
736 V ü I
fur-tout en é té , de laiffer jufqu’à fix pouces de
vuide, dans chaque tinette, pour empêcher les
couvercles de fauter; en prêtant l’oreille , on entend
dedans un mouvement d’agitation qui femble
frapper alternativement d’un bord à l’autre.
Que le méphitifme, accru par descaufes étrangères
, rende plus dangereufes les foffes qui ont
reçu des eaux de vaiffelle; celles des blanchiffeufes
& les débris anatomiques, on l’imaginera aifément;
mais on ne foupçonneroit pas d’être dans le même
cas les foffes où abondent des décombres de plâtras
, de poterie, des haillons, des bouchons de
foin, comme dans celles des baffes-cours & celles
du menu peuple.
Aufli l’heurte plus expofé à ces mélanges eft-
•11e , de toutes les parties de la matière, celle
que les vuidangeurs attaquent avec le plus de
défiance ; l’expérience leur ayant appris que dans
les foffes les moins malfaifantes, l’heurte eft fu-
jette à receler des mofettes dangereufes.
Des foffes (Caifance.
Il en eft, mais c’eft une exception à la règle,
dans jlefquelles le vuidangeur n’eft point expofé
aux accidens de là mitte & du plomb, & qu’il traite
de bonnes. De ce nombre font les foffes des ca-
fernes, collèges, maifons religieufes ; fans doute ,
à raifon de l’homogénéité de leur matière moins
fujette à contenir des corps étrangers à ce féjour.
L’ordinaire eft de rencontrer des foffes alternativement
bonnes & mauvaifes, « qui il arrive de
changer dix fois de cara&ères en vingt-quatre heures.
Une troifième claffe eft de celles qui font
malfaifantes depuis le commencement de leur vui-
dangè jufiu’à la fin , & dans Iefquelles l’ouvrier
petit à peine travailler quelques inftans de fuite.
Il règne une opinion populaire fur les foffes
nouvellement vuidées, c’eft qu’on n’y va pas impunément
& qu’on s’expofe à des hémorroïdes
ou à la diffenterie.
Ce qu’il y a de confiant, i*‘. c’eft que fouvent
ces foffes répandent, durant un jour ou deux,
plus de mauvaife odeur qu’elles n’en répandoient
avant leur vuidange. a°, C ’eft que les foffes nouvellement
vuidées ne font pas exemptes de la
mofette, de la jnitte & du plomb, comme l’é prouvent
les maçons dans le réparage de ces foffes
: moins faits que les vuidangeurs à cette mofette,
ils yfuccombent plus aifément. Tour récemment
ent péri, du plomb, deux maçons à Vaugi-
rard, & rue Boucherat. 3*. Enfin , telle foffe dont
les vuidangeurs n’avoient point eu à fe plaindre,
devient très-malfaifante au moment qu’ils la
quittent, & cela par la rentrée d’une portion de
vanne qui, par fon féjour dans les terres adjav
u i
centes où elle avoit filtré, fe trouve avoir pri$
un caraâère fingulièrement méphitique.
Les inconvéniens de cette infiltration, par rapport
aux puits qu’elle infeâe, & à l’atmofphère
qu’elle remplit de vapeurs les plus nuifibles, lors
de la démolition des foffes , ainfi qu’aux procès
qui en rèfultent fouvent entre voifins ; ces inconvéniens,
difons-nous , très-dignes d’attention, pour-
roient être aifément prévenus par un règlement
fur la conftru&ion des foffes ; règlement qui au*,
roit à les réformer dans toutes les parties de leur
conflru&ion.
Il devroit Jtre de principe de ménager d’avance
à l’air atmofphérique les moyens d’un ample &
libre courant dans les foffes que l’on vuide.
Qu’attendre à cet égard de la plupart des foffes
où des poteries coudées s’engorgenr de matière,
où des voûtes écrafées portent une clef placée au
hazard ! Ces vices de conftru&ion entrent pour
beaucoup dans les accidens qu’éprouvent les vui-
dangeurs.
Un homme de l’ art de bâtir, nous trace ainfi
fes idées fur le plan de folidité auquel il convien-
droit d’affujettir les foffes d’aifance.
Qu’un bon mur de moellon revêtu d’argile
appuie un fécond mur intérieur; que celui-ci foit
porté fur des pièces de bois de chêne ; qu’il foit
en moellon tendre, que l’on obferve s’enduire en
peu de temps d’une croûte qui les rend difficilement
perméables à la vanné; que le fol de la
foffe foit glaifé, & par-deffus la glaife, pavé à
chaux & à ciment.
V o ic i, fur les autres parties, la réforme à dé*'
firer ; que la poterie ne foit jamais que droite &
perpendiculaire ; que la clef fe trouve placée au
centre de la voûte, & en cas d’empêchement,
qu’elle s’approche du côté de , l’heurte ; que les
angles foient fupprimés, en donnant aux foffes la
forme circulaire., au lieu de la quarrée; que la
voûte relevée en arc imite les voûtes de cloître,
& donne pies de jeu à la circulation de l’air.
De quelques propriétés de l ’air des foffes*
Nous n’imaginions pas que nous aurions à comp*
ter des vertus médicinales parmi les propriétés de
cet air; il eft pourtant vrai qu’il eft, pour fis
vuidangeurs, le remède & le préfervatif de cerr
taines maladies.
La galle eft pour eux chofe inconnue ; ils peu*
vent fans rifque de la gagner, coucher avec des
galleux; & un galleux, qui prendrait le fervicè
de vuidangeur, peut être fûr que fous peu. de
v u i
jours fa galle difparoîtra ; leurs piqûres , écorchures
& petites plaies fe guériffent en vingt-
quatre^ heures ; les dartres , les éréfipèles ne les
attaquent point; jamais d’engelures; ni de gerçures
aux mains, qu’ils ont très-douces de peau.
En revanche les maladies vénériennes paroiffent
[s’aggraver par l’air qu’habite le vuidangeur ; pour
pouvoir - guérir, il faut qu'il fufppnde fon travail,
fans quoi les accidens s’aggravent malgré l’ufage
des remèdes, & les guérifors imparfaites tardent
[moins chez eux , que chez tous autres, à être
[fuivies du retour de la maladie dans toute fa vio-
[lence. En général les vuidangeurs ont le teint
mauvais, leur peau a quelque chofe.de luifant,
leurs cheveux croiffent peu & leur vieilleffe , toujours
prématurée, a pour compagnes ordinaires,
[la cécité & la paralyfie.
De l'air inflammable des foffes.
[ Soit que l’air inflammable ne faffe point tou-
[jours partie de leur mophète , foit que dans certaines
ils ne jouiffent pas affez librement de fes
[propriétés, le phénomène dont il s’agit n’a pas
[lieu à l’égard de routes les foffes ; celles qui font
[difpofécs à le manifi-fter, n’ont pas plutôt pris jour
[par la levée de.la clef, que l’approche d’une lu-
[mière fuffir pour leur faire prendre feu. Ce n’eft
[fouvent qu’un jet de flamme auffïfôt diflïpée qu’a-
[perçue ; mais il arrive quelquefois à cette flamme
[d’être considérable & de durer; elle eft très-légère
[& n’a point la force de mettre le feu aux corps
l.combuftibles ; nous l’avons vu brûler trois quarts
Id’heure durant dans une cave, au milieu de co-
I.peaux , fans toutefois les charbonnerj ce que.
[rifquent .les ouvriers qu’elle atteint, c’eft d’avoir
Iles cheveux & les poils du vifage gréfillés , tan-
Idis que leurs vêtemens ne font point endommages.
| On a vu,dès foffes affez fécondes en air inflam-
[ mable, pour reprendre feu de nouveau à l’appro-
| che d’une lumière, apiès deux jours paffés fans
[ y travailler. Dans une foffe qui n étoit point de
[celles qui prennent feu à leur ouverture , #nous
[avons jeté des morceaux de papier allumés, &
| nous avons vu naître une flamme bleuâtre, fillon-
[ nant la furface de la matière. L’expérience a été
[ répétée plufieurs fois de fuite à quelque diftance
î & toujours avec le même effet ; & la flamme fe
| refufant enfin à notre attente, le vent d’un très-
| gros foufllet dirigé dans la foffe , a fait revivre
I encore le phénomène, parce que fans doute le
[ gaz inflammable a befoin d air pour brûler, & que
S fans cela il éteint même la flamme.
Du fouffre des foffes d’aifance.
f L’académie a , dans fes mémoires, l'hiftoire de
Arts 6* Métiers• Tome VIII*
V u 1, 737
denx affiettes de vermeil trouvées dans une foffe
de Compïègne, Iefquelles étoient redevenues.dans
l’état de mine d’argent par la combinaifon de ce
métal avec le véritable foufre.
M. de Turgot nous a dit que, fous la prévôté
de fon père , & M. Geoffroi, de l’académie , étant
échevin, on fit, rue de Vendôme , une fouille
dans® un terrein qui avoir été autrefois une voirie
, & qu’à quelques pieds de profondeur, on rencontra
du foufre e a rognon.
Curieux d’obferver fur les lieux ce produit de
certaines foffes, nous avons été fatisfaits dans
une de celles que nous ayons vu ouvrir.
Le foufre qui s’y préfenta occupoit deux endroits
; une partie co.uvroit la furface intérieure
de la çlef d’une couche d’à-peu-près une ligne
d’épaiffeur.
Une autre partie, adhérente à la furface de la
croûte , y deffinoit une efpace ovale, diflingué
du refte par fa. couleur d’un blanc jaunâtre.
Le foufre de la clef étoit fous forme fèche
& friable, npus en avons vu depuis qui formoit
maffe, & reffembloit à des gouttes de foufre
fondu.
Le foufre qui repofoit fur la matière, étoit rendu
pâteux par le mélange d’un liquide qui n’influoit
pas moins fur fon odeur que fur fa ccnfiftanc;-.
Le premier étoit du foufre prefqu entièrement
pur; le fécond l’eft devenu par des lotions réitérées,
auxquels nous l'avons fournis, préalablement
à l’analyfe que nous avofts fait de l’un &
de l’autre.
Nous avons vu le foufre des foffes, entière-
,ment le même que le foufre minéral, fe liquéfier
à la chaleur , répandre en brûlant la flamme pro-
• pre à ce compofé , fe fublimer dans les vaiffeaux
fermés ', former hépar avec les alkalis fixes", &
fe diffoudre dans les huiles.
Nous avons trouvé dans ce foufre une efpèce
- d’infefte particulière que l’on nous a affuré habiter
la furface des matières, nous l’avons mis entre
bonnes mains s’il mérite d’être connu.
Comment on peut prévenir les inconvéniens de la
vuidange des foffes.
Affez heureux pour avoir' réufli à ôter à la vapeur
méphitique des foffes le pouvoir de nuire
à la falubrité de l’atmofphère , comme aufii à af-
furer aux vuidangeurs des fecours contre les accidens
mortels auxquels ils font expofés, nous
Aaa aa