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fe trouve encore confirmé par un fait rapporté dans
les mémoires de i’acadèmie. Il eft dit que deux
affiet*es de vermeil que l’on retira d’une folie d é fiance
à Compiegne, étoient redevenues dans l’état
de mine d’argenr, par la combinaifon de ce métal
avec du véritable foufre. O r , l’on fait que le foùfre
n’a d’aâion fur l’argent que par l’uftion; mais il
ne touche point à l’or. Il n’en eft pas de même
lorfqu’il eft uni à un alkali, & qu’il eft devenu
foie de foufre. Il attaque & difDut également ces
deux métaux ; ainfi le phénomène des deux ailiet-
tes de vermeil, rapporté dans les mémoires , s’explique
tout Amplement par notre théorie.
Enfin, pour peu qu’on faffe attention à l’aâion
du foie de foufre réduit en vapeur fur les matières
animales qu’il corrode & brûle pour ait.fi dire,
les funeftes phénomènes du plomb & de la mitre
dont les vuidangeurs font les vi&imes,, s’expliquent
naturellement , & ne font vrailemblable-
ment que les fuites néceffaires de l’aélion du foie
de foufre fur les organes de la refpiration ; le ref-
ferremer.t du gofier, 'les cris involontaires, le jeu
convulfif de la glotte qui fait moduler des fons ,
la toux ccfivulfive, &c. femblent prouver cette
affertion.
Mais le foie de foufre, en fuppofant qu’il foit
le principe & /a caufe des effets que nous venons
de citer, n’agit que lorfqu’il fe décompofe ; car
l’on fait qu’il n’a prefqu’aucune odeur dans fon
état de combinaifon intime : il faut l’aâion d’un
acide quelconque , comme nous l’avons d it , &
çomme tout le monde fait, pour opérer cette dé-
compofuion; nous nous fomrnes convaincus par
des expériences que nous allons rapporter, que
l’air fixe suffit pour opérer ce phénomène ; ainfi
la chaux & tous les corps qui abforberont l’acide
qui agit dans les foffes d’aifance fur le foie de
foufre, s’oppoferont à fa déçompofition, & ,feront
un moyen d’empêcher ou de diminuer l’odeur &
fes mauvais effets.
L’expérience en petit & en grand que nous avons
faite , juftifie parfaitement cette théorie.
Nous avors mis du foie de foufre diffous dans
de l’eau diftillée dans deux vafes de verre, nous
avons verfé deffus quelques gouttes d’acide; aufli-
tot l’odeur défagréable s’eft fait fentir très-fortement;
nous avons ajouté de l’alkali fixe en liqueur,
& l’odeur a ceffé fur-le-champ. La chaux
a produit le même effet, ainfi que la craie ; mais
cette dernière fubftance agit bien plus lentement,
attendu qu’elle eft pre^ie faturée, ou du moins
imprégnée de l’acide particulier, qu’on nomme air
fixe.
Enfin, pour voir l’a&ion de l’acide crayeux,
fur le foie de foufre, nous avons conduit, par le
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moyen d’un tube de verre, à la manière accoutumée,
de l’air fixe dans le foie de foufie, étendu
dans le l’eau. Au bout de quelques minutes, la
déçompofition a eu lieu; l’odeur s’eft fait fentir;
la liqueur eft devenue laiteufe; il y a eu un pié-
cipité de foufre cor.fidérab!e.
Nous avons projeté de la chaux, & l’odeur
s’e.'t anéantie ; l’alkali fixe a produit le même
effet, ainft que toutes les terres ou pierres calcaires,
réduitesen poudre fine, quoiqu’elles n’aient,
point été cuites, à la différence prés qu’il en faut
davantage, & que l’effet eft plus lent : voilà les
expériences en petit, cjui ont fervi à expliquer
le rélultat de celles que nous avions faites en grand
& qui fe font trouvées conformes.
Dans nos opérations du7 avril, dont nous avons
déjà parlé, on fe rappelera que nous projetâmes
de la chaux en poudre, non-fèulemenc dans les
tinettes à moitié pleines de vanne , mais encore
dans la foffe même, ce qui diminua l’odeur dans
les unes, & facilita le trava 1 des vuidangeurs dans
l’autre ; les ouvriers travaillèrent plu» long temps
qu’à l’ordinaire, fans être incommodés ; ils nous
affurèrentque le plomb étcitcor.fidé. ablsment diminué,
mais que la mitte continuoit. On fait que
ce qu’ils appellent mitte, eft »un picotement douloureux
qu’ils éprouvent dans lis yeux , qui deviennent
rotfges & enflr.minés ; cet accident n‘efl
vraisemblablement occafionné que par l’alkali volatil;
ainfi, loin que la chaux puiffe garantir de
la mitte, elle doit au contraire l’augmenter, parce
qu’elle décompofe les fels urineux ammoniacaux,
contenus néceflairement dans les matières fécales ;
ainsi tous les faits s’accordent parfaitement avec
notre théorie.
Il faut donc conclure, d’après les faits & les expériences
variées , dont nous venons de rendre
compte, que MM. Cadet, Parmentier & Laborie,
ont employé deux des moyens les plus efficaces,
que la chimie & la phyfique léunies pet#ent produire.
Peut-être en refte-t-il encore d’autres, mais
en attendant qu’on les trouve, nous croyons que
le feu, le ventilateur & la chaux employés en
grande quantité, peuvent rendre le plus grand
fer vice à l’humanité, & fur-tout aux habitans des
grandes villes, en les délivrant de l’affreux fup-
plice auquel on eft expofé lorfqu’on vuitle les
foffes à l’ancienne manière. Nor.rfeulement l’air
en eft vicié, les maifons infcâées, les habitans
incommodés, les malades en danger, les dorures
gâtées; mais encore l’on fait que les vuidangeurs
de l’ancienne méthode, pour épargner la longueur
& les frais du tranfport, répandent les matières
fécales dans les rues , la jettent dans les ég°“ ts
& dans les ruiffeaux, d’où elle fe rend en fuite
dans l’eau de la Seine , dont les habitans de Paris
boivent.
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I De tous les ten?Ps » l’infalubrité des foffes d’ai-
Sfance a été reconnue ; le$. anciens apportoient le
relus grand soin polir que les matières fécales ne s’ac-
K-umuIaffent point, & ne répan diffent pas leur émanation
infeâe dans l’atmofphère; c’eft ce qui fait
■ qu’à Rome, les foffes d’ai/ance font difpofees de
fcianière, qu’elles répondent à des canaux foüter-
Irains, qui lès lavent entraînent fans çeffe les
foiatières dans le Tibre , dont l’eau n’eft point,
■ comme celle de la Seine, deftinée à’la boiffon des?
reitoyens.
I II y avoit dans cette capitale du monde , dix”
Ijjeuf grands aqueducs, qui font aujourd’hui réduits
p cinq, & qui, cependant, fourniffent affez d’eau
Ipour le befoin public & l’embelliffement des jardins.
| Mais les parifiens, moins heureux fur cet article >
■ étant obligés de boire l’eau de la Seine, on ne fau-
iroit apporter trop de foin pour en ^conferver la
pureté. Et réduits à avoir des foffes d’aifance, c’eft-
p-dire des magafins de corruption dans leurs Imitations
, combien n’eft-il pas effentiel de proferire
■ pour la vuylange de ces mêmes foffes, les métho-'
Ides fales , dégoûtantes & dangereufes dont on s’eft
■ fervi jufqu’à-préfent, & de favorifer toutes celles
■ qui peuvent diminuer les horreurs de cette opé-
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ration ! Le feu & l’appareil du cabinet ventilateur,
font fans doute les moyens les plus efficaces, comme
nous l’avons dit ; mais nous ajouterons ici qu’il
eft bien néceffaire d’apporter la plus grande attention
, pour que les entrepreneurs ne fe relâchent
poiht fur la propreté & leur manière aâuelle
d’opérer.
A l’égard de la chaux, nous croyons qu’elle ne
peut fuppléer que bien imparfaitement aux deux
premiers moyens ; i°. parce qu’il en faut une
trop grande quantité pour faturer 8c neutraüfer le
principe odorant; ce qui deviendroit -coûteux.
20. Parce qu’enfin, pendant la faturation, les émanations
infe&er oient toujours le voifinage.
Nous croyons que l’académie ne peut trop louer
le travail de MM. Cadet, Parmentier & Laborie,
& encourager les opérations du ventilateur, qu’elle
a déjà approuvées, puifque cette nouvelle méthode
obvie à de fi grands inconvénieusdont on ne
connoît peut-être pas toute l ’influence fur la (ante
des hommes.
Au Louvre, le ^juillet 1778, Signés, Mil l y ,
Lavoisier , Fougerqvx de Boîïdaroy.
Arts & Métiers, Tome VlîL Ccccc