
ou des brouffailles, pour parvenir à chaffer , par
ce moyen, toute l’humidité de la machine ; car
il n’ èft pas à confeiller de faire des opérations
dans les fours, avant qu’ ils foient en tièrement fecs, fi
l’on ne veut pas s’exposer à les voir crever ; ce
que lés contreforts & les barres de fer qui traversent
les murs des fours , dont il a été fait mention ,
font auffi deftinés à prévenir. J’ai une fois hafardé
de ne point prendre ces précautions, & je m’en
luis fort mal trouvé.
Lorfque les fours font enfin totalement fecs,
on peut commencer à les charger ; mais il faut
avant cela fe fournir d’une fumfante quantité de
féaux , de tonneaux , de retortes, de grands
flacons & de tuyaux de verre , ainfi que de pelles
à feu & de pioches , dont j’indiquerai dans le
moment l’ufagé.
Il s’agit maintenant de favoir fi c’efl du charbon
de terre ou de la tourbe qu’on veut épurer. Si
c ’eft du charbon de terre qu’on va foumettre à
l ’opération, il faut alors efiayer, premièrement,
fi ce combuftible fe gonfle beaucoup , médiocrement
, ou point du tout.
Dans le premier cas , on doit 'entaffer fort
légèrement le charbon de terre ; dans le fécond
cas , on peut le ferrer davantage ; & dans le
troifième cas, ainfi qu’en chargeant les fours de
tourbe , il eft permis de les bourrer tout combles :
cependant il ne faut jamais y mettre du fraifil de
charbon de terre , mais des maffes entières , à
caufe que le fraifil fe convertit, du moment qu’il
eft fec , en une poufiière fine , & bouche tellement'
les conduits par où les fluides doivent ' paffer
qu’il n’eft plus poffihle d’y procurer de l’air ; de
forte qu’on eft obligé de laiffer deffécher & de
perdre tous ces fluides dans les fours.
Je me fuis trouvé deux fois dans cet embarras
désagréable , & j’ai eu .occafion de me repentir
de mon inattention. Je ra’étois imaginé .que ce
fraifil fe feroït coagulé enfemble , ainfi que cela
arrive au fraifil du charbon gras. Mais j’aurois
dû longer que dans un auffi grand- four , la
cnaleur n augmente, que lentement, que par confisquent
i e pou hier fe deffèche plutôt qu’il ne
s’amalgame enfemble en fondant.
Du moment que les fours font remplis de charbon
de teire ou de tourbe on maçonne aufll les
ouvertures ou les portes par lefquelles on y a
porté ces combuitïbles& l’on fait enfuite un feu
modéré dans tous les âires , dont il doit y en avoir,
pour deux fours , quatre dans la muraille de '
devant, & autant dans la muraille de derrière.
Lorfque le feu eft bien allumé, on maçonne
également ces aires au-deflùs de la grille ; de
manière cependant qu’il refte entre les briques ou
pierres l’efpace de là largeur d’un doigt ; mais dans
la rangée des briques d’en haut , l ’efpace doit être
affez large pour qu’on puiffe y faire entrer une
pelle à charbon de fix à huit pouces de large
chargée de ce combuftible , pour entretenir le
feu.
Dans cet état, les fours commenceront , au
bout de fciz'è à vingt-quatre heures , à ‘donner
goutte à goutte l’eau ftyptique ; & c’eft alors
qu’on doit augmenter le feu , & le pouffer au
degré que les galeries à feu foient conftamment
d’un rouge blanc.
On entretiendra cette chaleur aufli long-tems
que les fours donnent le moindre fluide; ce qui,
fuivant la capacité du four, le foiir des ouvriers
qui le chauffent, & la quantité des matières à
épurer même , peut durer de quinze jours à trois
femaines.
Si i\>n a pris du charbon de terre gras ou qui
s’amalgame enfemble en fondant au feu , on!pourra
chauffer les fours avec du fraifil ou pouffier de ce
combuftible , qu’on-mouillera néanmoins auparavant
, & l’on pourra auffi l’employer à entretenir
le feu.
Si, au contraire , c’eft du charbon de terre maigre
ou de la tourbe qu’on veut épurer , il ne faut pas
fe fervir de leur fraifil ou débris , à caufe qu’il
tomberoit au travers de la grille ; •&. l’on doit
par conféquent prendre, dans ce: cas du charbon
de terre en maffes, & de la tourbe entière pour
nourrir le feu.
On emploie pour cet entretien du feu , deux
ouvriers qui le relèvent fucetffivement de fix en
fix , ou de douze en douze heures.
U eft bon que ces ouvriers aient déjà été oc-
ci,p*s à d’autres travaux à feu , & fâchent par
conséquent la manière de les gouverner. U ne faut
pas qu’ils fe laillent aller au fommeil pendant qu’ils
font de garde ; mais i';s doivent fe promener fans
ceffe autour des fours pour entretenir le feu des
matières combuftible s , pour déblayer , avec un
râble , les cendres des Êtres , & pour donner de
i’air à ceux dont le feu languir.
Toutes ces chofes doivent être bien obfervées,
car pour peu qu’on néglige le feu, on retarde
tout de fuite de quelques jours la fin de
lVpcratiOii. Quand on ne tient pas non plus les
aires propres au-deffous de la grille , de forte
qu on ne puiffe pas rafraîchir la grille même., le
fer fe c an fume par le feu ; & lorfquVnfin on
n'ei ève pas-quelquefois le feu pour iséto'yer la
grille, elle fe bouche ; le feu n’a plus de ventilation
ni d’o&ion, ce qui retarde la cuiffon , ou
elle ne fe fait qu’imparfaiternent.
On s’aperçoit do :c facilement combien le bon
fiiccès de là cuiffon dépend d’une dire<Sl on bien
entendue du feu , & combien par conféquent il
eft effentiel que l’ouvrier tifeur foit attentif &
vigilant. Il eft donc fore effentiel de prendre pour
cel.i des gens adroits , fidèles , fobres & affifs ,
qu’ il faut bien payer , & ne pas laiffer manquer
des inftrumens néceffalres, tels-que pelles à feu ,
pinces', crocs & râbles.
Je vais maintenant paffer des fours en combufliun
dans le laboratoire , où je désire de trouver un
chùnifte habile , pour veiller .à la diftillation des
produits du charbon de terre ou de la tourbe , &
pour avoir l’oeil fur le tifeur des fours.
Il faut fe rappeler que les produits de la matière ■
éputée viennent, par le moyen des difterens tuyaux
de bois dont j’ai-parlé plus haut, couler dans le
laboratoire où l’on doit les recevoir. Si les fours
font de la grandeur fu fm e nt lot: née , c’eft-à dire ,
de vingt-quatre pieds de longueur, fur fix pieds
de largeur & neuf pieds de hauteur , chaque four
fera de la capacité d’environ douze cents pieds
cubiques ; & comme un quintal de charbon de
terre gras occupe à peu près un efpace de trois
pieds cubiques , on pourra en charger , en une
fois , dans un four troiv cens quintaux , & par
conféquent le double dans les deux fours.
Ces fix cens quintaux de bon charbon de terre
produiront à peu près huit cens pintes d’eau ftyptique
, deux cens pintes d’huile , & cinquante
pintes d’efprit acide. Il faut donc avoir à la main
des vaiffeaux pour recevoir ces matières.
On fefervira pour la réception de l’eau ftyptique,
des tonneaux de trente, à foixantes pintes, qu’on
aura auparavant bien leffivés, afin qu’ils ne communiquent
point à cette eau une couleur & une
odeur qu’elle ne doit pas avoir.
Les huiles fe divifent en fines & en groffières.
La première efpéce , dont chaque cuiffon fournit
quarante à cinquante pintes , fe met dans des
bouteilles de verre bien bouchées ; & la fécondé
efpèce , dont on. obtient , en général , trois & j
même quatre fois plus que de la première , peut
être confervée dans des vaiffeaux de bois. L’cfprir
acide qui en réfulte demande de même des flacons
de verre.
D’après ce calcul, , qui n’eft fait que par approximation,
& dont le but eft feuhment d’indi
quer à peu près les vaiffeaux dont on peut avoir
befoin, on pourra fe fournir de tout ce qui fera-
néceffaire ; car il n’eft plus tems d’y fonger lorfque
le four eft une fois en combuflion. Outre
cela , on comprend facilement , fans qu’il foit
befoin de le dire, qu’un four neuf ne fournit pas
tant de produits qu’un’vieux , à caufe qu’il faut
que les briques neuves en foient premièrement
pénétrées & faturées. De plus , la quantité de ces
produits dépend aufîi de la qualité de la matière
qu’on épure.
Les charbons de terre gras donnent plus d’huile
groffière que de fine , tandis que lés charbons de
terre maigres rendent plus d’efprit acide que
d’huile. La tourbe contient une plus grande quantité
d’eau ftyptique que le charbon de terre , 6c cette
eau eft aufti d’une plus grande force.
Aulîitot que les ouvertures des fours font murées,
& que le feu eft en aélion , le chimille place
deffous chaque tuyau un vaiffeau de bois bien
propre , pour y recevoir les. fluides. Le premier
produit que lui donnent lés fours , c’eft une eau
froide comme de la glace , qui d’abord ne vient
que goutte à goutte , mais qui bientôt commence
à couler en plus grande abondance.
On met cette eau dans des tonneaux qui né
doivent être que de cinquante pintes , à caufe
qu’on obtient de l’eau de différente force. Dès
qu’un tonneau eft plein, on le bouche , & on le
numérote , afin de pouvoir coanoitre le degré
de force de l’eau qu’il contien-,
.Après que cetté eau a coulé pendant quelques
jours , elle devient tiède , & on y remarque de
petites gouttes d’ huile.- Cette chaleur augmente
fans ceffe , les gouttes d’huile fe multiplient ,
& les tuyaux commencent à fumer.
Du moment que cette vapeur a lieu , on
adapte au tuyau de bois , des tuyaux de verre
de la groffeur du tuyau de bois , en mettant un
tuyau dans l’autre, & dont le.dernier vient aboutir
dans une retorte de verre. Ces tuyaux de verre
doivent former enfemble la longueur de feize à
vingt pieds , & être difpofés de man’ère qu’en
s’élevant ils aillent jufqu’au plancher d’en-haut du
laboratoire , pour venir joindre ainfi les retortes
qui s’y trouvent.
Ceux qui connoiffent la machine de Boerhave,
par laquelle on obtient l’alkoo! par une feule opération
, ne feront pas étonnés de ce pr<?eé.4é à
mais je dois ajouter , en faveur de ceux qui n en
font pas inftruits , que le but en eft de recevoir
les vapeurs , qui fans cela fe trouveroient perdues.
Ces vapeurs montent dans les tuyaux de verre.,
& forment des gouttes , foit aux parois de ces
tuyaux, ou dans les cols des retortes.
Les parties aqueufes & les huiles groffières ,
ne peuvent pas monter fi haut, mais rétrogradent
& viennent tomber dans le tonneau polé deffous