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Faites diffoudre ce fel de nouveau dans de l'eau
chaude ; 1 aidez-l’y repofer pendant deux jours ;
filtrez l’eau de nouveau ; remettez-la enfuite à
évaporer, & vous trouverez au fond du vafe un
fel beaucoup plus blanc que la première fois.
Il faut réitérer trois ou quatre fois ce procédé ;
l’on aura ainfi un fel plus blanc que la neige, &
dégagé de la plus grande partie de fa terre ; ce
fe l, mêlé à la poudre de roquette tamisée, & avec
une quantité convenable de terte ou de fable,
donnera une fritte dont vous pourrez faire un
cryftal ou verre commun, beaucoup meilleur qu'il
ne feroit fans cela.
Comment il faut calciner le tartre.
Il faut avoir du tartre ou du fédiment de vin
rouge, car celui-ci vaut mieux que celui du vin
blanc; il faut qu’il foit en gros morceaux: on aura
foin d’en féparer la pouflière qui ne peut que
nuire à l’opération. On le mettra dans des vaiffeaux
de terre neufs; on allumera des charbons par-deffous,
jufqu’à ce qu’il n’en parte plus de fumée; & alors
il reliera calciné, & formera une matière noire
tirant fur le pourpre ; & elle en eft la préparation.
Le tartre cru.
Le tartre cru ell d’un grand ufage dans les arts;
mais principalement dans les teintures.
En médecine on fe fert peu du tartre cru, fi
ce n’eft dans quelques opiates officinales.
L ’efprit détartré , c’eft-à-dire, fon alkali volatil
fous forme liquide, est mis par quelques auteurs au
rang des remedes dellinés à l’ufage intérieur,
fur-tout lorfqu’il ell re&ifié.
L’huile dillilléede tartre efl rarement employée,
même dans l’ufage extérieur, & cela à caufe de
fa puanteur qu’on peut lui enlever , il ell vrai,
en ttès-grande partie en la reôifiant à l’eau.
Les chimiftes emploient le tartre cru rouge &
blanc comme fondant fimple & comme fondant
réduâif dans la métallurgie.
Autre Manière plus détaillée dont on prépare , on
dépofe, on blanchit la crime ou le cryflalde tartre.
La defcription de cette opération ell tirée d’un
Mémoire de M. Fizes, Profelfeur de Médecine,
à Montpellier. Ce mémoire efl imprimé dans le
volume de l’Académie Royale des Sciences, pour
l'année 1723.
On doit faire obferver auparavant, que les fabriques
de cryftal de tartre fe font multipliées depuis
la publication du Mémoire de M. Fizes. Nous en
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avons à Montpellier ; il y en a du côté d’Uzès à
Bédarieux, ainfi qu’en Italie , à Vepife,dans le
Duché de Florence, &c.
M. Fizes a compofé fon Mémoire, d'après les
fabriques établies à Aniane & à CalvilTon.
Les inflrùmens qui fervent pour faire le cryllal
détartré, font.
i°. Une grande chaudière de cuivre, appelée
Boulidon, qui tient environ quatre cents pots de
la mefure du pays. Elle eft enchâlTée toute entière
dans un fourneau , voyez fig. a. n°. 1 . , la planche
gravéee pour les opération du tartre, tome IV des
gravures.
20. Une cuve de pierre plus grande que la chaudière
& placée à Ton côté à deux pieds de diftance,
ibid. n°. 2.
3®. Vingt-fept terrines verniffées qui toutes en*
femble tiennent un peu plus que la chaudière.
Ces terrines font rangées en trois lignes parallèles,
neuf fur chaque ligne. La première rangée eft à
3 ou 4 pieds de la chaudière & de la cuve; les
deux autres font entr’elles à une petite diftance
comme d’un pied.
4°. Neuf manches ou ckaujfes d’un drap groftler
appelé cordelat ; ces manches aufli larges par Iç
bas que par le haut ont environ deux pieds de longueur
fur neuf pouces de largeur, ibid. n°. y.
50. Quatre chaudrons de cuivre qui tous enfem-
ble tiennent autant que la chaudière : ils font à
peu près égaux , & d’environ cent pots chacun.
Ils font placés fur des appuis de maçonnerie,
éloignés du fourneau, a a n#. 6.
6°. Un moulin à meule verticale, pour mettre le
tartre cru en poudre.
Il y a encore quelques autres inftrumens de
moindre conféquence, dont il fera fait mention dans
la fuite de ce mémoire.
L ’on commence à travailler vers les deux à trois
heures du matin, en faifant du feu fous la chaudière
que l’on a remplie la veille de deux tiers de
l’eau qui a fervi aux cuites du tartie de ce même
pour, & d’un tiers d'eau de fontaine.
Lorfque l’eau commence à bouillir, on y jette
trente livres de tartre en poudre, & un quart-d’heure
après on verfe avec un vaiffeau de terre , la liqueur
bouillante dans les neuf manches qui font fufpen-
dues à une perche plac.èe horifontalement fur trois
fourches de bois de trois pieds & demi de haut.
Fig. 2. 4ï°. 5.
Les neuf premières terrines qui fe trouvent fous
ces manchés étant prefque pleines ,on les retire , &
on place fucceffivemeat fous cesmanches les autres
terrines.
Dans l’efpace de moins d’une demi-heure, &
l’eau filtrée étant encore fumante dans ces terrines,
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©n voit des cryftaux fe former a la furface ; il
s’en forme aufli dans le même temps contre les
parois & au fond des terrines.
Pendant que les cryftaux fe forment ainfi, les
ouvriers fans perdre de temps verfent dans la chaudière
l’eau qui a été retirée des quatre chaudrons où
s’eft achevé le jour précédent le cryftal de tartre,
& quand elle commence à bouillir, on y jette
tfente livres de tartre cru en poudre : cependant
on verfe par inclinaifon l’eau des vingt-fept terrines
dans la cuve de pierre, ayant eu foin avant de la
verfer de remuer avec la main la furface de cette
eau, afin d’en faire précipiter fur le champ les
cryftaux au fond de la terrine.
Après que ces terrines ont été vidées, on y voit
les cryftaux attachés au fond & aux côtés. Pour
lors le tartre fe trouvant avoir bouilli un quart-
d’heure , on filtre comme auparavant la liqueur
bouillante dans les mêmes vingt-fept terrines chargées
des cryftaux précédens, & pendant que cette
liqueur fe refroidit & qu’il fe forme de nouveaux
cryftaux , on fait fans perdre de temps , paffer
l’eau de la cuve dans la chaudière , en la verfant
avec un vaiffeau de terre; & lors qu’elle commence
à bouillir, on y jette la même quantité de tartre cru
en poudre, qu’aux deux autres cuites.
On filtre enfuite dans les mêmes terrines dont
on vient de vuider l’eau dans là cuve, & qui
font chargées de plus en plus de cryftaux l en un
mot on fait dans la journée fucceffivement cinq
cuites, & cinq filtrations femblables, en fe férvant
pour les trois dernières cuites de l’eau qu’on a
verfée des terrines dans la cuve.
Il s’emploie environ deux heures & demie à
chaque cuite , en y comprenant la filtration qui
la fuit & qui fe fait en peu de tems, enforte que
la cinquième cuite finit vers les trois heures du
foir. On laiffe alors refroidir les terrines pendant
deux heures; & après en avoir verfé l’eau dans
la cuve, on les trouve fort chargées des cryftaux
que les ouvriers appellent pâtes.
Quand ils ont verfé l’eau des terrines dans la
cuve , ils ont laiffé ces pâtes avec affez d’humidité
pour pouvoir les détacher plus commodément avec
une racloireyie fer, & les ayant ainfi ramaffées, ils
en.rempliffen? quatre terrines, où ils les laiffent
raffeoir un quart-d’heure, pour que l’eau qui fur-
nage s’en fépare, afin de pouvoir la verfer dans
la cuve.
Ces pâtes paroiffent pour lors graffes, rouffes,
& pleines de cryftaux blanchâtres. On lave par
trois fois avec de l’eau de fontaine dans les mêmes '
terrines ces pâtes , les y agitant avec les mains ,
& les retournant plufieurs fois les unes fur les
autres : l’eau qui a fervi à la première de ces
lotions, que l’on verfe après, eft très-foncée; celle
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de la deuxième eft rouflatre, & celle de la troifième
un peu trouble; enfin les pâtes deviennent d’un
blanc tirant fur le roux.
L ’on remarquera ic i , i ° . Q u’après chaque filtra”
tion qui fuit la cuite on nétoie les manches.
2°. Que les eaux que l’on verfe par inclinaifon
des terrines dans la cuve après la formation de
cryftaux, font d’un roux foncé & d’un goût aigrelet.
30. Q u ’après la dernière cuite on enlève de
la cuve l’eau du deffus , dont on emplit les deux
tiers de la chaudière pour fervir avec un tiers d’eau
de fontaine à la première cuite qui doit fe faire
le lendemain matin , comme on l’a dit au commencement
de l'opération.
On fait écouler le refte de l’eau de la cuve en-
débouchant un trou dont elle eft percée auprès
du fond ; & comme l’on trouve ordinairement
encore quelques quantités de pâtes ramaffées au
fond de la cuve, on les lave dans quatre ou cinq
pots d’eau froide différente, pour les mettre avec
les autres.
Toutes ces pâtes ayant été formées par le travail
de toute la journée , elles font mifes en réferve
dans un baquet, pour être employées le lendemain
comme nous l’allons dire.
A dix heures du matin, on remplit d’eau de
fontaine les quatre chaudrons de cuivre qui font
placés fur une même ligne au fond de l’atelier
lur de petits murs de la hauteur de deux pieds ,
afin de pouvoir aifément faire du feu deffous, &
le retirer enfuite quand il le faut.
Cependant on a détrempé un peu auparavant
dans une terrine avec quatre ou cinq pots d’eau,
quatre ou cinq livres d’une terre qui fe trouve à
deux lieues de Montpellier auprès d’un village appelle
Merviel.
C ’eft une terre argilleufe d’un blanc fale, qui contient
quelquefois un peu de fable & de terre calcaire,
mais en petite quantité. Dans certaines fabriquas
on fait ufage d’une autre argille qui a lés mêmes
propriétés que celles de la terre de Merviel.
Cette terre argilleufe a eft compofée d’une
fubftance graffe, qui blanchit l’eau & la rend comme
du lait épais, & d’une fubftance fabloneufe, dure,
qui ne peut fe diffoudre, & qui refte au fond de
la terrine.
On verfe doucement cette eau blanchie dans
deux chaudrons ; on fait fur le champ une nouvelle
détrempe de pareille quantité de cette terre
blanche; & on l’emploie comme la première pour
blanchir l’eau des deux autres chaudrons , prenant
garde en verfant qu’il ne tombe rien de la partie
fabloneufe, qui doit refter toute entière au fond
de la terrine en petits morceaux.
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