
matin. La raifon en eft qu’alors le foleil commence
à être dans fa plus grande force, & que
les drapeaux étant expofés à fon ardeur, sèchent
plus vite. Le temps eft très-favorable , comme
on l’a dit, quandt le vent eft nord-oueft, & le
foleil bien ardent.
On fe garde bien de faire cette préparation
quand le vent eii fud-oueft, ou , comme on
dit à Montpellier , marin : on rifqueroit alors de
perdre tout le fruit de fon travail. Ge vent eft
fort humide, & les chiffons$ pour rèufiir, doivent
fécher prom- t.rnenr.
Il eft arrivé dans certaines années pluvieufes
que des particuliers ont perdu leur maurelle,
recueillie avec beaucoup de peine, faute de trouver
un jour favorable.
Nous avons dit que quand la toile qu’on emploie
eft fa'e , on la lave & on la fai.t fécher ;
de même il faut prendre garde qu’elle ne foit
pas imbibée de quelques corps gras ou huileux.
Un particulier ayant employé dans fa fabrique
certaines toiles qui avoient fervi fur les vaif-
ftaux , comme eues étoiént un peu enduites de
goudron , cela fit une mauvaife préparation , à
caufe que le goudron empêchoit le iuc de faire
union avec le chanvre : aufii lui cônfifqua-t-on
fa marchandife, comme n’étant pas de recette.
Je remarquai , dit M. Montet , étant air
grand Gallargues , que dans la grande quantité
de drapeaux colorés, il y en avoit qui n’avoient
pas pris la couleur bleue. Je ne fus pas furpris
de ce phénomène, dès que j’eus vu manoeuvrer
les femmes : elles n’obfervent pas beaucoup de
régularité en étendant leurs chiffons., tant fur la
cuve que fur le fumier.
La partie volatile de Purine ou du fumier ne
peut pas pénétrer partout également. D ’ailleurs
fi on a le malheur de laiffer un peu 'trop longtemps
ley drapeaux à la vapeur du fumier,.qui
a beaucoup de force , il mange la couleur , fi
l ’on peut s’exprimer ainfi ; & au lieu d’èrre bleue,
elle tire fur la couleur de chair ; lesr femmes appellent
cela , en leur langue^ foula. Aufii la plupart
de celles qui ont leurs chiffons fur du
fumier extrêmement fo r t, vont elles le vificer
fôuyent.
On m’a raconté , ajoute M. Montet , à Gallargues
& dans les lieux voifins , qu’on ne pouvait
préparer ces drapeaux de la. manière qui
vient d’être décrite , que dans ce premier v illage
feulement : les habitans du. grand Gallargues
& des environs le croient fermement ; voici les
preuves qu’ils en donmut :
Les filles de ce village, difent-ils , qui vont fe
marier ailleurs ; par exemple à Aigues-vives
autre village qui n’en eft éloigné que d’une petite-—
lieue , ne peuvent réuflir à faire cette préparation
quoiqu’elles l’aient fait plufieurs fois dans leur
maifon. Mais tout ceci Lnt le m e rv e illeu x &
l’on a l’expérience du contraire.
M. Montet a préparé lui-même à Montpellier
dans fon laboratoire, de pareils drapeaux*, par
le moyen de la vapeur de l’urine, & ils fe font
trouvés au {fi beaux que ceux qu’on envoie de
Gallargues. Mais il eft vrai de dire au fu-jet des
drapeaux qu’on prépare au grand Gallargues
qu’on ne peut le faire que dans une partie de
cette province & dans quelques autres voifi-
nes, comme la Provence- & une partie du
Dauphiné où cette plante croît dans quelques
cantons.
M. Niffole prétend que la maurelle ne croît
pis du côté de Lyon ni en Auvergne : fi elle
croiffoit en Hollande , les Hollandois ne feroient
pas affez dupes pour nous acheter nos drapeaux ;
ils les prépareroient chez eux , & par là ils épar-
gneroient beaucoup.
Ce feroit au gouvernement à acheter ou à fe
procurer le fecret des Hollandois , pour faire la
pierre bleue, appelée Touruefol ; le commerce
en retireroit un grand avantage , & principalement
les provinces où croit la maurelle; par ce
moyen deux préparations fe feroient dans'le même
pays. Il eft impoflîble de faire la première au;
dans les endroits où la naturelle croît naturellement.
S’il etoit néceffaire de la multiplier, on pourvoit
laiffer mûrir la graine , & en femer dès champs
comme on sème le bled. .
Je penfe, continue M. Montet, qu*un jour, 11
en faudra venir à ce que je ^propofe. Certe année
( J760) la maurelle a manqué , les marchands
n’ont pas pu avoir la quantité de drapeaux qu’on
leur demande de Hollande, on n’en a préparé,
que pour trois mille livres.
Si le gouvernement n’y prend garde-, on détruira
entièrement cette plante. Les payfans qui
font cette récolte, arrachent h plante , & alors
la graine n’eft pas mûre,-& par-là on voit qu’elle
ne peut pas fe multiplier. Ils afiùrent que ce qni
a fait la rareté, cette année , de la maurêlié, c’eft
la fécherèffe & qu’il»n’a pas plu au'commencement
de l’été; mais je crois que c’est faute de
graine, qu’il n’en vient point, cette plante n’étant
pas vivace.
La maurelle ne peut pas être tranfportée fort
loin, parce qu’il faut qu’elle foit verte , pour être
employé;, & qu’on ne peut la garder trop longtemps,
fans qu’elle fe gâte par une trop grande
fermentation.
Quand les drapeaux ou chiffons préparés, comme
on vient de le dire , font bien secs , on les
emballe dans de grands facs, on les y ferre &
preffe bien ; puis on fait un fécond emballage
dans d’autres facs , dans de la toile avec de la
paille , & on en forme des balles de trois ou
quatre quintaux.
Des marchands, commiflionnaires deMontpellier,
ou des environs , les achettent pour les envoyer
en Hollande , en les embarquant au port de
Cette.
Cette marchandife fe vend 30 à 32 livres le
quintal. Elle a valu certaines années jufqu’à
50 livres.
On affure qu’on fabriquoit toutes les années
à Gallargues , village compofé de deux cent
trente maifons ,& qui a mille habitans , de ces drapeaux
pour dix ou douze mille francs.
Ces drapeaux colorent le vin & toutes fortes
de liqueurs qui pèchent par la couleur. On croit
qu’on, les employait en Hollande , à cet ufàge ,
& au rapport .de M. Niffole , Simon Pauli défa-
prouve toutes ces pratiques. On ne voit cependant
pas que cela puiffe être fort dangereux.
Les Hollandois font un grand ufage des drapeaux
de Gallargues pour colorer leur fromage :
ils le nomment alors fromage à croûte rouge , tirant
fur le violet, dont le principal commette fe fait
fur les côtes de la méditérrannée, comme l’Efpagne,
la France &. l’Italie.