
a3o T O U
Quand vous voudrez vous en fervif pour
tremper, vous prendrez cette fuie & en couvrirez
bien votre pièce, que vous enfermerez dans
une enveloppe de fer ; enfuite vous ferez rougir
le tout dans un feu de charbon de bois jufqu’en
couleur de cerife. Alors vous retirerez la pièce à
tremper & la jetterez dans de l’eau bien fraîche.
Voilà les méthodes les plus communes pour
tremper les outils. Voye{ au furplus, foit pour
Vacier, foit pour la trempe, l'art du fer, Tome IIe.
page 73 3 & fuivantes, & l’art de Y acier des SABRES
de Damas, Tome VIIe.
Manière d'aiguifer les outils.
Quelque bons que foient les outils & quelque
bonne trempe qu’ils aient , la force du travail
les u fe , & leur émouffe le taillant ; ainfi il eft
très-néceffaire que le tourneur foit pourvu de
bonnes aiguifoires, tant de grais que de pierre à
huile, pour remettre les outils en état ; mais il
eft fur-tout important qu’il apprenne à connoître
les bonnes. Elles font ordinairement de deux
fortes, favoir ou de grais ou de pierre.
Le grais eft une pierre tantôt grife , tantôt
blanche & d’une confiftance moyenne : il fe fend
& fe réduit en poudre aifément ; il eft propre
à faire du pavé & à éclaircir la vaiffelle, mais
principalement à aiguifer les outils.
Pour cet effet, il ne faut pas que les grais
foient trop tendres, ni trop durs : les tendres fe
creufent d’abord & font une boue importune ;
les trop durs ne mordent prefque point l’outil &
font confommer beaucoup de temps à aiguifer,'
outre qu’on ne fauroit prefque jamais 'faire un
bifeau bien jufte. Il faut aufii confidérer que le ■
grain n’en foit ni trop gros , ni trop fin ; le premier
ufe trop les outils & rend les taillans trop
rudes, en forte qu’on a beaucoup de peine à les
afiler enfuite.
Pour les trop fins , il faut trop de temps quand
il s’agit d’emporter une brèche d’ un outil égrené.
Il faut donc choifir les grais médiocrement durs
fans durillons & fans veines , mais uniformes dans
leur matière.
Pour les pierres à l’huile, les meilleures font
celles qu’on nous apporte du Levant ; mais il eft
très-difficile d’en trouver d'excellentes , c’eft-à-
dire, uniformes, fans veines , fans durillons &,
fans marcaffites. Elles font ordinairement de couleur
de gris falle & de forme oblongue, plus
larges qu’épaiffes. Il faut les choifir bien dreffées
& bien nettes, pour en pouvoir bien remarquer
les défauts ; car fi vous les prenez brutes , vous
rifquez à être trompé.
Il faut les éprouver avec un burin pour en connoître
la confiftance ; fi elles font trop dures , ou
n’avance guères en aiguifunt, & fi elles font trop
tendres, elles fe cavent à la fin , & l’on eft obligé
de les dreffer fouvent. Il faut fur-tout bien
prendre garde aux veines , & aux durillons qui
font ordinairement d’une matière approchante du
marbre ou de la marcaffire. L’outil ne fait que
gliffer deffus, & fon taillant au lieu de s’ affiler ;
s’émouffe ; il faut donc que la confiftance en foit
bien uniforme & qu’elle mange vite le fer ou
l’acier bien trempé.
Les pierres d’Efpagne tiennent le fécond rang
après celles de Levant. Elles font ordinairement
brunes ou noires. Il faut auffi les choifir avec
foin, car elles font fujettes à avoir des tables,
à fe détacher par écailles , & à avoir des fauts
qui arrêtant la main d’un ouvrier qui aiguife,
peuvent faire égrener un outil, & même le caffer
s’il eft délicat. On doit donc les rechercher les
plus uniformes que faire.fe pourra.
On en apporte auffi de Hongrie & d’autres pays,’
mais celles du Levant font plus en ufage.
Quelque bonté qu’aient les pierres, elles font
fujettes à être gâtées, non pas en leur confiftance,
mais en leur figure & en leur difpofition ; c’eft-
à-dire, que pour 1*ufage & le travail elles fe ca-
vent plus en un endroit qu’en l’autre ; en ce cas
on prend une planche , & avec du grais ou du
fable on les rend bien planes & unies , en les
frottant fur cette planche, c’eft ce qu’on appelle
fabler une pierre.
Le tourneur doit donc prendre garde , foit
qu’il fe ferve d’une pierre à l’huile, ou d’un grais
applati, ou d’une meule ronde montée, qu’on appelle
ordinairement un gagne - petit, de conduire
fes outils fi également fur toutes les parties de la
pierre , qu’il en conferve la furface bien uniforme
& qu’elle ne fe voûte point, ni qu’elle ne foit
pas cavée par le travail de l’outil ; ce qui feroit
que fon bifeau ne feroit pas bien plat & le tranchant
bien affilé.
Il doit, en aiguifant, fi bien affeoir le bifeau
de fes outils, dès le moment qu’il commence à
j les aiguifer, foit qu’il fe ferve d’un grais applati
ou d’ une pierre à l’huile, que le bifeau porte entièrement
p ar-tout, comme fi on frottoit deux
plans l’un contre l’autre, & qu’il ne ceffe de
le mener ou pouffer fur la pierre en avant & en
arrière , jufqu’à ce qu’il connoiffe qu'il eft achevé
d’aiguifer ; & fur-tout encore qu’il le tienne fi
ferme dans la fituation qu’il a commencée, qu’il
né vacille en aucune manière, autrement il fe met
en danger ou de faire plufieurs bifeaux, ou bien
d’arrondir le bifeau , au lieu de le rendre bien plat.
Il faut auffi lorfqu’il aiguifera le deffus d’un
outil, comme la partie fupérieure du bec-d’âne»
que ce deffus porte & foit entièrement appuyé fur
le plat de la pierre ; car pour peu qu’il élève le
manche, il rendra l’extrémité de l’outil voûtée, &
jamais fon taillant ne fera bien affilé.
C’eft la manière de fe fervir d’une pierre à huile
ou d’un grais applati ; mais quand on fe fert d’une
meule ronde montée, ou gagne-petit, il faut tenir
fon outil bien ferme & inébranlable dans la première
afliette qu’on lui aura donnée; enforte que
l’outil ne cherche pas la meule, mais plutôt que la
meule vienne le rencontrer par fes inégalités en
tournant; & de cette manière le bifeau d’un outil
deviendra auffi plat que la facette d’un diamant.
Il y en a qui ne fe fervent ni de grais, ni de
meule de pierre pour bien aiguifer leurs outils,
mais bien d’ïîne platine ronde, de plomb ou d’étain,
montée comme celle dont les lapidaires fe fervent.
Us la couvrent de poudre d’émeril bien fine, détrempée
avec mf peu d’huile d’olive , & conduifant
l’outil par-deffus avec une main, ils tournent la roue
de l’autre, & aiguifent très-bien leur outil; mais
il faut avoir la ma;n bien ferme & affurée : ce font
les trois façons pour aiguifer les outils plats ; car
pour les ronds & les figurés, il faut s’y prendre .
dune autre manière.
Les gouges s’aiguifent ordinairement dans des
cannelures faites fur un grais applati , lefquelles
embraffênrt tout le bifeau de la gouge, en la pouffant
en long & la retirant dé même. On lui donne le
fil enfuite avec le dos d’une petite pierre à aiguifer,
& , paffant la même pierre dans fa cannelure , on
en emporte le morfil ; mais cette manière n’eft pas
la meilleure : il eft mieux & plutôt fait de l’aiguifer
fur une meule ronde tournante , pour avoir plus
de liberté d’aiguifer fon mufeau en ovale ou pointe
d olive ; ce qu’on a peine à faire dans le canal d’une
pierre plate.
Pour ce fujet il faut tenir le bout du dos de la
gouge, prefque fur le fommet de la meule , & , le
contournant de droite à gauche & de gauche à
droite, on lui donne telle figure que l’on veut
loit ronde ou bien ovale.
nne petite pierre longue & épaifle comme le doigt,
, arr°ndie en fa longueur, félon la cannelure de
a gouge , & , paffant cette pierre dans fa canne-
tare , on en emporte entièrement le morfil.
Les bec^d’ânes arrondis s’aiguifent prefque de
meme , en contournant le bifeau rond de droite
a gauche & de gauche à droite, pendant que la
meule tourne. Il faut pourtant enfuite aiguifer la
FaiatI/rfllpéri®.Ure fur une Pierre plate, en tenant
te deffus de l'outil bien couché, de toute fa longueur
, fur la furface de la pierre, pour qu’elle ne
aile qu un même plan avec lui , comme nous
j avons déjà dit.
Les outils figurés ou taillés en mouchette doivent
s’aiguifer tout autrement, n’étant pas poffible que
les meules rondes ni plates puiffent entrer dans
leur filure , à moins qu’on ne veuille s’affujettir à
en aiguifer feulement la partie fupérieure ; mais en
ce Cas, outre que le taillant d’un outil s’émouffe
à la fin, on voûte fon ^extrémité & on rend fon
épaiffeur inégalé.
Pour obvier à ce défaut, les habiles ouvriers fe
fervent de roues, ou d’étain, ou de plomb , ou de
bois, couvertes de poudre d’émeril bien fine, détrempée
dans de l’huile d’olive.
t On peut mettre plufieurs de ces roues le long
d’un même axe, entre deux poupées, ou bien avoir
un arbre à tourillon quarré , pour y rapporter telle
roue qu’on voudra.
Il faut que chaque roue foit figurée félon la
moulure de l’outil, & que cette moulure foit faite
avec l’outil, afin que/quand on voudra l’aiguifer
les moulures de la roue entrent juftement dans les
fiennes.
Pour les outils à crochet & propres à tourner le
fer, on applique leur bifeau à plomb fur le flanc
de la meule, enforte que le bifeau touche de tout
fon plan ; & alors, au lieu de tourner la meule,
en fuyant,- à la manière des couteliers, il faut la
faire tourner contre le bifeau , foutenant votre
outil avec la main, fans autre appui. Il arrive pour
lors que la meule, venant contre le bifeau de l’outil
y fait une vive arête, & le met en état de foutenir
l ’effort du fer quand on tourne avec vîteffe.
Des Jimples poupées pour tourner le bois & le fer
entre deux pointes.
„ Il eft bien difficile de pouvoir déterminer au
jufte l’épaiffeur, la. hauteur & la groffeur de- ces
fortes de poupées, ni même de’ prefque toutes les
machines de l’art du Tourneur, étant libre à chacun
de les établir félon fa plus grande commodité ■
& quoiqu’il foit befoin qu’elles foient bien folides
& fortes, il n’eft pourtant pas néceffaire qu’elles
foient fi maffiyes ni fi lourdes , excepté qu’on foit
obligé de tourner des pièces d’une grandeur confi-
dérable.
Poupée dejlinée pour le bois.
Cette poupée a fur fa face une entaille où l’on
attache la pointe, qui doit être pofée le plus près
qu’on pourra du bord de la poupée, afin de pouvoir
rapprocher le fupport autant qu’on voudra de la
pièce à tourner : de cette façon l’outil en fera plus
affuré & plus ferme.
Cette poupée, confédérée dans fon profil, eft
percée dans trois endroits ; favoir, dans la queue
par une mortaife, par la clayette ou clef qui fert