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Les tuyaux en plomb moulés font jetés dans un
moule de la longueur de deux ou trois pieds , qui
pourroit en avoir dix fi l’on vouloir en faire la
dépenle. On. les fait plus épais que les foudés, à
eaufe des foufflures , ils font meilleurs, mais ils
coûtent davantage. Les moulés ne paffent pas ordinairement
fix pouces de diamètre , cependant
on en fait de dix-huit pouces ; ils s’emboîtent &
fe joignent l’un à l’autre par des noeuds de fou-
dure.
Il fe fait aufli des tuyaux de ciçvre.pzt les fondeurs
, en fable & en terre ; ils fervent particuliérement
aux corps des pompes pour l’élévation
des eaux, & aux endroits des conduites où il y a
des regards, & où l’on pofe des robinets."
Il y a encore des tuyaux de cuivre ou de ch-au-
deronnerie, dont la compofition s’appelle potin 3
qui n’efi autre chofe que des lavures qui forcent
de la fabrique du laiton, auquel on mêle du plomb
ou de l’étain pour le rendre plus doux au travail,
environ fept livres de plomb pour cent.
Les ouvriers l’appellent pofin gris ou arcot ; il
coûte moins que le potin jaune : on y emploie
fouvent du cuivre rouge, qui eft le meilleur.
Ces tuyaux font des tables de cuivre, étamées
& bien battûes, que l’on plie en rond, & dont
on foude les morceaux emboîtés l’ùn dans l’autre
par des noeuds de foudure plus fine que celle
qui fert à joindre le plomb. Une crafle verte,
femblable au verd-de-gris, les ronge, fi l’on n’a
foin de les nettoyer. Ils font d’une longue durée ;
mais ils coûtent plus que tous les autres.
Tuyaux de conduite pour les eaux.
On a trouvé en 1764 , à Riom en Auvergne,
dans la carrière de V o lv ic , une efpèce de pierre
que l’on regarde comme un produit de volcan.
Les fubftances métalliques avec lefquelles elle eft
combinée, lui donnent l’apparence du plomb.
On a compofé à Riom en Auvergne, une conduite
de fontaine avec ces pierres, qui eft certainement
un ouvrage unique dans fon genre : on
a formé, avec cette pierre, des tuyaux de la longueur
de trois pieds, perforés de l’ouverture de
fix pouces de diamètre, joints les uns aux autres
fans encaftremens, & fcellés par une jonéHon ou
cercle de plomb coulé , qui pénètre de part &
d’autre dans une rainure pratiquée dans l’épaif-
fear du profil du tuyau.
Ces tuyaux ont été perforés de la manière la
plus fimple , avec des cifeaux d’acier, de la largeur
de l’orifice , & de la longueur de fix à fept pieds ,
groffeur. proportionnée, coulant fur deux poulies
placées fur un plan incliné en dire&ion du tuyau
pofé au-deffous.
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L’atelier une fois monté, objet affez peu dif-
pendieux, l’ouvrier le plus groffier peut y faire
cette opération. Ils ont été pofés fur des chevets
de la même pierre, dans une couche de maçonnerie
, d’un pied de ^profondeur à l'entour. Le
trânfport de cette pierre peut fe faire dans plufieurs
endroits, par le moyen des rivières d’Allier
& de Loire.
Moy fen d'empêcher les tuyaux qui conduisent les
eaux y de fe geler pendant Thiver.
Lorfque les gelées font un peu v ive s , les eaux
gèlent dans les tuyaux, foit de terre, foit de
plomb, qui fe trouvent expofés à l’air ou qui font
trop près de la fuperficie de la terre : on eft donc
privé d’eau pendant ce temps, & on fe trouve
obligé, après les gelées, de faire aux tuyaux des
réparations confidérables ; mais voici un moyen
peu coûteux d’éviter ces inconvéniens,
Il faut pratiquer au tuyau deux robinets de
cuivre, dont l’un fera inféré dans le tuyau de
plomb, deux pieds pour le moins avant qu’il forte
en plein air : il fervira comme de bouchon pour
empêcher l’eau d’entrer dans la partie du tuyau
expofée à l'air : ce robinet fera enfermé dans une
efpèce de boite de bois qui montera jufqu’à la
furface de la terre ; & dans les temps de grandes
gelées, on remplira ees vides avec de la litière de
cheval, pour empêcher ce robinet de geler.
Dès que les gelées feront vives , avec une clef
de fer on tournera ce robinet, q u i, en tout autre
temps, ne fervira de rien : on empêchera l’eau
d’entrer ainfi dans la partie du tuyau qui eft expofée
à l’air ; & dans une de ces parties de ce
tuyau, on aura eu foin d’y pratiquer un autre
robinet, un peu au-deffous du niveau du premier
robinet dont <5n vient de parler , afin de faire
écouler, à-l’approche des gelées , l’eau de la partie
du tuyau expofée à l’air; car l’eau qui fera dans
les tuyaux, à deux pieds au-deffous de terre, ne
gèlera p,oint.
Avec ces foins, on évite de voir crever les
tuyaux par la dilatation de la glace ; & dans le
temps même des plus fortes gelées, on fe procure
de l’eau en ouvrant le robinet enterré de fmnier;
& lorfqu’on a l’eau qu’on défire , on fait écouler
l’eau qui refte dans la partie du tuyau expofée
à l’air.
Tuyaux aériques.
Plufieurs expériences réitérées ont prouvé que
de longs tuyaux aériques, conduits à travers les
voûtes ou plafonds des priions & hoVs de leurs
toîts , pour en faire continuellemeut fortir les
mauvaifes vapeurs qui s’exhalent des prifonmers,
eh empêchent effeéiivement la putréfa&ion, qui
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fans cela ne manquerait pas d’avoir lieu, & même
fouvent de devenir contagieufe.
C ’eft par cet heureux moyen que l’on a conferve
à Londres, la-vie à quantité de prifonniers français,
& que l’on afauvé de même un grand nombre
de prifonniers anglois en France , & l’on ne doute
pas que fi cette méthode , facile & peu couteufe ,
étoit employée dans toutes les prifons, on ne cpn-
fervât l’air à une infinité de prifonniers, & que
l’on ne prévînt par-là l’infeâion qu ils apportent
avec eux lorfqu’ils comparoiffent. aux aflifes pour
y être jugés , & qui ont fouvent été fatales à
leurs juges & aux afliftans. Les habitans mêmes
des villes oh il y a des prifons, feroient par ce
moyen, à l’abri de la contagion qui en pourroit
proveriir.
On a d’ailleurs éprouvé l’utilité de ces tuyaux, à
l’égard des hôpitaux & des maifons de charité ,
où ils ont fervi à augmenter le nombre des conva-
lefcens & à en accélérer la guérifon ; avantages
non - feulement confidérables pour les malades,
mais encore pour le public, puifque, de cette
manière , un plus grand nombre de perfonnes
peut y être admis, parce que la convalefcence
de ceux qui occupent les places, y eft plus
prompte.
On a encore étendu l’ufage de ces mêmes tuyaux
jufqu’aux appartemens qui font ordinairement remplis
de monde , les fallons d’affemblée, les maifons
des fpe&acles, &c. en faifant évaporer, par leur
moyen, le mauvais air que l’on y refpire, & en
y introduifant fans celle un air plus pur & plus
frais : le même fuccès s’eft aufli fait fentir dans les
fonderies des métaux , dont les exhalaifons font fi
nuifibles.
L'Ingénieux M. Yeoman eft le premier qui en
ait fait à Londres, l’efiai à la chambre des communes
, & il a donné à ces tuyaux neuf pouces
de diamètre; mais il n’en a donné que fix à ceux
qu’il a placés au-deffus de la prifon du banc du
Roi dans Weftminfter-Hall.
On les fait quelquefois plus larges & quelquefois
plus étroits; mais plus ils ont de largeur, & plus
iis, doivent être longs, pour faire fortir d’autant
plus promptement les exhalaifons corrompues qui
s’y élèvent.
On a remarqué qu’en tenant au-deffus d’un tuyatt
placé fur la chambre des communes, l’un des baffiris
d’une balance, lequel n’avoit que deux pouces de
diamètre , la force 4e l ’air qui en fortoit, le fai foit
élever de qüatre grains au-deffus de fon équilibre,
lorfqu’il n’y avoit perfonne dans ce,tte chambro ;
mais quand il y avoit beaucoup de monde, ce
baffm s’élevoit de plus de douze grains au-deffus
de fon équilibre, & toujours davantage, à proportion
du nombre de gens qui s’y trouvoient.
Il paroît par-là combien ces tuyaux font rafraî-
chiffans & falutaires , parce qu’ils ne ceffent d’emporter
les vapeurs continuelles qui s’exhalent d un
grand nombre de corps différens & refferrés, ces
exhalaifons fe montant, pour chaque homme en
Angleterre , au poids de trente-fix onces en vingt-
quatre heures, félon l’eftimation qu’en a faite le
do&eur Keil de Northampton.
M. Yeoman a fait l’épreuve de ces tuyaux dans
plufieurs hôpitaux, mailoris de corre&ion, prifons
& lieux d’affemblées publiques , & il a ^ trouve
qu’on en a toujours retiré de très-grands foula*
gemens.
Arts & Métiers. Tome V11L
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