur
de la terre une altération propre à le rendre tel.
Il eft confirmé dans cette opinion par l’infpeétion
des lieux où on le tire à Polinier en Bretagne,
près de Pompéan , à quatre lieues de Rennes.
Les trous d’où on le tire, n’ont que trente pieds
de profondeur. Ces puits préfentent de tous côtés
de grands troncs d’arbres , dont l’organifation v é gétale
eft encore confervée, de manière qu’on
n’a aucune peine à la reconnoître.
M. Garidel a aufli envoyé à M. Bernard de
Juflieu, des échantillons de ce bois folfile, en
divers états : on remarque, dans ces morceaux,
la gradation des changemens que ce bois fouffre
dans l’altération qui le convertit en tripoli. Dans
les uns on voit clairement l’écorce du bois. Ces
morceaux brûlés donnent des cendres femblables
à un produit végétal. Dans les anciens puits, on
trouve ce bois dans un état .de vraie pétrification.
Quoi qu’il en foit, M. Guettard ne penfe point
que l’on puiffe dire que le tripoli foit toujours
line matière produite par des arbres devenus fof-
files. Il apporte* pour preuve, dans un mémoire
imprimé parmi ceux de l’Académie, pour l’année
1755 , l’examen qu’on a fait d’une carrière de
tripoli, environ à fept lieues de la ville de Menât
en Auvergne.
Cet examen ne préfente pas la moindre idée de
bois foffile. Ces carrières occupent les deux bords
d’un ruiffeau. On y trouve trois efpèces de tripoli ;
favoir , du rongé, du noir & du gris. Ils font
difpofés par bans inclinés de l’orient à l’occident:
le tout eft furmonté d’environ douze pieds de
terre.
La pierre du tripoli reffemble aux crans , par
les molécules dures , fines & ailées à féparer, dont
elle eft compofée ; mais elle en diffère en ce qu’elle
n’eft point diffoluble dans les acides, quelle devient
compaâe & plus dure dans le feu.
L’analogie eft plus grande entre le tripoli & les
fchiftes : il a de commun avec ces dernières ,
l’inclination des bans , la facilité de fe féparer
quelquefois par feuillets, & la fineffe des parties.
Les tripolis noirs & bruns ne s’attachent pas
plus à la langue que les fchiftes de même couleur,
tandis que les tripolis & le » fchiftes rougeâtres
ou de couleur ifabelle s’y attachent en empâtant
, commer les terres bolaires.
Malgré ces reffemblances M. Guettard croit
devoir les placer entre les glaifes & les fchiftes,
6c en faire une claffc intermédiaire : comme les
glaifes, ils fontindiffoiubles par les acides ; comme
elles ils fe durciffent au feu ordinaire. Quand ils
contiennent des parties métalliques, ils y rougif-
fent ; comme elles ils ont quelque douceur au
toucher ; en un mot, ils paroiffent en avoir les
principaux caraélères, du moins leur reffemblent-
iîs beaucoup plus qu’aux pierres calcaires.
Cronftedt a foupçonné que l ’eau détachoit peu
à peu, par le frottement, les parties composées
des pierres du genre des jafpes & des porphyres,
& en formoit des lits. M. Pallas femble appuyer
cette opinion en quelques endroit^ de fes voyages.
M. Valmont de Bomare ajoute 'à ce qui vient
d’être rapporté : voici fa doélrins; nous fommes,
dit-il, defcendus dans les tripolières de Menât & de
Polinier, & nous avons remarqué qu’au premier
coup-d’oeil , cette forte de terre compacte , prife
à Menât, reffemble à des efpèces de fchiftes, &
celle de Polinier à des parties d’arbres décom-
pofées, d’une faveur un peu défagréable. Celle-
ci eft légèrement alumineufe , après avoir été
calcinée; aufli donne te l le , àja.diftillation, une
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liqueur acide vitriolique : on dit que, par la fu*
blimation, elle fournit du fel ammoniac.
Sous l’une & l’autre configuration,Jes tripolis
ne font que des glaifes plus ou moins arides^, &
fouvent ochracées,. chariées par des eaux qui ont
dépofé cette fubftance , laquelle , en fe précipitant
, a formé alternativement des couches , ou s’efi
moulée dans les creux fouterraiqs.
Le tripoli eft employé par les Lapidaires, Orfèvres
, Chauderoniers, Miroitiers, pour polir &
blanchir leurs ouvrages. On en fait fur-tout ufage
pour nettoyer & polir les métaux, le verfe &
les glaces.
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On doit choifir celui qui eft privé de parties
lableufes, qui eft tendre & facile à pulvériser.
Les Fondeurs fe fervent aufli du tripoli pour
faire des moules , parce qu’il eft très-propre à
réflfter à l’aétion du feu.
Le tripoli mis dans l’eau régale, lui donne une
couleur jaunâtre ; ce qui a fait foupçonner à quelques
Alchimiftes , que le tripoli contenoit de l’or ;
mais cette couleur vient des parties ferrugineufes
dont cette terre eft mêlée : une preuve de cette
vérité, c’eft que le tripoli devient rougeâtre par
la calcination.