
V E R S O L I T A I R E .
( Art curatif du )
S ans vouloir fortir des bornes circonscrites de
notre travail, & fans vouloir traiter des objets
qui concernent la médecine,. nous croyons pourtant
devoir entrer dans les vues du gouvernement,
en publiant aulli les fecrets qu’il a acquis d’une
cure particulière du ver folitaire.
Le traitement d’un mal auffi cruel & aufli extraordinaire
ne peut être fans doute ni trop connu
, ni trop répété.
Traitement de Madame Nouffer, contre le Ténia ou
ver folitaire y publie par ordre du gouvernement,
vers la fin de r/j5.
Sa majeflé Louis XV ; inftruite de la célébrité
& de l’efficacité de ce remède, en fitTacquifitioü
de Madame Nouffer, qui radmïniftrqit., à cette
époque , à Morat en Suiffe , depuis vingt ans ,
avec le fuccès le plus foutenu, d’après les inf-
truâions & l’exemple de fon mari. M. Turgot,
alors contrôleur général des finances , & M. de
Trudaine, intendant des finances, après l’avoir
fait examiner par MM. de Laffone, Macquer ,
Gourley de la motte , A.-L. de Jufiieu, de Car-
buri & Cadet, pour en vérifier les effets , le firent
publier.
Le ténia à anneaux courts , plus connu fous le.
nom de ver folitaire, féjourne dans: les inte/îins
de l’homme & de quelques autres claffes d’animaux
, & paroît fe nourrir du chyle préparé dans
leur eftomac. Divers fymptÔmés annoncent fa
préfence : les malades ont des rapports; un fôm-
meil interrompu , une faim dévorante, ou quelquefois
un dégoût générai, des coliques, des
naufées, des étourdififemens, des démangaifons
au nez, des vomiffemens, des déieRions fluides
& blanchâtres, quelquefois des conffipations, une
tenfion légère dans le bas ventre, une fenfation
douloureule dans la région de l’eftomac, que l’on
fait ceffer en prenant de la nourriture; quelques-
uns ont de la toux, des convulfions, de la fièvre
avec friffon : fi ce mal n’eft arrêté ou diminué
par des remèdes convenables, ils tombent dans
le marafme.
Madame Nouffer n’exige de fes malades aucune
préparation particulière jufqu’à la veille de l’admi-
hiftration du remède. Ce'jour, ils doivent fe priver
de tout aliment après le dîner , & prendre
feulement, fur les fept ou huit heures du foir,
une Çoupe ( ci-après n°. i ) ; un quart-d’heure
enfuite elle leur donne un bifeuit & un gobelet
ordinaire de vin blanc pur ou détrempé avec
de l’eau, ou même de l’eau toute pure à ceux
qui ne font pas habitués au vin. Si le malade n’a
pas été à la garderobe ce jour-là, ou qu’il foit
échauffé ou lujet aux conffipations, ce qui eft
rare quand pn a le ver plat, Madame Nçuffer,
lui a fait prendre le lavement fimple, n°. 2 ,
qu’il doit garder le plus longtemps qu’il peut ;
enfuite il fe couche & repofe de fon mieux.
• Le lendemain de grand matin1, environ huit
ou neuf heures après la foupe , il prend dans fon
lit le fpécifique ; h6.' 3 ; & pour faire paffer les
naufées qui viennent quelquefois à la fuite, il
mâche du citron ou autre chofé femblable, ou
fe gargarife la bouche avec quelque liqueur, fans
rien avaler, ou il le contente de refpirer du bon
vinaigre. Si malgré ces précautions, les naufées
font trop fortes, fi-les efforts du malade, pour
garder le fpécifique, font impuiffans , il en reprendra
une nouvelle dofe dès que les naufées
feront paffées, & tâchera de s’endormir auffi-tôt
ap.iè;. •-
Au bout de deux heures, il fe lèvera pour pren^
dre le bol purgatif, n°.. 4. en une ou plufiçürs
prifes, .& boira par-deffus une ou deux taffes de
thé vert peu chargé; il fe promènera enfuite dans
la chambre,. Lorlque la purgation commencera à
faire effet, il prendra, de temps à autre, une
nouvelle taffe de thé léger, jufqu'à ce que le
ver foit rendu; alors, & pas avant, Madame
Nouffer lui donne un bouillon, qui eft bientôt
fuivi d’un autre, ou d’une foupe, fi le, malade la
préfère. Il dîne comme , on fait un jour de purgation;
après le dîner , il fe repofe fur fon lit,
ou va faire un tour de promenade fe condiûfant
tout ce jour avec ménagement, loupant peu &
évitant les alimens indigeftes.
La guérifon eft alors parfaite : mais elle'ne s’opère
pas avec la même promptitude dans tous
V E R 387
aucune les fujets. Celui qui n’a pas gardé tout le bol, ou différence dans les effets ni dans les fuites.
que ce bol ne purge pas affez , prend , au bout
de quatre heures , depuis deux jufqu’à huit gros de
fel de Sedlitz, ou à fon défaut, du fel d’Epfom
diffous dans un petit gobelet d’eau bouillante : on
varie la dofe félon le tempérament & les circonf-
tances.
Si le ver ne tombe pas en peloton, mais qu’il
file, (ce qui arrive particulièrement quand lever
eft engagé dans des glaires tenaces qui ont peine
à fe détacher ) le malade doit refter à la garde-
robe fans le tirer, & boire du thé léger un peu
chaud : quelquefois cela ne fuffit pas , & l’on a
recours à une dofe de fel de Sedlitz, fans changer
de fituation jufqu’à ce que le ver foit rendu.
Il eft rare que les malades, qui ont gardé le
fpécifique & la purgation, ne rendent pas le ver
âvant l’heure du dîner : ce cas particulier a lieu
lorfque le ver tué refte en gros pelotons dans les
inteftins , de façon que les matières , ordinairement
plus claires fur la fin de la purgation, paf-
fent au travers, & ne l’entraîne pas ; le malade
peut alors dîner, & l’on a obfervé que le manger
, joint à un lavement, concouroit à la fortie
du ver.
Quelquefois le ver fort par l’a Ri on feule du
fpécifique , avant qu’on ait pris le bol ; alors Madame
Nouffer ne donne que deux tiers de celle-
c i, ou elle lui fubftitue le fel. p
Les malades ne doivent point s’inquiéter des
chaleurs & du mal-aife qu’ils éprouvent quelquefois
pendant l’aRion du remède, avant ou après
une forte évacuation, ou lorfqu’ils l'ont prêts à
rendre le ver ; ces impreflions font paffagères, &
fe diffipent d’eiles-mêmes , ou à l’ aide du vinaigre
refpiré par le nez.
Ceux qui ont vomi le fpécifique & le bol, ou
qui n’en ont gardé qu’une partie, ne rendent quelquefois
pas de ver ce jour là. Madame Nouffer leur
fait reprendre le loir la foupe, n°. 1 , le bifeuit,
la boiffon , & fuivant les circonftances, le lavement,
n°. 2. Si le ver ne fort pas dans la nuit,
elle donne le lendemain , de bon mâtin , une nouvelle
dofe de’ fpécifique ; deux heures aptès, fix
à. huit gros de le l, & dirige du refte fon malade
comme le jour précédent, à l’exception du bol
qu’elle fupprime.
Elle obferve, en finiffant, que les grandes chaleurs
diminuent un peu l’aRion de fon remède;
aulîi a-t-elle toujours préféré de l’adminiftrer dans
le mois de feptembre ; quand elle n’a pas eu le
choix de la faifon, & qu’elle s’eft vue obligée de
traiter des malades dans les jours les plus chauds
de l’é té , elle donnoit *le fpécifique de très-grand
matin; avec cette précaution, elle n’a remarqué
Le ver foli<a:re eft le feul fur lequel le remede
de Madame Nouffer a une aRion certaine, quoi-,
qu’elle le regarde aufli comme très-utile contre le
Ver cucurbitin ; elle avertit pourtant que ce dernier
eft beaucoup plus difficile à déraciner, & que
pour en guérir , il faut répéter le traitement plus
ou moins fouvent, félon la conftitution du malade.
N°. 1 , la fo u p e. Prenez une livre & demie d’eau
ordinaire, deux à trois onces de bon beurre frais
& deux onces de pain coupé en petits.morceaux;
ajoutez-y la quantité de fel fuffifante pour l’affai-
fonner ; cuifez le tout à bon feu; en le remuant
fonvent jufqu’à ce qu’il foit bien lié & réduit en
une bonne panade.
N°. 2 , lavem ent. Prenez feuilles de mauve &
de guimauve, de chacune une petite poignée ;
faites-les bouillir dans fuffifante quantité d’eau;
mêlez-y une pincée de fel ordinaire, & après
avoir coulé, ajoutez deux onces d'huile d’olive.
N°. 3 , fpécifique. Prenez deux ou trois gros de
la racine de fougère mâle, cueillie en automne , &
réduite en poudre très-fine ; donnez cette poudre
dans quatre ou fix onces d’eau de fougère ou de
fleurs de tilleul.
L’eau de tilleul ou celle de fougère n’eft pas
abfolument'néceffaire , & peut être remplacée par
l ’eau fimple. Madame Nouffer l’a fubftituée dans
un traitement, n’^n ayant pas d’au.re fous la main ;
elle ne regardoit pas cette différence comme fort
importante.
Il faut que le malade paffe deux ou trois fois de
certe même eau dans fon gobelet, & qu’il la boive
après s’en être rincé la bouche , pour n’y rien
laiffer.
N°. 4 , bol p urgatif. Prenez panacée-mercurielle
fublimée quatorze fois ; réftne de feammonnée
d’Alep bien choifie , de chacune dix grains; gomme
gutte, bonne & fraîche, fix à fept grains:
réduifez féparémentchacune de ces fubftances en
poudre fine , enfuite vous les mêlerez enfemljle
pour en faire un bol avec de la bonne confeRion
d’hyacinthe.
Tablettes verm ifuges & purgatives de Madame
N o uffer.
Prenez réfine de jalap & mercure doux , de chacun
deux gros ; coraline , un gros & un fcrupule ;
blanc d’Efpagne ou de Troye, deux gros & deux
fcrupules; fucre blanc, fix onces : réduifez chacune
de ces fubftances en poudre fine, ayant foin
j de tamifer le fucre & la coraline; vous mêlerez