
qu’elles demeurent fous l’arbriffeau font fujettes à
de prompts changements ; en forte que fi on n’é-
glige de les cueillir à propos, elles peuvent perdre
beaucoup de leur vertu en une feule nuit.
On apporte aufii beaucoup de foin & d’attention
pour le thé de l’Empereur de la Chine , comme
pour celui de l’Empereur du Japon. On fait un
choix fcrupuleux de fes feuilles dans la faifon convenable;
on cueille les premières qui paroiffent au
fommet des plus tendres rameaux : les autres feuilles
font d’un prix médiocre.
On les feche toutes à l’ombre 8i on les garde
fous le nom de thé impérial. Parmi ces feuilles on
fepare encore celles qui font plus petites de celles
qui font plus grandes ; car le prix vaut félon la
grandeur des -feuilles.
Le thé qui fort de la Chine eft rarement pur,
parce que les chinois, dont la bonne foi eft fou-
vent fufpe&e dans le commerce , y mêlent toujours
d’autres herbes pour en augmenter le volume
& en tirer plus d’argent, quoi qu’il ne vaille
chez eux que depuis trois jufqu’à dix fols la
livre.
On ignore à la Chine ce que c’eft que la
fleur de thé : ils ne connoiffent pas aufii tous
ces noms qu’on n’a imaginés en Europe que pour
donner plus de prix à cette marchandife fans en
augmenter la qualité. On ne connofr à la Chine
que le the foumlo & le thé yoüi qui foient ré-
fervés pour les grands feigneurs & pour les malades.
Les Chinois nous envoient leur thé dans des
boîtes d’étain qu’on nomme barfes, & qui contiennent
jufqu’à cinquante livres de ces feuilles.
Quand on veut faire achat de thé, il le faut choifir
v e rd , odorant, & prendre garde qu’il ne foit
pas éventé.
Le thé-bou eft une forte de thé qui s’achete à
Nanquin : les Chinois de canton en exportent
beaucoup à Batavia,
De quelque qualité que foit le thé, il paie en
France pour d.-oit d’entrée huit fols par livre
conformément à l’ordonnance de i 664, & dix
fols aufii par livre en conféquence de l’arrêt du
confeil d’état du 12 mai 1693.
-Quoique le climat de l’Europe ne foit pas aufii
favorable au thé que celui de TA fie , cette plante
étrangère y vient, affez facilement , mais cependant
comme un petit arbufte, quand on fait
choifir une bonne terre, le tëmer & le cultiver
à propos.
Quand on eft curieux d’avoir chez foi cette
plante, dont le produit dédommage bien peu
des peines 6i des foins qu’on vy a pris, on commence
par choifir une bonne terre; &,afin de
ne pas s’y tromper on en fait trois couches en
trois endroits différents.
On féme à la fin de la lune de mars un tiers
de la graine de thé fur la première couche qu’on
a faite; on enfemence à la nouvelle lune d’avril
la fécondé couche d’une égale quantité de fe-
mence, & on met lè refte de la femence fur la
troifième couche à la pleine lune du même mois ;
& on obferve pendant l’été d’arrofer légèrement
ces couches fur le foir.
Lorfque les trois femailles n’ont pas réurtî
egalement, le thé de celles qui ont donné une
pouffe plus vigoureufe eft en état d’être tranf-
planté cinq femaines après avoir été femé. Cette
tranfplantation fe fait fur des couches qui n’ont
pas été enfemencées, & à trois temps différens,
à huit jotirs d’intervalle l’un de l’autre.
Dès que cet arbufte commence à donner des
feuilles., il répand des corpufcules qui flattent
agréablement l’odorat, & dont le parfum eft
affez fort. Ses feuilles l'ont en Europe longues
& ovales : on cueille les premières une à une
au commencement de feptembre. Cinq à fix femaines
après on récolte celles qui font le moins
avancées.
La troifième récolte, qui eft celle des plus
petites feuilles, fe fait dans les climats chauds
vers la fin d’o&obre, avant que le foleil fe faffe
beaucoup fentir.
Après la récolte des feuilles, on les met dans
une chambre fur un drap où elles fechent à l’ombre,
ou bien on les met fur des claies couvertes
de papier blanc, & on a foin de les remuer
fouvent pour leur faire pafiér leur humidité, &
leur trop grande odeur.
On a vu ci-deffus comment les Chinois la
leur faifoient perdre , en les échaudant dans de
l’eau bouillante, & en les jettant enfuite fur des
plaques de cuivre affez chaudes pour les faire
frifer.
On prétend aufii que les Chinois mettent fur
ces plaques des bouquets de violettes, ce qui
donne au thé qui vient de chez eux une odeur
qui ne lui eft pas naturelle.
Le thé qu’on recueille en Europe, n’ayant pas
cette préparation , n’eft point frifé & conferve
fon odeur naturelle; il a plus ou moins de force,
relativement au temps qu’on le laiffe à l’air dans
une chambre dont on ne le retire pour le mettre
dans des boîtes que lorfqu’il a perdu fa plus
grande odeur. 4 .
Pour confervér cet arbufte pendant quelque
temps , il faut le couper au pied tous les ans au
mois de novembre; c’eft le moyen de le faire
repouffer deux ou trois années de fuite.
Après qu’on a coupé les tiges de cette plante,
on les met fécher fur.un drap comme les feuilles
: la graine la plus menue tombe d’elle-même:
on fait tomber l ’aufre en la battant comme on
fait les épis de bled; & confine par les coups
redoublés qu’on leur donne, les petites feuilles
qui étoient fur les tiges s’en détachent, on a
foin de les ramaffer, & elles forment une efpèce
de quatrième moiffon.
Dans fes réglés fur la fanté & fur les moyens
kde prolonger la vie , M. Chegne, médecin célébré ,
après avoir parlé du thé verd & du thé-bou ,
dit que M. Cuningham, qui eft un favant qui a
vécu plufieurs années à la Chine, l’a affurè que
ces deux efpèces de thé fe tirent du meme ar-
briffeau , mais en différentes faifons ; que les Chinois
nomment thé-bou celui qui eft^ cueilli au
printemps & féché au foleil, & the-verd J celui
qui eft féché au feu ; & qu’il préfume qu’outre
ces différentes manières de le fécher , on verfe
par deffus le thé-bou l’infufion de quelques plantes
ou de quelque terre pour lui donner la douceur,
la faveur, & la pefanteur qu’il a fur lef-
tomac, & que par ce moyen il devient une pure
drogue ; que le thé verd, ordinairement plus
fimple , eft léger à l’eftomac , quand on le boit
ni trop fort, ni trop chaud, & ,qu il eft adouci
avec un peu de lait ; que pour lors il.devient
propre à nettoyer les partages alimentaires, &
à emporter les fels feorbutiques & urineux.
Les Chinois dont nous fuivons la méthode ,
verfent de l ’eau bouillante fur les feuilles entières
de thé, que l’on a mifes dans un vaiffeâu
deftiné à cet ufage, & il* en tirent la teinture ;
ils y mêlent un peu d’eau claire pour en tempérer
l’amertume, & la rendre plus agréable : ils
la boivent chaude.
Le plus fouvent, en buvant cette liqueur , ils
tiennent du fucre dans leur bouche , ce que font
rarement les Japonois ; enfuite ils verfent de
l’eau une fécondé fo is , & ils en tirent une nouvelle
teinture qui eft plus foible que la première.
Après cela ils jettent les feuilles.
On vend dans les boutiques, différentes efpèces
de thé , fo js des dénominations diverfes
qu’il eft bon de connoître.
Le thé impérial le plus cher de tous, non-feulement
à caufe du choix de fes feuilles ; mais a
caufe de leur odeur fubtile & agréable qui eft
tant eftimée des Indiens mêmes. Ce thé n’eft
pas le même qui eft réfervé, pour 1 Empereur
& la Cour de la Chine. Le thé impérial d’Europe
a la feuille affez grande, lâche ou peu roulee ,
& fa couleur eft d’un beau vert.
M. Haller, obferve que le thé le plus agréable
eft celui qui nous vient de la Chine par terre^,
& que la CaraYanne apporte à Péterfbourg. Il a
une odeur de violette fort douce que les thés arrivés
par mer n’ont pas.
Le thé vert eft en feuilles longuettes, fortement-
roulées, tirant fur le vért. Quand elles font nouvellement
préparées , leur infufion eft claire &
verte , d’une faveur agréable , d’une douce odeur
de foin nouveau ou d’iris ou de violette ; mais
les Chinois prétendent que cette odeur ne lui eft
point naturelle : toujours eft-il vrai qu’en Europe
, on fe plaît à lui procurer ou conferver ou
augmenter ce parfum , en mettant dans les caif-
ies remplies de thé des chapelets de racines d’iris
de Provence; ce thé eft légèrement aftringent ;
le fucre qu’on y met en corrige l’âcreté. On dit
qu’en Chine l’ufage eft de le boire pur.
Le thé'bohea , ou thé-bout, ou thé roux, ( thea-
bohea ) , eft d’un roux noirâtre. La feuille en eft
petite, arrondie & très-roulée. Elle a été plus froif-
fée & plus rôtie que le thé vert. On n’en fait la
récolte qu’en avril & mai. Cette efpèce de thé
donne à l’eau une couleur jaunâtre. Elle a peu
d’âcreté : elle a le goût & l’odeur du thé vert :
celui-ci fe prend volontiers à l’eau , & le thé-
bout< au lait.
Le thé-pekao dont les pointes (ont blanchâtres.
Ses feuilles font longues & petites , affez tendres^;
ont rie s’en fert guères en France, qu’en
nfédicament. En Irlande c’eft la feule efpèce de
thé, dont on faffe ufage en boiffon avec du lait,
du miel , & quelquefois avec un peu d’eau-de-
vie de Genièvre.
Le thé keyfven-fkine eft rouffâtre & comme
bleuâtre.
Le thé faor-chaon eft d’un noir fauve.
Le thé fon-lot ou plutôt fong-lo eft d’un vert
brun.
Le thé kamphon eft verdâtre.
Au refle toutes ces fortes de thés du commerce
ne proviennent pas d’autant d’arbuftes différens;
mais,1a diverfité des feuilles confifte principalement
dans le temps qu’on les a recueillies
& dans la manière dont on les a préparées ,
i laquelle eft particulière à chaque province. Enfin
le terroir, l’âge de l’arbufte , & le choix des
feuilles préfentent aufii des différences dans les
diverfes efpèces de thé.
Thé de Flandres. Les colporteurs appellent ainfi
une efpèce de thé de la Chine , dont on a déjà
tiré une légère teinture dans les Pays-Bas & en
Angleterre.
On vend beaucoup de ce thé , en France &
en Allemagne , aux gens du peuple dans les campagnes
où l’on fait un grand ufage du thé.
Ce thé eft à grand marché. Ses feuilles font