
V E R M I C E L I E R .
( Art du )
O n entend communément par l'art du Verml-
celier, la méthode de compoler ce qu’ordinaire-
m en ton nomme des pâtes, des vermiceli, des macaroni
& des lasagnes.
Les farineux font la nourriture la plus ordinaire
des hommes, foit qu’ils les mangent en pâtes, ou
en dès efpèces de bouillies, ou en pain. Dans les
pays où l’on mange moins de pain qu’en France,
on fait plus d’ufage des pâtes. On mange en Allemagne
des nouilles , des pivots, &c. & en Italie
des macaroni, des lazagnes , &c.
C ’eft à Naples, à Gènes, à Marfeille & à Paris
où on fait le plus de ces pâtes , & où on les prépare
le mieux.
L’art de faire des pâtes eft une branche de celui
de la boulangerie. Le métier du boulanger
eft celui de faire de la pâte & de la cuire au four ,
comme le métier du vermicelier eft celui de faire
des pâtes & de les fécher à l’air. C'eft pourquoi
dans bien des pays, comme en Provence, les boulangers
font vermiceliers, de même que dans d’autres
villes les boulangers font auffi pâtiftiers.
Les boulangers réduifent ordinairement le gruau
en farine pour en faire du pain, 8c les vermiceliers
convertirent le gruau en femoule pour en faire
des pâtes.
On peut faite des pâtes avec toutes les fortes
de farines dont on eft dans l’ ufage de faire du pain ;
les meilleures farines & les plus ordinaires de toutes
pour çompofer des pâtes comme pour faire
du pain, font celles de froment ; c’ell avec le gruau
de froment qu’on fait la femoule.
Le gruau. .
En général le gruau eft un grain concafte &
dépouillé de fon écorce , comme eft le gruau de
Bretagne : il y a gruau d’avoine , gruau d’orge 8c
gruau de froment, Gruau eft un mot générique en
françois, comme l’eft cacha en polonois, pour lignifier
à-peu-près la même chofe.
Le gruau eft la partie la plus dure & la plus
fèche du grain : c’eft fur*tout celle qui logeoit le
germe, qui eft ferme & blanche comme l’amande.
Le gruau e f t , dans les années qui ne font pas
humides, la partie du grain la plus prochaine de
fon écorce, la plus expofée à la féchereffe de l’air
& à la chaleur du foleil : cette portion du grain
refte dans la mouture en gruau.
C ’eft fur-tout le fécond gruau qui eft la partie la
plus voifine de l’écorce, car il y a , comme il a été
expliqué dans l’art de meûnier, plusieurs gruaux ; il
y en a de trois fortes ; fayoirj, le gruau blanc qui
eft le premier, le gros gruau ou gruau gris qui eft
le fécond, 8c enfin le gruau bis eft le troisième.
Le premier gruau n’a pas d’écorce, ou il en a
peu ; il eft comme l’amande du grain. Le fécond
gruau eft couvert en partie, de la fécondé écorce
du grain, qui le rend gris. Ce fécond gruau eft
encore plus fec que le premier ; il a plus de goût,
il boit plus d’eau, & il eft plus recherché par les
pâtiftiers.
Le premier gruau eft le moins bon pour faire
les pâtes : les vermiceliers , comme les pâtiftiers,
préfèrent le fécond gruau au premier; ils en pren-
droient encore plutôt le troifième, c’eft-à-dire,
les derniers gruaux , fi ces gruaux bis n’étoient
pas tachés.
Les gros gruaux font fujets à être tachés par
du grain étranger qui a été moulu avec le froment,
& qui eft aufli pefant que lui ; ce grain eft ce qu’on
nomme le pois-gras, qui eft très-pefant, qui donne
du poids au pain , & le rend bis, 8c qui ne lève
pas comme fait la bonne farine. Au-lieu que lorf-
que le gruau eft taché par du fon , ce fon étant
plus léger, le vermicelier peut mieux en faflant,
le faire monter fur le gruau & enfuite l’ôter ai-
fémenr.
La femoule.
Semola en italien, veut dire fon de farine, & en
françois, fon gras.Lz partie blanche, dure 8c fa-
rineufe du fon gtas, après qu’elle en a été fépa-
rée, conferve encore le nom de femola ou fimoule
en françois. La meilleure femoule eft de froment ;
c’eft , comme nous l’avons déjà dit, celle dont les
vermiceliers fe fervent pour faire toutes les pâtes,
La femoule eft la meilleure partie du blé, la
plus feche , la plus nourriffante. On en tire plus
des blés de barbarie, qui font plus glacés, plus
pefans, & qui fe mettent plus difficilement en poudré
que les blés d’Europe ; les blés de barbarie font
moins blancs', mais ils font plus fubftantiels.
A Naples & 'à Gènes, où fe font les pâtesqjour
toute l’Italie, on fait venir du blé du Levant, de
Sicile, de Termini & de Livadie : on y choifit
un blé qui eft dur 8c qui contient peu de farine
blanche; il eft même intérieurement un peu jaune;
en le moulant,.on le partage en cinq différentes
parties; la première eft la fleur de farine, la troi-
fièmé eft la petite femoule femolela ou rarita, la
quatrième eft la femoule ou femola, 8c la cinquième
eft le fon , urenna ou femolone.
A Marfeillè on fait venir , pour çompofer les
pâtés , des blés de Tranï 8c de Cagliari ; les blés
français de Tarafcon & d’Uzès y font bons aufli :
la femoule de ces .blés a une belle couleur blanche
jaune tirant fur celle du citron : la farine de
ces blés eft bife, 8c elle fait un pain qui eft noir ;
ces farines font bonnes pour faire les levains des
boulangers ; c’eft leur ufage à Marfeille où ils pé-
triffent les levains avec les pieds.
Lés vermiceliers font moudre haut ces blés,
pour les mettre en gruau, le plus qu’il elt pofli-
ble ; ce qui fait la femoule, c’eft la qualité du
blé & la façon de le moudre. Il faut moudre encore
plus haut pour les vermiceliers que pour les boulangers.
Il eft bien des fortes de femoules, qui font différentes
, & par les diverfes efpèces. de blés dont
on les, tire , 8c par les diverfes façons de les moudre
, & par les différentes méthodes de les bluter;
en un mot, les femoules font différentes par
les différentes manières de les préparer.
Les femoules font aufli comme les gruaux dont
on les tire : en général, il faut les choifir lèches
& blanches tirant fur le jaune. Plus le gruau eft
gros , meilleur il eft ; mais il faut l’avoir blanc 8c
le plus dur que l’on peut pour faire la femoule :
les vermiceliers trouvent que les pâtes qu’ils font,
font d’autant meilleures, que la femoule avec laquelle
ils les compofent, eft plus groffe, & plus
difficile à battre, à brier. Au contraire, la femoule
la plus fine eft à préférer pour manger en potage,
cuite dans du bouillon ou autrement.
Le vermicelier a , pour faire la femoule , une
huche partagée en trois cafés ; dans la première de
ces cafés le vermicelier fépare par un tamis de
foie le gruau de la farine qui étoit encore avec
ce gruau. On nomme cetté farine du bis-blanc.. La
plupart des vermiceliers font un bon pain de ménage
avec cette farine bis-blanc, pu bien ils la
Vendent aux'boulangers.
Arts & Métiers. Tome VIII,
Dans la fécondé café eft la femoule, féparée
du gruau gris par un fas ou tamis de peau, qui
eft une efpèce de crible.
Enfin, dans la troifième café, la vermicelière
fépare cetté femoule d’une recoupette qu’elle raf-
femble fur la femoule , en faifant aller avec la main,
de devant en arrière, le fas qui eft fufpendu par
deux cordes La vermicelière , comme le vermicelier,
ramaffe ce petit fon farineux qui eft la
recoupette, avec le côté de la main ,ôc iis Votent
avec un carton 8c la mettent dans une corbeille.
Le vermicelier fait mouvoir en rond exactement
& horifontalement le premier fas, avec les
deux mains , pour faire paffer la farine 8c pour
avoir le gruau.
Il porte le fécond fas en rond aufli, mais perpendiculairement
du haut en bas pour faire tomber
dans la fécondé café le gruau le plus net 8c
lé plus blanc, qui eft la femoule : le griiau gris refte
dans ce tamis ; on lè revend aux boulangers, en
Italie; 011 en fait de groffes pâtes bifes pour les
pauvres.
Ce fécond fas qui eft de peau, eft plus fin que .
le premier qui eft de foie; & quoique celui de foie
foit plus gros que celui de peau , il ne laiffe point
paffer la.lemoule, mais la farine; parce que la
„farine le graiffe & le rend plus fin ; ce que ne
font pas le gruau 8c la femoule comme-la farine.
Le fas de la troifième café eft encore'plus fin.
Il faut être dans l’habitude de faffer la femoule,
pour y réuflir : on tourne par un mouvement hori-
fontal d’une main vêts l’autre,- cette efpèce de cri-
; ble , par lequel on paffe la femoule, 8c l’on fecoue
! légèrement, comme pour frapper à chaque tour,
: de haut en bas; par ce moyen il s’élève deffus un
peu de recoupettes, que l’on enlève à mefure.
On repaffe pluficurs fois la femoule lôrfqu’élle
; eft bife, pour en ôter toute la recoupe ou petit
fon.; & l’on dit ces femoules être d’autant depaf-
fées, qu’on les a repaffées de fois par le crible :
il y a des femoules de cinq pafees , de fix pajfées
8c de plus.
Ce n’eft point par la différence de la groffeur
que la femoule, fe fépare du gruau 8c des recou-
pêttes; c’eft .fur-tout à raifon des pefanteurs différentes
de la femoule 8c du fon, qu’elle"tombe
par le mouvement compofé du perpendiculaire 8c
de rhorifontal.
Le vermicelier fe fert aufli d’une efpèce de plat
ou plateau de fer pour prendre le gruau dans le
fac, 8c le mettre dans le fas.
Veau pour faire les pâtes.
L’eau influe trop fur la nature des chofes, dans
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