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(Art de la culture et de l’apprêt du)
T i e tournefol, dit M. Cretté , eft moins connu ,
dans ce pays, des cultivateurs que des Jardiniers ;
fa culture en grand peut cependant devenir très-
avantageufe.
Cette plante originaire du Pérou, fe cultive en
Efpagne ; elle s’élève quelquefois de vingt-quatre
pieds : je n’en ai vu que de huit ou neuf pieds
de hauteur; fa tige eft unique, groffe & droite,
ne portant des rameaux que dans le haut ; fes
feuilles font grandes , larges & pointues, les bords
en font crénelés ; elle porte à fon fommet une
grande & belle fleur, large, ample, radiée, jaune,
de forme orbiculaire , repréfentant une couronne,
dont le difque eft compofé d’un grand nombre
de fleurons.
Cette fleur eft prefque toujours penchée &
tournée, du côté du foleil : ce qui provient peut-
être de ce que fa tige naturellement pefante , eft
ramollie par la chaleur, & cède de ce côté-là.
Les lemences font en très-grand nombre; elles
font oblongues , enchâflees dans une écorce dure :
les unes font noires , d’autres font blanches, grifes
ou rayées de noir & de gris.
La culture , ajoute M. Cretté, que j’ai faite de
cette plante dans un terrain de fix perches, me-
fure de dix-huit pieds, m’a mis à portée de faire
connoitre les avantages qu’on en peut retirer.
La terre en étoit'médiocre & fablonneufe; elle
avoit été préparée par un labour avant l’hiver,
& fumée enfuite. J’en avois fait faire un fécond
au printems ; le terrain avoit été difpofé par rangées
à deux pieds l’une de l’autre, & j’avois mis
deux ou trois graines enfemble dans de petits
trous, à un pied de diftance les uns des autres.
Dès que les femences ont commencé à lever,
j’ai fait donner un binage, obfervant de ne laiffer
qu’un ou deux pieds à chaque place.
On tomberoit dans une bien grande erreur ,
fi l’on calculoit le produit de cette culture faite
en grand d’après celui qu’on auroit obtenu d’un
feul grain. Il feroit immenfe, comme on peut le
voir, par l’expérience que j’en ai faite.
Sur la fleur principale d’un pied de tournefol,
j’ai compté................grains JTotal, 10000
Sur les branches adjacentes ... 7500 5 pour un.
Un pareil calcul fait fur une des plantes les plus
apparentes, ne mérite pas qu’on s’y arrête; mais
on peut calculer avec certitude, d’après,une culture
que j’ai faite fur un terrain de fix perches
où j’ai récolté ving-deux boiffeaux de graines bien
vannées & bien féches.
J’ai eu quarante bottes compofées chacune de
trente brins qui font en tout douze cents tiges.
Il réfulte qu’un arpent peut rendre plus de trente
fetiers de grains & fix cens foixante fagots qui
donneroient au moins dix-huit à dix-neuf milliers
d’échalas ou rames.
Propriétés du Tournefol»
Cette plante a des propriétés particulières qui
la rendent préférable à un grand nombre d’autres :
elle eft nourriflante. Dans la Virginie, fes femences
fervent à faire du pain & de la bouillie pour
les enfans. On mange auifi les fommités de la
plante encore jeune, après les avoir ' fait cuire
& les avoir trempées dans de l’huile & du fel.
Les fauvages du continent de l’Amérique en man-
genr les graines & en tirent une huile propre à
différens ufages. J’en ai extrait également de l’huile,
mais je laide à d’autres plus inftruits que moi dans
ces fortes de manipulations à tirer à cet égard,
un meilleur parti de cette plante : ces effais fer-
viront du moins à prouver que la chofe étoit pof-
fible dans ce pays.
Les graines du tournefol font très-bonnes pour
nourrir la volaille ; elles conviennent auifi aux
moutons &. aux autres beftiaux.
Les tiges, dont la plupart ont fept ou huit pieds
de haut, peuvent très-bien fervir à ramer les haricots
, & remplaceront le bois devenu fi rare en
bien des endroits : on pourra encore en faire du
feu, la cendre en eft excellente , & l’immenfe
quantité du produit peut feule dédommager des
dépenfes qu’on a été obligé de faire.
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Ses feuilles, larges de plus d’un pied , & longues
de feize à dix-huit pouces, & en très-grande
quantité, font très-bonnes pour nourrir les vaches
pendant l’été ; & «elles leur donnent beaucoup de
lait; elles fe recueillent avec bien de la facilité
& de la célérité ; l’on paffe entre les rangées,
en commençant par le bas de la plante où elles
font le plutôt mûres.
fleurs peuvent, à ce que je penfe, être utiles
la teinture ou pour d’autres objets.
r s différens tournefols, mais ce ne font que
•< variétés de celui dont je viens de parler.
Préparations chimiques.
0n donne en général dans le commerce, le nom
fe tournefol à plufieurs préparations chimiques
qui fourniffent une teinture d’un bleu pourpre*
Celle qu’on appelle en particulier pierre de tournefol
, eft la principale de ces préparations.
Cette pierre de Tournefol fe fabrique en Hollande,
félon un procédé qui a été long-temps
ignoré en France. Nous fourniffons feulement aux
Hollandois les chiffons ou drapeaux qui en font
la base ou la matière première.
Ces chiffons fe préparent principalement au
grand Gallargues, village du bas Languedoc du
diocèfe de Nîmes, où on les imbibe du fue d’une
plante qui croît naturellement dans le pays , &
que l’on appelle en langue vulgaire maurelle.
Il eft dit dans les mémoires pour Thifloire naturelle
du Languedoc par M. Aftruc, que les ha-
bitans du grand Gallargues n’ont point la liberté
de cueillir la maurelle dans tous les tems de
l’année. En vertu d’un ancien réglement ils ne
peuvent faire cette récolte qu’après en avoir obtenu
la permiffion des maire & confuls du lieu.
On donne ordinairement cette permiffion à toute
la communauté, vers le 25 juillet , tems où la
ïecolte du blé eft déjà faite, & où la maurelle eft
dans fa perfection.
On ne fait dans l’année que cette feule récolté
depuis le 25 juillet jufqu’au 5 ou 8 de feptembre.
Les payfans vont alors chercher cette plante à
quinze ou vingt lieues à la ronde dans leGévaudan,
même jufqu’en Provence. Ils ont grand foin de
fe cacher les uns aux autres les lieux particuliers
ou elle croît en abondance ; ils font cette récolte
en diligence ; la plante, pour pouvoir être em-
ployée, devant être fort récente ; la fermentation
nuifant toujours au fuccès de l’opération dont il
s agit. Il faut aufli que la maurelle ne foit pas
terreufe.
Les vaiffeaux & inftrumens dont ont fe fert ne
lont pas tous de la même grandeur, & on croit
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affez inutile de les aflujettir à une certaine capacité
déterminée.
Les particuliers qui font l’opération que nous
décrivons placent leur vaiffeaux à un rez-de-chauf-
fée dans une efpèce de hangar ou d’écurie, où
l’on voit d’abord un gros preffoir fa>t de bois
de chêne verd , & foutenu des deux côtés fur deux
murs de maçonnerie.
Ce preffoir a d’ordinaire un pie d’épaiffeur à
chaque bras, fur huit pieds & demi de longueur
8c un pied & demi de hauteur ; je ne puis mieux
le comparer qu’à une grande preffe de re^
lieur.
On pratique fous ce preffoir une cuve de
pierre qu’on appelle, en langue vulgaire , pile.
Elle a communément la forme du parallélépipède
, & rarement celle d’un gros cylindre. Son
épaiffeur ordinaire eft de trois ou quatre pouces
: on lui donne intérieurement un pied &
demi de large , fur trois pieds de long & fur
deux pieds de profondeur ; c’eft dans cette cuve
qu’on met l’urine & autres ingrédiens nécef-
faires.
Enfin on trouvé dans ce même lieu un moulin
dont la meule pofée de champ, a un pied
d’épaiffeur ; un cheval la fait tourner ; elle roule
autour d’un pivot perpendiculaire dans une ornière
circulaire , affez large & affez profonde,
où l’on met la maurelle qu’on veut broyer. Ce
moulin eft de même forme que ceux dont on &
fert pour écrafer les olives ou le tan.
Procédé dç, la coloration des drapeaux , ou chiffons
avec lefquels les Hollandois font la pierre du Tournefol.
Par M. Montet , de Montpellier.
Les habitans du grand Gallargues qui ont ra-
maffé une certaine quantité de maurelle, choififfent
pour la faire broyer & en tirer le fuc, un jour
convenable. Ils veulent que le temps foit fort fe-
rein, mais fec, le foleil ardent; que le vent foufle
du nord, ou du nord oueft : il n’eft pas difficile
d’avoir au mois d’août dans le bas Languedoc,
dès jours où toutes ces circonftanees fe trouvent
réunies.
La conftitutîon de l’atmofphère étant telle que
nous venons de le dire, on fait moudre la maurelle
dans le moulin defliné à cet effet. Quand
elle eft bien écrafée, on la met dans un cabas de
forme circulaire, fait d’une efpèce de jonc, &
fabriqué à Lunel, parfaitement femblable à ceux
" dont on fe fert pour mettre les olives au preffoir.
On remplit le cabas de maurelle bien écrafée
on la met enfuite au preffoir, & on preffe fortement.
Le fuc découle dans la cuve de pierre
placée immédiatement fous le preffoir : dès qu’il
i ceffe de couler, on retire le cabas du preffoir, &