y M N s.
( Marchand de )
L e marchand de vins proprement dit, eft celui
qui achète des vins , qui les vend en gros .& en
détail, m^is fans les donner à boire chez lui. L’un
& l’autre font du même corps, & cette diftin&ion
n’ a été formée que par l’ufage. .
Lorfque le.vin eft entre les mains des marchands
de v in , il éprouve, comme entre celles du vigneron
, des changemens qui tendent, ou à le perfectionner
, ou à le dégrader. C ’eft au marchand .de
vin à favoir faire choix d’une cave convenable. Il
faut qu elle ne foit ni trop fèche ni trop humide :
une cave trop fèche fait tranfpirer au travers des
tonneaux la partie la plus fpiritueufe du vin : lorfqu’elle
eft trop humide, elle mûrit le vin quelquefois
trop promptement, & elle a l’inconvénient de
faire pourrir les cerceaux en très-peu de temps.
Il faut qu’une bonne cave ait des foupiraux à
certains endroits, pour que l’air puiffe fe renouveler
, mais avec ménagement, enforte que la température
de la cave ne foit point affujettie aux
variations de l’atmofphère : il faut enfin qu’elle foit
toujours, ou du moins à peu de chofe près, de
la même température dans toutes les faifons de
l’année. La bonne température des caves eft de
dix degrés au-deffus du terme de la glace au
thermomètre de M, de Réaumur.
Lorfque le vin eft dans la cave ( on fuppofe du
vin nouveau ) , il fermente encore pendant un
certain temps. Cette fermentation lui eft falutaire,
en ce qu’elle occafionne la féparation d’une certaine
.quantité de matière mucilagineufe, qui fe
précipite au fond du tonneau & forme la lie ; elle
occafionne encore la cryftallifation d’une quantité
de tartre plus ou moins grande, qui s’attache aux
parois des tonneaux. Ce font là les changemens
qu’éprouve le bon vin riche en efprit, quelque
temps après qu’il a été entièrement achevé.
Les vins qui ont peu de corps, c’eft-à-dire, ceux
qui font peu riches en efprit & peu en matière
faline, font ordinairement plus abondans en matière
mucilagineufe. Après que ces efpèces de vins
lont achevés , ils continuent de fermenter pendant
un certain temps comme les précédens. Cette fermentation,
tend à bonifier le vin ; mais comme il
ne fe trouve pas fuffifamment riche en efprit, la
matière mucilagineufe & la matière faline ne fe
féparant point avec la même facilité , elles relient
fufpendues dans le vin & le troublent. C e vin ainfi ;
troublé, paffe toujours ou à l’acide, ou au gras.
Le vin qui tourne à Vaigre eft celui qui a de la
difpofition à devenir vinaigre t & même qui commence
à en avoir la faveur. Le Vin qui tourne au
gras eft celui qui acquiert une confiftance huileufe
& une faveur foible. Cet effet arrive à celui qui
contient trop de matière mucilagineufe & peu de
matière faline : cette matière mucilagineufe enveloppe
& détruit l’acide qui fe forme par des efpèces
de fermentations fpontanées.
Tout l’art du marchand de vin confifte à fyvoiî
prévoir ces accidens , & à favoir y remédier.
Il y a plufieurs moyens licites que les marchands
de vin mettent en ufage, & fur lefquels on ne
peut leur faire aucun reproche, comme de mêler
du vin un peu dur avec celui qui a de la difpo*
fition à tourner au gras, ou un peu d’eau-de-vie
qui fait précipiter promptement la matière mutila*,
gineufe ; ou de mêler avec du vin difpofé à s’aigrir
, du vin qui eft fpiritueux. Il en eft de même
du foufrage des vins.
Pour rétablir les vins tournés, ou cuits, connu*
on les appelle à Bordeaux, on fe fert, dans l’automne
, de grappes de raifins frais qu’on infère par
le bondon dans la futaille, en prenant bien garde
. de ne pas en écrafer les grains. Dans les autres
faifons de l’année, on y met des copeaux, ou
mieux encore des rubans de hêtre qu’on prend
chez les menuifiers. Au bout de deux ou trois
jours, le vin tourné & difpofé à s’aigrir, reprend
fa première faveur & eft fort bon à boire.
Soufrer les vins, c’eft y introduire un acide vhrw-
lique fulfureux;volatil pour arrêter la légère fermentation
fpontanée que le vin éprouve après quil ei
fait.
On fait cette opération fingulièrement fiirjjj*
vins qui doivent être tranfportés par mer* il y a
des cas où l’on eft obligé de la faire , même à ceux
que Kon conferve dans ces pays-ci.
Cette opération fe fait de la manière fuivante:
on remplit un tonneau de vin k moitié ; on fufpend
parle bondon, une mèche de coton garnie de fou-
fre qu’on a allumée auparavant ; on bouche le
tonneau ; & lorfque le foufre eft brûlé , on agite
le vin pour qu’ il fe mêle à la fumée du foufre. On
réitère cette opération une fois ou deux, fuivant
qu’on croit que cela eft néceffaire, & on remet
chaque fois du vin dans le tonneau, pour qu’à
la dernière fois il fe trouve prefque rempli. Alors
on achève de remplir le tonneau avec du v in , &
on le bondonne bien : cela forme du vin foufre,
muté ou mouté. La mèche le brûle pendant cette
opération, conjointement avec le foufre ; elle eft
fort fujette à communiquer au vin un goût de brûlé
ou d’empyreume.
Il y a des vins tendres que les marchands de
vin ont remarqué être plus fujets que d’autres à fe
troubler dans le renouvellement de la faifon du
printemps'ou de l’é té , & principalement lorfque la
vigne travaille le plus. Ces fortes de vins fe gâte-
roient fi on ne les édairciffoit pas. Les moyens que
l’on emploie pour les éclaircir, font, i ° . par le
moyen des oeufs ; a0, par le moyen de la colle de
poiffon.
Lorfqu’on emploie des oeufs pour clarifier le v in ,
on met dans une terrine une douzaine d’oeufs entiers;
on les caffe, on les fouette pour les faire
mouffer, & on brife bien les coquilles. Lorfquils .
font dans cet état, on les jette dans un demi-muid
de vin, & on agite ce vin par le bondon avec un
bâton fendu en quatre, qu’on fait journer en tous
fens; on rebondonne le tonneau , & le vin eft ordinairement
parfaitement éclairci dans l’efpace de
vingt-quatre heures.
Lorfqu’on emploie la colle de poiffon pour clarifier
le vin, on prend deux ou trois onces de colle
de poiffon -, on la fait tremper dans l’eau pour
qu’elle s’y gonfle & s’y ramolliffe ; alors on la fait
diffoudre à l’aide de la chaleur; & lorfqu’elle forme
une liqueur mucilagineufe , on la met dans un tonneau
de v in , & on la mêle de la même manière
que nous venons de le dire : le vin s’éclaircit pareillement
, & dans le même efpace de temps.
Cette opération s’appelle coller le vin.
Autrement on prend une livre de colle de poiffon
, la plus claire-& la plus dure qu’on peut troue
r : on la coupe par petits morceaux, & on la
mst diffoudre fur un feu doux, dans deux bouteilles
, dans chacune defquelles il y a une pinte
de vin. Lorfque la colle eft bien diffoute, on y
ajoute trois pintes de lait de vache & deux dou-
Arts 6* Métiers. Tome V lll.
zalnes d’oeufs frais: on bat & fouette le tout en-
femble, jufqu’à ce que l’un ne puiffe pas fe diftin-
guer de l’autre. On vide enfuite cette drogue dans
le tonneau dont on a ôté huit à neuf pintes de v in,
& on l’agite comme ci-deffus.
La colle agit plus ou moins promptement, fuivant
que le temps eft plus ou moins froid : lorfqu’elle n’a
pas fait fou effet, on remet dans le tonneau une
demi-dofe de la fufdite préparation.
Obfervez que la colle de poiffon ne s’emploie
ordinairement que pour clarifier les vins blancs, &
qu’il vaudroit beaucoup mieux ne s’en fervir jamais,
parce que, quelque bien qu’on prépare la colle, en
quelque temps qu’on décolle le vin blanc, il eft
d’expérience qu'il eft Impoffible de le décoller parfaitement
, & que , quelque clair, quelque brillant
qu’il paroiffe, ôn y voit toujours des filamens extrêmement
déliés, qui reffemblent à des anguilles,
& qui font les parties les plus fines & les plus
infenfibles de la colle. La colle a encore le défaut
de donner aux vins qu’elle clarifie, une certaine
âpreté que l’on fent au gofier après qu on les a
bus.
La meilleure méthode de clarifier les vins blancs
eft celle de les foutirer fouvent. On y a un peu
plus de peine, & on y perd un peu plus de vin,
mais auffi on n’a pas le défagretnent de voir nager
dans le vin les filamens de la colle-
D ’autres marchands mettent dans le v in , pour
l’éclaircir, au lieu d’oeufs & de colle de poiffon, de
la viande rôtie. Ce moyen réuflit encore affez bien ,
& ne peut rien ajouter de mal-faifant au vin.
L’effet des oeufs &-celui de la colle de poiffon
font de fe coaguler, lorfque ces fubftances font
mêlées avec le vin, de former alors une efpèce de
réfeau ou de filtre léger qui s’étend fur la furface,
& qui, en fe précipitant au fond des tonneaux,
enveloppe & entraîne en même temps toute la
matière étrangère qui troubloit le vin.
Les marchands emploient encoreun autre moyen
pour éclaircir le vin qui a de la difpofition à tourner
au gras ; ils mettent dans une pièce de ce v in , une
certaine quantité de copeaux de bois de hêtre ou
de chêne, & on remarque, au bout d’un cettain
temps, que le vin s’eft éclairci.
Cet effet vient de ce que les copeaux de bois de
Hêtre ou de chêne, en s’infufant dans le vin, four-
niffent une certaine quantité de matière extraCüvt
allringcnte qui fait précipiter la matière mucilagineufe
qui troubloit le vin ; elle fe dépofe fur les
copeaux qui lui prèfentent beaucoup de furface,
I Lorfque le vin eft fuffifamment éclairci, on le fou*
1 tire , & il fe conferve alors affez bien fans fe
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