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étoit vraisemblable que ce goût de fut prOvenoit |
d’une altération de la fève dans l’arbre , tandis qu il 1
végétoit : & rien n’eft plus vrai. Mais la caufe de |
cette altération ne tient point a quelque maladie
naturelle propre à l’arbre » qui Soit difficile a reeon-.
noitre & impoffible à guérir. Elle efl heureufement
étrangère & accidentelle. Les fourmiLeres que Ion
voit au pied des chênes, engendrent feules ce
principe délétère. L’acidea&if propre aux fourmis,
& dont la fourmilière abonde au point de colorer
promptement en rouge toute fleur bleue que 1 on y
infère , fe mêle avec la fève de l’arbre dans fa circulation
fucceilive des racines aux branches & des
branches aux racines. La chaleur exceffive que les.
fourmilières entretiennent aux pieds des arbres,
en . facilite & augmente l’intromiflion. Dès.-lor$
toute la fubftance du bois fe fature de cet acide
pénétrant dont la fève eft imbue, fans pouvoir
peut être s’en défaifir jamais. Si Ion emploie donc
dans cette circonftance un pareil arbre en merrain ,
toutes les douves qu’il fournira feront dans le cas
de communiquer au Vin le goût; de fat, & fur-
tout d’autant plus qu’elles auront été plus voifines
des .racines & de l’écorce. On fent facilement que
dans ce cas elles doivent être encore pluschargées :
de cet acide pernicieux, qui, par fon aétion fur le
vin , ne tarde pas à le vicier, & ce qui prouve que,
ce mauvais goût du vin eft- du a la prefenced un
acide, c’eft qu’il eft détruit par la fermentation
acéteufe qui développe un nouvel acide fuperieur
dont- lacombinaifon avec le premier en change entièrement
lés effets.
Les fourmilières les plus capables d infeéter les
arbres , font fur-tout celles qu habite la plus greffe
cfpèce de'fourmi dite la fourmi des bois. Gede-ei eft
fort reeonnoiffable par fon noir très-brillant & très-
foncé , qui la diftingue de la petite e fp e c ed o n t
la couleur tire un peu fur le rouge. 'Ces • .greffes
fourmis font beaucoup plus fujettes que les .petites
à grimper en troupes au long.des arbres. Leurs;habitations
font ordinairement moi ns relevées & moins
exa&ement circulaires. Elles exhalent,en été. une
odeur fi forte & fi pénétrante , que fi l’on monte
au haut de l’arbre où elles font établies, on en eft
prefque fuffoqué. C’eft ce que peuvent confirmer
les gardes des forêts.
On ne fauroit affurer fi un arbre qui auroit eu
anciennement à fon pied une pareille fourmilière,
détruite depuis quelques années, comerveroit toujours
la qualité funefte au vin qu’il auroit alors contractée
; il eft ppffible que plufieurs fèves fucceflives,
p>.üS pures, la çorrigeaffent. On pourroit à cet
\ ' rd , faire des expériences curieufes & vérifier
combien il faudroit d’années pour la diffmer entièrement.
Quoiqu’il en foit, il eft aifé de s’affurer
que la caufe que nous annonçons efl certaine. Que
Von prenne des copeaux d’un arbre, au pied duquel
une fourmilière de ce genre aura été établie
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depuis quelques années ; qu’on en ehoififfe plufieurs
provenans fpit du branchage, foit du tronc, foit
des racines, qu’on les laiffé ir.fufer quelque temps
dans une certaine quaniité. de vin proportionelle à
leur volume ; on ne tardera pas à s’apercevoir du
gput de fût , qui fera d’autant plus fort, que les
morceaux en queftion auront plus approché de la
fourmilière. Ce p’eft pas tout : que l’on prenne une
poignée dp ;ces groffes forrmis , & qu’on les jette
dans un:e petite phiole de vin ; cette liqueur, en
peu de temps, contractera un goût approchant à
celui de fûtmoins,fenfible toutefois, mais allez
pour conftater fon analogie.
Après des expériences auffi fimples , aufii formelles
8c auffi décifives, il eft inutile de rechercher
ni fup,pofer d’autres caufes du mal qui nous occupe.
Ce feroit abufer _des-mq.mens-.de l’académie, que de
fe perdre dans des hypothèfeschimériques ou des
détails feientifiques, qui ne-potirroient offrir de ré-
fultat pofitif.il vaut, beaucoup mieux fuivre le plan
qui nous eft tracé par elle, 8crépondre exactement
aux diverfes queftions fur lefquelles elle demande
des éclairciffemens.
Nous avons déjà établi que le goût de fut étoit
produit par les fourmilières , que le bois: qui l’occa-
fionné en a voit contracté le^ principe farfqu’il étoit
fur pied : il nous relie à présent à indiquer ces lignes
auxquels on peu,t reconnoîtredes bois, fufpe&s, &
les moyens de corrigerile goût du fût.
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altération. Enfin ces mêmes douves déplacées du
poinçon en queftion, n’auront qu’à être jetées en
toutou en morceaux dans un vafe rempli d’un ywi
droit & irréprochable, elles communiquèrent à ce
nouveau vin le même.goût défagréable qu’on a voit
reconnu dans le premier. Il n’y a rien à oppofer ,
à ce que l’on pente, à de pareils faits que i on .s o-
blige de jufüfier.
Pour achever de fatisfairq l’académie, nous n’avons
plus qu'à préfenter quelques moyens de cor- .
riger le goût de fût dans le vin qui l’a contracte. Nous
ne pouvons pas nous flatter d’en offrir d^abfolument
fpécifiques, 8c nous doutons même qu’il en exifte ;
‘ mais, on peut l’affaiblir au point de rendre le vin
très-potable 8c fans danger. Si le vin n’a féjourné
que peu de temps dans le vaiffeau contagieux , s il
n’y a dans ce vaiffeau qu’une feufa douve viciée ,
on doit.fentir que le mal eft plus aifè à difliper , que
; fi un plus long féjour 8c plufieurs douvés. altérées en
| avoient augmenté l’iatenfité. Dans tous les cas, il
| eft utile & néceffaire de tranfvafer le vin fûté dans
i un autre vaiffeau frais vide, où l’on dura laiffé la
lie du vin qu’il contenoit. Cette lie nouvelle contribuera
beaucoup au rétabliffement. On tirera bien
à clair le vin du va iffeau infeété ; 8c lorfque le nouveau
fût fera rempli, on couvrira la bonde de toute
la mie humide 8c chaude d’un petit pain forrant
du four, 8c on l’y laiffera pendant quatre ôu cinq
heures. Par , cette opération , le vin fe reftaurera
beaucoup. Malgré cela, on ne confeillera jamais
de le couler fiir d’autres poinçons. C ’eft une méthode
toujours pernicieufe, d’affaiblir la qualité de
plufieurs pièces de vin pour, éviter, à ce que 1 on
penfe, la perte qui réfulte d’une pièce inférieure.
Il n’y a qu’un faux calcul ou un intérêt mal entendu
qui puiffe y déterminer. Dans le liait, on perd réellement
plus par ce procédé, que fi on eut vendu
féparéaient, à un prix plus modique , la pièce un
peu altérée. En général, les propriétaires ne s’abu-
fent que trop fouvent, en entretenant leur bon vin
avec du vin médiocre. C ’eft la règle inverfe quil
faut fuiyre. C ’eft en rempliffant toujours avec du
vin excellent qu’on entretiendroit la qualité du
bon, qu’on amélioreroit le médiocre.
Lorfqu’on aura tranfvafé le vin fûté, ainfi que
.nous venons de le dire, il ne faut pas croire que
le vaiffeau qui le contenoit, doive être anéanti. Il
faudra rechercher les douves viciées, comme nous
l’avons dit ci-deffus, 8t en mettre d’autres à leur
place j moyennant cela, il pourra reffervir la meme
année ou les fuivantes, fans aucun inconvénient.
La caufe du goût du fût étant connue, ainfi
nous venons de l’expofer , on doit juger qu il feroit
facile de l’extirper entièrement. On pourroit folli-
.citer du gouvernement, qu’il rendit une ordonnance
par laquelle il feroit enjoint aux fagoteurs,
bûcherons, fcieurs-de-long & autres qui abat-
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troient des arbres, foit dans les forêts, foit dans
les bois des particuliers, de cont.emarquer d’une
manière reconnoiffable, fuivant une forme prr.f-
crite , tous les arbres aux pi.dj, defqueîs il fe^trou-
veroit des fourmilières, lorÿ de l’?b2!tc£e, or qui
défenlroit à tous fcfideurs quelcon ques d’exploiter
en merrain les arbres, qui ferôient ainfi marqués.
Cette loi ne feroit point contraire au droit de propriété,
puisqu'elle empêcherolt feulement une ef-
pèce d’exploitation dommageable au public, &
qu’elle ne s’oppoferoit point à ce que ces mêmes
arbres fuffent employés, foit en charpente, foit au
charroimge, foit de toute autre façon qui con-
viendroit aux propriétaires. Il feroit à délirer encore
que la même loi pût interdire l’exploitation en
merrain, de tous les bois rouges et veinés. Cts
diverfes fortes de bois font fi poreufes, que la
liqueur filtré au travers, & que les règle me ns pour
les tonneliers ont fixé même la quantité de douves
provenantes de ces bois , qu’on pouvoit employer
par poinçon , et h place qu’elles y doivent occuper.
Il vaudroit bien mieux que, par une interdiction
totale de pareil merrain, on ne fût pas expofé à
violer des règlemtns fort fages , mais auxquels il
eft difficile de tenir la main , & que l’on peut toujours
éluder. Moins on laiffé de portes ouvertes à
l’inatieniion, à la mauvaife foi, à la délation, &
ruons on peut avoir befoin de l’infpeChon rigide
d’une police toujours inquiétante , lors même
qu’eiîe eft néceffaire , plus la fociété eft heureufe
& paifible,. Oter aux hommes î’occsfion & la tentation
de mal faire, c’eft déjà les avoir rendus à
moitié veitueux.
; Mémoire fur Vavantx^e de bouzher exactement les
barriques aujjîtôt qu’on y a introduit du vin nouveau
; par M. S obviât.
Bien des perfonnes regarderont comme un paradoxe
infoutènable le principe que j’établis, qu’ il
eft très-utile de fermer les tonneaux remplis de
vin nouveau. Le préjugé que le vin fera fauter la
bonde, qu’il s’élancera 81 fe perdra en partie, ou
qu’il forcera les fonds & fera caffer les cercles,
eft fi enraciné , qu’il me fera bien difficile de le
détruire. Je puis au moins attefler que des expériences
réitérées de quinze ans m’ot.t bien pleinement
convaincu qu’il étoit mal fondé.
Tout le monde fait combien la vapeur, connue
des chimiftes & des phyficiens fous le nom de gaz,
qu’exhale une cuve en fermentation, contribue à
la per£eâion du vin :, le vigneron le plus inepte
conjecture de la force de cette vapeur, quelle fera
là qualité de fon vin. Effectivement, c’eft ce gaz
qni renferme ce parfum fi agréable , c’eft lui qui
en eft le principe confervateur & qui lui donne de
la force ; plus il abonde, plus la liqueur devient
précieûfe.