
Le même puits fert à extraire la mine de charbon,
au moyen d’une roue perpétuellement en mouvement
par deux chevaux qui tournent fans celle
autour d'un pivot*
Plus loin font des amas fans nombre de charbon
que l’on défoufre, en les couvrant de terre, & y
mettant le feu, jufqu’à ce qu’ils aient atteint le
degré néceffaire pour être employés aux fourneaux.
Ces fourneaux feront au nombre de vingt, plü-
ficurs defqucls font actuellement en aétiviié.
Deux grands fourneaux font fous une halle fpa-
cieufe , & deux autres fous des halles collatérales ,
où la mine eft mife en fufion, coule à grands flots
toutes les vingt-quatre heures, par le moyen du feu
le plus v if qu’entretiennent des foufflets, dont l’air
eft mis en aCtion par une machine à feu qui ne joue
que par l’évaporation de l’eau comprimée; machine
curieufe , fuperbe , étonnante , hors de la portée
d’une imagination ordinaire, & qui produit prefque
fans mains d’hommes des effets furprenans.
Cette même machine communique encore l’air
nèceffaire à douze fourneaux ou réchauds, expofés
au grand air, où l’on déphlogiftique le charbon en
pouflière; mais ce qu’il y a de remarquable dans
cette opération, & dont on doit la découverte au
fieur Blanchard , ancien maître de forges , qui a
même eu une récompenfe à ce fujet, c’eft que cette
pouflière, qui n’étoit bonne que pour les ferruriers &.
maréchaux, forme des quartiers en fe déflegmant,
& devient propre à l’ufage des grands fourneaux,
ce qui eft très-avantageux.
L ’opération de ces réchauds eft aufli continue
que celle des fourneaux, & ne ceffe ni jours ni
nuits, de manière qu’il y en a toujours fix qui
chauffent pendant qu’on vide & qu’on remplit les
autres ; cette opération répand une odeur très-défa-
gréable, & produit même quelquefois de petites
exploitons; qui doivent faire craindre d’en approcher
de trop près.
Des deux côtés des deux grands fourneaux où
fe coule la mine fondue, font quatre fourneaux
à réverbère, où fe refondent les lingots fortis des
grands fourneaux, pour enfuite employer la matière
quils produifent à couler toute forte de canons,,
canaux, cylindres & autres chofes, en queique
forme qu’on puiffe les défirer.
On pourroit, Monfieur, rendre tous ces détails
plus intéreffans, fur-tout pour les perfonnes inf-
truites, en fe fervant des termes techniques &
propres à une defeription de cette nature ; mais
cela eft au-deflus de ma portée : je ne rends compte
que de ce que j’ai vu & pu comprendre, & ne
cherche qu’à donner une idée de la plus hardie ’
de la plus belle & de la plus utile des entreprifes.
La rapidité avec laquelle ce monument de la
puiffance royale s’élève, fera époque dans l’hiftoire.
On compte a&uellement plus de quinze cents
pérfonnes au Creufet, toutes logées, & cela en
moins de trois ans ; encore autant & la montagne
deviendra une petite ville , aux fecours fpirituels
de,laquelle il faudra pourvoir, car l’églife de Mont«
Cénis n’eft déjà plus fuffifante.
On affure que lorfque ces conftru&ions feront
à leur perfection, il fe coulera trente milliers de
fer par jour.
J’oubbois, Monfieur, de vous parler de deux
chofes très-fingulières & très-remarquables, qu’on
voit au Creufet.
Toutes les routes y font tracées par des pièces
de bois, auxquelles font adaptées des bandes de
fonte, fur lefquelles portent les roues des charriots
qui conduifent le charbon & la mine ; & ces roues
font conitruites de manière que le charriot ne peut
fe détourner, & eft obligé de fuivre la route qui
lui eit tracée ; enforts qu’un feul cheval, même
aveugle, conduit fans gêne jufqu’à quatre milliers
& plus.
Une autre opération également curieufe, eft la
pelée de chaque voiture de mine de charbon ; tous
les chemins par où on ia conduit, aboutiffent à une
bafcule lur laquelle les charriots doivent paffer;
chique charriot eft numéroté, & le poids en eft
connu.
Dans une petite loge joignant la bafcule, eft un
commis , dont l’emploi eft de pefer chaque voiture
qui paffe, & d’en tenir note. ~
Cette pefée fe fait par le moyen d’une efpèee
de romaine, qui çfbdans un caveau fous terre, &
des opérations fle laquelle le, commis juge, de fosn
cabinet, par une réduction des poids, de man ère
qu’une demi-livre, par exemple, qu’il pofe fur un
plateau qui correfpond de ion cabinet à la machine,
équivaut à vingt-cinq livres, ainfi du refte.
Cette manière de pefer eft très-ingénieufe &
très-fimple; & je ne fuis plus furpris fi l’on difoit,
il y a peu’, qu’il étoit en projet de faire pefer les
voitures comme cela fe pratique en Suiffe, foit pour
la conservation des chemins, foit pour l’acquittement
des droirs d’entrée ; cela fe pourroit, en
forçant les voituriers à mettre en évidence la tare
de leur voiture.
Il y a des ateliers de toute efpèee, où l’on
travaille le cuivre, le fer & le bois avec une
greffe furprenante.
Plus haut, & à quelque diftance des fourneaux,
dont je viens de vous donner une idée , s’élève
une verrerie royale pour les criftaux de la reine,
transportée de Saint-Cloud en cet endroit, qui,
fans doute, a para plus convenable.
On y voit déjà un corps-de-logis dans lequel
on compte cent quatre-vingt-feize croifées, & qui
ne tardera pas à être habitable.
Vis-à-vis les deux extrémités de ce bâtiment
font deux cônes de foixante pieds de haut, bâtis
en brique des plus folidement, dont la bafe forme
deux halles fuperbes, dans chacune défquelles il
y aura un fourneau pour la fonte des matières
vitrifiables.
Il y a encore d’autres bâtrmens pour la conf-
truftion des pots, le dépôt des matières & celui
des ouvrages conduits à leur perfection ; on y
fabriquera toutes fortes de criftaux & verrerie.
Procédé de la gravure fur verre , avec l*acide
fpatfuque.
M. de Puymaurin ayant obfervé qtie l’acide
fpathique ou fluorique a fur le verre prefque autant
d’aCtion que l’eau-forte & les autres acides ont fur
le cuivre & les autres métaux, il imita le procédé
des graveurs fur cuivre à l’eau-forte, & il couvrit
une glace d’un enduit de cire. Il y deftina quelques
figures , recouvrit le tout d’acide fluorique &
l’expofa au foleil. Il vit bientôt les traits qu’il avoit
gravés fe couvrir d’une poudre blanche, produite
par la diffolution du verre. Au bout de quatre ou
cinq heures, il détacha l’enduit & il lava la glace.
Il reconnut la vérité de fes conjectures , & fut
affuré que, par le fecours de l’acide fluorique,
on peut graver fur la glace & le verre le plus
dur, comme on grave à l’eau-forte fur le cuivre.
Les gravures fur des glaces épaiffes ou des verres ,
auroient l’avantage de pouvoir fe garder longtemps
fans être endommagées comme le cuivre,
qu’on ne réuffit pas à garantir de la rouille produite
par la-feule humidité de l’air.