
le coup-d’oeil gélatineux qui en altère là tranfpa-
rence, 8c les ftries, efpèces de fils dont M. Mac-
quer donne une exa&e description, en les comparant
( diâionnaire de chimie, tom. 2 , pag. 672,
i re. édition ) aux filets qu’on aperçoit dans deux
liqueurs de différentes denfités , comme l’eau &
refprit-dë-vinlorfqu’on les mêle, & avant qu’elles
foi en t parfaitement mêlées. M. Libaude appelle
cës ftries, lames ou tables y & il a obfervé que ces
lames étoient difpofées horifontalemènt 8c parallèlement
à la furface du verre. Cette remarque eft
exaéte , finon pour la totalité des ftries, du moins
pour la plus grande partie, & j’ai eu l’honneur de
communiquer à l’académie de Dijon , une obfer-
vation femblable, que j’avois faite de mon côté
en m’occupant du même objet. M. Libaude, d’après
cette difpofition des lames, ne balance pas
à attribuer ce défaut au peu d’union que prennent
entr’eux les différens coups de verre que l’on eft
obligé de cueillir pour faire la paraifon, & qui
rend fenfible la fuperpofition de chaque cueillage,
les uns fur les autres. Cette caufe paroît vraifem-
blabié lorfqu’on Souffle le criftal ; mais le flint-glafs
que j’ai fait travailler , dont il exifte des morceaux
dans le cabinet de l’académie de Dijon, &- dont
cette illuftre compagnie a daigné parler avec éloge
( élémens de chimie ) , ce flint-glafs a été coulé
en table, d’un feul jet, à la manière des glaces;
il n’a cependant pas été toujours exempt de ftries
ou tables : il exifte donc-une autre caufe des ftries.
D ’après les expériences de M. Macquer fur le flint-
glafs ( voyez ion mémoire à ce fujet, inféré dans
le volume de l’académie des fciences , de 1773 ) ,
comme d’après mes propres ôbfervations, il faut
attribuer ce défaut à la différente pefanteur fpéci-
fique des fubftances qui entrent dans la compofition
du criftal. On combine, dans le même verre, un
fondant falin 8c un fondant métallique : celui des
deux dont l’aélion du feu détermine plutôt la
fufion, ne fe mêle pas affez intimément à celui
dont la fufion arrive enfuite; ce font en effet deux
fluides vitreux de denfités différentes , dont le
parfait mélange fe fait difficilement. L’artifte fe
trouve ici dans une fituation fort délicate : s’il
n’emploie que la chaux de plomb, fon criftal fera
plus homogène, mais il courra fouvent le rifque
de voir percer fes creufets : s’il n’emploie que le
fondant ialin , fon criftal fera d’ailleurs fort homogène
, n’atteindra jamais le degré de denfité qu’on
récherche. Je ne vois de moyens de prévenir les
ftries , ou du moins d’en diminuer- beaucoup la
quantité, que le mélange bien fait de-toutes les
matières avant de les enfourner , & enfuite la
chauffe la plus violente pour déterminer la vitrification
dans le moins de temps poflible, & occa-
fioner, dès le commencement de la fufion , une
vive ébullition dans les matières.
Quant au coup-d’oeil gélatineux, M. Maquer,
dans le mémoire déjà cité, l’attribue, comme les
ftries, au défaut d’uniqn intime des chaux de
plomb avec les matières fableufes, & il cherche
à y remédier en donnant au verre, par l’addition
desfondans, plus de fluidité, pour que les parties
qui le conftituent, aient d’autant plus de facilité
à agir les unes fur les autres. La jviolence de la
chauffe efl un remède d’autant plus puiflant, qu’il
contribue à produire la fluidité que defire M. Macquer
, & qui paroît, dans fes expériences, avoir
fait un bon effet. Une fécondé caufe du gélatineux
eft le mélange d’une fubftance opaque que j’ai
remarquée en bain fur la furface d’un flint-glafs
compofé avec l’alkali fixe végétal. Ce n’eft qu’un
fel de verre terreux ou un tartre vitriolé qui s’évapore
difficilement, & qui refte quelquefois engagé
dans le verre même, lorfque celui-ci n’eft pas affez
fluide pour lui permettre de monter à fa furface:
l’aéfion d’un'feu violent contribuera beaucoup à
prévenir cet inconvénient auquel on fera du refte
moins expofé , fi l’on emploie de l’alkali minéral
pour fondant. En effet, nous avons vu ci-devant
que le verre produit par l’alkali fixe minéral, eft
plus fluide y toutes chofes égales d’ailleurs , que le
verre d’alkali végétal, & que le fel de verre fourni
par le premier de ces fondans, eft moins tenace
que celui fourni par le fécond.
Le flint-glafs peut & doit être tiré à l’eau comme
les autres criftaux, et refondu enfuite : on trouvera
les mêmes avantages de purger le criftal de fels
neutres, & l’obtenir plus fin. Quoiqu’il ne foit
abfolument néceffaire de fondre le verre à pots
couverts que quand on emploie le charbon de
terre pour combuftible, j’adopterois volontiers le
parti propofé par M. Libaude, de fe fervir de pots
couverts dans tous les cas , pour la fufion du flint-
glafs : on fera d’autant plus- affuré de fa pureté.
Il paroît donc que les procédés à employer pour
obtenir un bon flint-glafs, fe réduifent fur-tout à
fondre au plus grand feu poflible , & à pots couverts
, du fable blanc 8c pur, combiné avec une
quantité de chaux de plomb , capable de procurer
à notre criftal la denftré demandée, & avec l’alkali
fixe le plus pur, en auflî petite dofe que nous le
pourrons , en confervant au bain de verre toute
la fluidité néceffaire & requife. Parmi lés chaux
de plomb, nous préférerons le minium, comme
en général moins, fujet à falfification dans le commerce
, 8c, parmi les alkalis fixes, le minéral.
Nous tirerons le verre à l’eau, & , pour qu’il contienne
d’autant moins de fej de verre, nous ern-
ploirons l’alkali fixe minéral criftallifé, ou , fi quelques
circonftances nous obligent à nous fervir d’al-
kali fixe végétal, il conviendra de le purifier avec
grand foin de tout sel neutre, par des criftallifa-
tion§ répétées.
Je ne fuivrai pas M. Libaude dans les détails
des compofitions qu’il a fucceflivement employées
; pour
VE R
oouf parvenir à faire du flint-glafs : on peut le voir
dans fon ouvrage même. J’obferverai feulement
au’il n’indique la pefanteur fpècifique que d’un
feul de fes criftaux , & il l’annonce de 1070 grains
par pouce cube; denfité bien différente de celle
du criftal anglois, dont le pouce cube pèfe 1230
grains.
Après un affez grand nombre d’épreuves faites
en petit, dont la plupart me ptéfentèrent des résultats
peu fatisfaifans , .je fis, fous les aufpices de
M. le comte de Buffon, une expérience en grand ;
j’enfournai dans un creufet capable de contenir le
verre néceffaire à la fabrication d’une glace de 100
p ouce s...................... 100 liv. Sable blanc.
. 100 liv. Minium.
50 liv. Potaffe.
3 liv. ^ Salpêtre.
; 3 5 3 liv- i
conformément à la compofition inférée dans le
tome Ier. des fupplèmens à l’hiftoire naturelle de
l’édit, in-40. pag. 98.
Je fis couler mon criftal bien affiné fur une table
de cuivre , à la manière des glaces, fur une épaif-
feur de trois pouces. Ce bloc fut caffé à la recuiffon ;
mais dans les fragmens, dont certains pefoient plus
de quinze livres , je trouvai tous les morceaux du
plus beau blanc & de la plus grande fineffe, quel-,
ques-uns d’entr’eux de la plus grande netteté & de
la plus parfaite tranfparence, d’autres enfin affectées
de ftries & du coup-d’oeil gélatineux. Ce criftal
, fournis à la balance hydroftatique, fe trouva
pefer 1356 grains par pouce cube.
Cette grande expérience prouve par le fait ,
non-feulement la poffibilité , mais la certitude de
produire de très-beau flint-glaff ; elle confirme en
même temps la difficulté déjà connue de l’obtenir
tout de la même qualité ; mais on fera fondé
à attendre un fuccès plus complet, fl , comme
nous l’avons dit ci-deffus, on employé l’alkali fixe
minéral au-lieu du végétal, & que, dans la compofition
dont nous venons de donner les dofes ,
on fubftitue à la potaffe les criftaux de foude,
& au falpêtre le nitre quadrangulaire. Il faut
feulement obferver , que les criftaux de foude
retenant beaucoup d’eau de criftallifation , il
faudra que la dofe en foit plus forte que celle
de potaffe , à moins que par une calcination préparatoire
, on- n’ ait diffipé cette eau de criftallifation.
Au refte la compofition de M. de Buffon ,
quand elle ne feroit pas employée pour faire duflint-
glaff , feroit toujours très-recommandable ; le
criftal blanc , qui en réfulte, eft de la plus belle
eau, & une maffe de trois ou même quatre pouces
d’épaiffeur n’apporte pas le plus léger changement
à la couleur du papier blanc que l’on
regarde au travers.
Arts & Métiers. Tome VIII.
V E R So5
En me fervant de cette compofition, je ne la
fis pas fritter ; en effet aucune des matières qui
en font partie, ne paroît exiger cette opération
préliminaire, étant toutes purgées d’avance de
principe colorant.
Pour former le flint-glaff en plateaux, fels que
l’on les vend pour faire des objectifs, M. Libaude
s’eft convaincu par l’expérience, que l’opération
du foufflage , exécutée fouvent avec maladreffe,
procuroit au criftal des défauts qu’il n’avoit pas
par lui-même; il a aufîi remarqué que le fréquent
attouchement des outils le terniffoit. Ces confi-
dérations l’ont mis dans lé cas de propofer deux
moyens qui ont l’un 8c l’autre le mérite de la
Simplicité.
Il place dans le four, des moules de terre à pots ,
de la dimenfion des plateaux qu’il veut faire : lorfque
le verre eft prêt à être travaillé, ilenpuife avec
une poche ou cuiller, & remplit fes moules,
enfuire il retire fes plateaux dans leurs moules,
& les foumet à la recuiffon par les procédés ordinaires.
J’ai éprouvé ce moyen 8c j’ ai eu occàfion
d’obferver combien il êtoit rare d’obtenir un
morceau de verre entier : le verre en fe réfroi-
diffant tend à occuper moins d’efpace, 8c à faire
retraite fur lui-même; fon adhérence aux parois
du moule s’oppôfe à ce mouvement , & de
cette contrariété d’efforts réfulte prefque toujours
la deftru&ion de la pièce moulée.
Le fécond moyen de M. Libaude confifte à
prendre du criftal dans le pot avec une poche de
cuivre , 8c à le jeter d’un feul jet , en renver-
fant la poche fur une plaque ou dans un moule
de cuivre ; on le dégage bientôt après du moule J
8c on le fait recuire. Je préférerois la plaque au
moule; il eft à craindre , fi le verre eft trop chaud,
à l’inftant qu’on le puife, qu’il ne s’ attache aux
rebords du moule , 8c que cet accident n’err oc-
cafionne la caffe. Cette dernière manière de travailler
le flint-glaff, quoiqu’à mon gré plus avan-
tageufe que la précédente, n’eft pas fans inconvénient.
Par ce procédé, la forme de la cuiller
doit rendre le morceau de verre plus épais dans
fon milieu que fur fes bords, à moins que l’on
ne fe détermine à l’étendre 8c à l’applatir avec
un inftrument quelconque. Si on le laifîbit tel
’ qu’il fort de la cuiller , l’inégalité trop fenfible
d’épaiffeur rendroit le fuccès de la recuiffon fort
incertaine. D ’ailleurs , en faifant des objedirs avec
le criftal dans cette forme , il y aura beaucoup à
enlever de fon épaiffeur, 8c par conféqueht beaucoup
de verre à perdre, fi on applacit la matière
jetée, on fe rapproche de la coulée; puifque
cette opération ne confifte qu’à jeter le verre
fondu, d’un feul jet, 8c fans interruption fur une
table de cuivre, & à l’étendre avec un rouleau
auffi de cuivre; c’eft ce dernier procédé dont je