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fuit ; ce qui fait que plus on en b oit, plus on
en veut boire.
Enfin pour connoître les différentes matières
employées dans ees vins mixtionnés, il faut alors
les décomrofer ; mais on prévient que ce n’eft
que par de grandes opérations chymiques qu’on
y parvient : on peut à cet égard confulter deux
mémoires de MM. Cadet & L a v o ifie r , célèbres
chymilles, chargés par M. le lieutenant-général
de police de faire l’analyfe & leur rapport des
vins de plufieurs marchands de Paris , açcpfés
de compofer des vins fans un feul grain de rai fin ;
de vendre du cidre & du poiré pour du vin |
comme auffi de les fophifliquer avec des drogues
pernicieufes. Mais parce que les magiftrats ont févi
contre quelques malheureux & méprifables marchands
confondus dans le grand nombre de ceux
qui forment ce corps refpeclable, doit-on inférer
de là , comme on le fait injuftement en province ,
qu’il n’eft pas poflible de boire une bouteille de
bon vin chez les marchands de Paris indiftin&e-
ment, & fans qu’il l'oit frelaté ? affurément cette
prévention eft faillie & ridicule : car je mets en
fait que la plus grande partie des meilleurs vins
du royaume & les mieux choifis fontdeftinés pour,
les gros marchands de vin de Paris, qui les vendent
en nature lorfqu’on en veut & quand on les paye
ce qu’ils valent : je conviendrai cependant qu’à
l ’égard des vins de bas prix, il faut néceffairement,
pour qu’ils puiffent fe retirer, qu’ils faffent des
cuvées avec difFérens vins communs, blancs &
rouges, qu’ils achètent en conféquence, afin que
tout le monde foit à même de s’en procurer*
M o y e n p o u r donner au v in du p lu s mauvais te rroir
la meilleure q u a lité , & le goût le p lu s agréable.
Prenez une livre du meilleur tartre , & du pays
le plus accrédité par la qualité de fes vins ; ajou-
tez-y une livre de miel commun & une livre
d’orge ; faites d’abord bouillir & fondre le tartre
dans huit pintes d’eau de rivière qui foit bien
claire : le tartre étant fondu entièrement, jetez,
l ’orge deffus ; faites le bouillir à petit feu jüfqu’à
ce qu’il foit crevé : mettez*y enfuite le miel que -
vous ferez Amplement fondre fans l’écumer ; après
vous pafTerez le tout par un linge que vous tordrez
jufqu’au fec , vous jetterez cette compofition dans
une feuillette vide contenant 1*50 pintes , que
vous remplirez aufll-tôt de moût en for tant du pref-
foir. Par ce procédé on procure au vin d’un petit
crû la même qualité qu’avoit celui d’où le tartre
a été tiré : c’eft un fait confirmé par l’expérience,
& qui ne laifte point de doute.
Jvb y en p o u r donner a u x v in s ordinaires le goût de celui
de malvoifie , de m u fca t, d ’ A lic a n te 6* de Cheres.
Mettez dans le vin, tandis qu’il eft encore dans
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la fermentation , des fleurs & des femences d’ormin
ou d’orval. Faites mieux, prenez galanga choifi
gingembre & doux de girofle, de chaque un gros:
après avoir concaffé le tout, mettez-le infufer dans
de bonne eau-de-vie pendant vingt quatre heures
enfuite faites-en un nouet que vous fufpendrez
dans un tonneau de vin clair. Au bout de trois
jours, vous le retirerez , & vous aurez un vin
auffi bon que celui de malvoifie : fuppofé que
le vin que vous employez foit de bonne qualité.
& qu’il ait un peu-de liqueur; autrement il Lu«
droit y ajouter un peu de fuciëou de miel,
La plupart des vins peuvent être contrefaits ;
il eft quelquefois difficile de reconnoître cette
fraude. La fleur de fureau mife en digeftion dans
un petit vin blanc, dans lequel on a fait diffou-
dre du fucre, offre au goût, à l’oeil & à l’odorat,
du vin mufcat. Le caffis , le miel, l’eau-de vie,
font une efpèce de vin d’alicante. Le fuc exprimé
des bigarades & mêlé avec un peu de fucre,
imite le vin de cherès. On imite encore le vin
mufcat de cette manière : prenez régliffe , polypode,
anis, de chacun deux gros , noix mufeade, trois
gros, calamus aromaùcus, un gros , pilés groffiére-
ment ; mettez le tout dans un nouet que vous
fufpendrez dans le tonneau pendant trois jours,
& enfuite vous l’ôterez.
Recette pour faire un excellent, vin de fantê.
Sur là fin d’avril, ou vers le commencement
de mai, prenez une bonne poignée de jeune cerfeuil
avec un peu moins de petite centaurée ,
que vous mettrez infufer dans deux pintes de bon
vin blanc; prenez auffi deux onces de miel que
vous ferez bouillir dans un demi-feptier d’eau
dé rivière, obfervant de le bien écunier; après
quoi, biffez-îe repofer & réfroidir , pour enfuite
verfer cette décoâùon fur votre vin; biffez le
tout enfemble pendant huit jours, au bout desquels
vous paffez votre vin par un linge pour
le tirer à clair, & en boire un verre tous les
matins à jeun * pendant quinze jours confècutifs
& fans interruption.
Rien n’eft meilleur que ce vin pour débarraffer
l’humeur ghireufe de i’eftomic, en nettoyer le
mauvais levain , le rafraîchir, donner de l’appétit,
& pour tenir le ventre libre. \
Le goût de ce vin n’eft point du tout défagréable,
& l’effet falutaire qu’il produit eft fi prompt & u
fouverain , qu’il exige qu’on en faite ufage au
moindre befoin : d’ailleurs il eft fort l'impie &
jtrés peu. coûteux.
Autre recette pour faire un très-excellent vin d’abjînthe.
Pour un tonneau contenant 120 pintes de vin
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'tîouxj! ou de vin blanc vieux, prenez une livre
de racine d’au née verte , une once de galanga ,
deux oranges amères coupées en quatre , une once
ide coriandre, deux onces de régliffe, une once
|de fenouil , une once de caneile & de girofle,
■ deux poignées d’abfinthe & une poignée de petite
centaurée ; mettez le tout dans le tonneau , & le
llaiffez infufer jufqu’à ce'que le vin ait fuffifam-
f ment pris le goût de ce; drogues , enfuite vous le
Ifoutirerez dans une autre pièce, & en bifferez repp-
Ifer la liqueur. On remplit d’autre vin le premier
■ tonneau , & lorfqu’il a achevé de prendre le goût
Ide toutes les drogues, on le foutire à fon tour , ou
■ bien on le remplit à fur & à mefure qu’on en tiré le
I v in , jufqu’à ce qu’enfin feffence de toutes les chô-
Ifes qu’il contient foit entièrement emportée.
Manière de connoître s’il y a de Veau dans le vin.
i°. Mettez des poires ou pommes fauvages dans
lie vin: fi elles furnagent, le vin eft pur.
2°. Mettez-y un oeuf : s’il defeend incontinent,
lie vin eft mêlé avec de l’eau ; s’il tarde quelque
■ temps à descendre, le vin eft pur.
I 30. Jetez un peu de vin fur un morceau de chaux
vive : s’il eft mêlé avec de l’eau, la chaux fediffou-
Idra; dans le cas contraire , elle confervera fa forme
& fa dureté.
I 40. Prenez du vin dans les mains, frottez-les
lenlime:fi la liqueur s’y arrête & paraît vi'queufe ,
■ vous pouvez être affuré qu’il n’y a pas d’eau ; fi
■ au contraire le vin ne s’attache pas aux mains,
L c’eft une preuve qu'il y en s.
I Sur l’emploi utile du gas vineux , par M. Mowguè.
I Le prix décerné par 1a fociété royale des feien-
Ices, fur le moment le plus propre pour le décuvage
mdes vins, & les excelle ns ouvrages qu’il nous a
■ procurés, m’ont engagé à obferver de plus près les
■ phénomènes de 1a fermentation vineufe pendant
|.les vendanges.
I La pofition de ma campagne, fituée au centre ;
| .^e vignobles frès-confidérables , m’a mis à portée
! de fuivre la, marche de la nature, non-feulement
|b r mes propres vins en fermentation , mais auffi
I ur de très-grandes malles fermentantes , & no-
l-tamment fur celles de M. de R. à Gabrgues. Ses
f ignobles font fitués, & fur le. grès , 8c fur le
Trocher, en fonds gras & e.n fonds fabloneux :
l^tte diverfité a favorifé mes obfervations. Elles
0nt bien plus été encore par le goût de M. de R.
■ pour la phyfique , . par le fecours en tout genre
l-^on trouve chez lu i , & par la bonté avec laquelle
il fe prête à tout ce qui peut . contribuer
a propager les lumières & à faciliter l’expérience.
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Parmi celles que nous avons faites, je ne rendrai
compte dans cet écrit , que de ce qui eft
relatif à 1a pratique de fermer fortement les tonneaux
au moment où ils ont été remplis de vin
nouveau, & à l’emploi du gas vineux.
Indépendamment de la perte d’efprit ardent &
de gas que nos vins font pendant que nous b i f fons
nos tonneaux ouverts après les avoir remplis
de vin nouveau, nous biffons exhaler la partiel
aromatique ou l’efprit re&eur qui donnerait le plus
de relief à nos vins. C’eft une huile éthérée, très-
volatile , qui s’échappe avec la partie la plus fpi-
ritueufe des vins. Convaincu de la néceffiré de
retenir, autant qu’il feroit poflible , ces principes
effentiels de nos vins , je me décidai, l’année paf-
fé e , à boucher fortement mes tonneaux dès le
moment où le vin nouveau y aurait été dépofé,
avec la feule précaution d’y biffer un vide d’environ
deux pouces.
La vendange de 1780 avoit été très-aqueufe ;
les vins eurent peu d’efprit ardent & peu de qualité.
On aura pu croire que ces circonftances ont
occâfionné 1a tranquillité du vin que j’éprouvai dans
les tonneaux auffi promptement & auffi fortement
touchés.,
La récolte du vin'sCft faite en 1781 , par un
très-beau temps : il a régné conflamment un vent
du nord très-fec : il n’eft pas tombé une feule
goutte de rofée ; auffi les vins ont-ils une qualité
qui m’a fait efpérer que fi je réuffiffois à boucher
de même mes tonneaux fans accident, cette méthode
trop négligée pourrait obtenir un degré de
certitude qui encouragerait à b mettre en pratique.
En conféquence je fis faire un fauffet à chacun
de mes tonneaux, à deux pouces dans oeuvre ail
deffus de la douelle fupérieure. Je fis remplir mes
tonneaux , & dès que le fauffet donnoit, on ceffoit
de verfer le vin., & le tonneau était fortement
bouché à coups de maillet.
M. de R . , conduit aux mêmes vues par l’expérience
, & par ce qu’il a vu dans les meilleurs
auteurs , a fuivi 1a même pratique fur
toute fa récolte, qui s’eft portée à environ deux
cents muids de vin ( le muid contient fept cent
vingt pintes de Paris ). Ses vignobles étant fitués
en teireins bien variés, & les qualités n’ayant pas
été mélangées , nous avons pu fuivre l’effet de
cette pratique fur toutes les qualités de vin plus ou
moins fougueufes que fournit le Bas-Languedoc;
& l’on fait que nos vins ne manquent pas de
violence.
Aucun tonneau n’a marqué le moindre effort, 1a
moindre agitation extraordinaire. Les miens furent