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T R E F L E .
( Art et avantages de la culture du )
L e trefle eft une plante qui croit par-tout dans
les prés, dans les pâturages , aux lieux légèrement
humides ou un peu marécageux. Sa racine eft
prefque groffe comme le petit doigt, ronde, longue
, ligneufe , rampante & fibreufe. Elle pouffe
des tiges à la hauteur d’environ un pied & demi,
grêles , cannelées , quelquefois un peu velues , en
partie droites & en partie couchées par terre ; fes
feuilles font les unes rondes , les autres oblongues, j
attachées trois ênfemblé à une même queue , mar- j
quées au milieu d’une tache blanche ou noire, qui
a prefque la figure d’une lune. Ses fleurs naiffent
en avril, mai & juin, aux fommités des tiges d’une
feule pièce, reffemblantes aux fleurs lègumtneu-
fes , difpofées en tête ou en épi court & gros, de
couleur purpurine, empreintes au fond d!un fuc
mielleux, doux & agréable , d’une faveur légèrement
aitringente & d’une odeur qui n’eft pas
défagréable. Aux fleurs fuccèdent de petites cap-
fules rondes , enveloppées chacune d’un calice,
& terminées par une longuè queue , lefquelles
contiennent chacune une femence qui a la figure
d’un petit rein , & qui, pour être eftimée, doit
avoir une couleur verdâtre avec une tinte de rouge.
Elle doit aufli aller au fond de l’eau.
Cette plante, nommée en anglois clover, eft
une plante fort recherchée pour l’amélioration
qu’elle donne au terrein argilleux fur lequel elle
c roît, pour la bonté de fon foin & pour le mérite
de fa graine. C ’eft une des plus excellentes nour-
ritures pour engraiffer toutes les efpèces de beftiaux
qui broutent l’herbe, pourvu que ce ne foit
pas dans un temps de brouillard , mais à la fuite de
plr.fieurs beaux jours. Ce fourrage échauffe beau-
couo moins que la luzerne : on peut le. faucher
plusieurs fois dans l’année , quand il eft cultivé
dans un terrein favorable, un peu gras & humide, \
On a obfervé que le gyps étoit un des meilleurs
engrais pour le trefle:
On fème la graine vèrs le mois de mars ou au
commencement d’avril : on doit le couper quand
51 eft en fleur, & non plutôt. Cette plante eft dans
toute fa force à la troifième année. Néanmoins la
durée d’un femis de trefle né paffe guère la troifième
année de fa levée : il faut le détruire pourlors
vers la fin d’oâobre, par un premier labour :
on fait fuccéder un fécond à celui-ci, après quoi
on fème le champ d’avoine ou de pois, ou même
de froment. Le lin eft de toutes les plantes, celte
qui fe plaît le mieux dans une pièce de trefle nouvellement
défrichée.
Avantage de fumer du trefle avec tous les grains.
Je crois, dit un Anglais, que c’eft une excellente
méthode que de femer du trefle fur tous
lès blés & les avoines ou orges : on ne doit même
femer de grains que dans des terres où l’on peut
mettre du fourrage. Si on fait autrement, c’eft
manquer d’économie : dans les terrains médiocres
fur-tout, un fermier qui agiroit autrement,
feroit fur de perdre au bout de l’apnée : en pareille
pofition , le profit dépend du grand nombre
de beftiaux que cet affolement met en état d’avoir.
Tour fermier qui fentira la vérité de cette affer-
tion , ne femera jamais une raie de gtain fans y
ajouter du trefle : il n’y a de dépenfe d’augmen-
ta ion , qu’environ 1 5 liv. pour un produit très-
avantageux; car il y aura au moins deux coupes
d’un fourrage excellent pour les chevaux , les
vaches, les moutons & même les. cochons-
Un autre avantage du trefle eft de nettoyer
parfaitement la terre des mauvaifes herbes , &
d’améliorer le fol.. Si vous le femez fur une terre
enfemencée en orge , vous pouvez ne le laiffer
fubfiftef que l’année fuivante , & y femer l’automne
de cette fécondé année, ou du froment ou
un autre grain , fur un feul labour & fans fumier.
Vous n’aurez point de maùvaife he rb e ,.& votre
récolte de grain fera fuperbe. Un fermier qui
obfërvera de ne jamais femer de grains fans y
ajouter du trefle, peut être fûr de faire les plus
belles récoltes, d’avoir beaucoup d’engrais, 8c de
gagner fur fés beftiaux , dont il pourra élever le
double de fes voifins , fans avoir plus de terre
qu’eux.
Procédés avantageux pour faire fècher le trefle & U
confommer en fourrage ; par M. de la Bergerie.
Un très-grand obftacle s’oppofe, danslescontrées
du
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du milieu-'du royaume & dans celles du nord, à
5a culture du trefle, fourrage excellent pour les
animaux , & très-avantageux à d’autres égards :
c’eft la difficulté de le faire fécher, parce qu’il
y a rarement plufieurs beaux jours de fuite, &
que très-peu d’eau fuifit pour le gâter ; ainfi les
cultivateurs ne peuvent point profiter des avantages
que réunit le trefle , foit du côté de fa bonté,.
de fon abondance, comme fourrage vert & fec,
foit par la fertilité qu’il procure aux terres , &
fur-tout par la facilité quai donne pour les alterner
& leur faire porter du froment; avantage
qui ne fe trouve-pas dans la luzerne & le fain-
foin, qu’ on eft obligé de laiffer plus d’années.
Quoique la culture que je fais du trefle ne fort
pas très confidérable , j’é.tois fur le point de la
réduire encore ; parce que j’avois été obligé d’en
perdre plus de deux charretées, & que celui'que
•j’avois fait” ferrer fec , n’avoit plus que les tiges :
•il ne m’en reftoit qu’un petit canton à faire, faucher,
& que je craignois de perdre encore; alors
les regrets de la perte de mon trefle, & for-tout
le défir d’en encourager là culture aux environs
de -Blene.ui , me fuggérèrent l’idée de faire un
effai pour le ferrer, quoique vert.
Lé matin d’un beau jour je fis faucher environ
une charretée de trefle que je Iaiffai expofé au
foleil jufqu’à quatre heures du foir ; je fis conduire
ce trefle au grenier à foin : on d re ffa fu r le plancher
, un lit de fagots ou bourrées , au milieu
duquel s’élevoit une perche retenue par le haut,
& dans laquelle étoient enfilés plufieurs fagots,
pour établir un courant d’air ; un homme ayant
de la paille fous fon bras, en couvrit les fagots ;
un autre le fuivoir, en répandant un fimple lit
de trefle le plus également poffible, & ainfi fuc-
ceflivement tant qu’il y eut du trefle ; j’eus attention
en outre de faire en forte que la paille débordât
le trefle.
Huit jours après je répétai la même opération ;
mais alors la meule cfi^ fourrage ayant trop de
hauteur pour qu’il fût poffible d’y atteindre , on
fit deux tréteaux avec des planches , & la meule
fut, par ce moyen , conduite à une hauteur affez
■ confidérable.
J’obfervai chaque jour, s’il ne s’établiffoit pas
de fermentation ou moififfure ; mais je n’y aperçus
qu’une, efpécé de moiteur qui ne me découragea
pas : les croifées fituées au midi, relièrent
ouvertes pendant tout le temps : au bout de deux
mois , la meule fe trouva baiffée ^’environ deux
•pieds ; & parut en bon état : le trefle .étoit d’un
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vert pâle, mais favoureux ; il avoit perdu affez
de fon humidité pour ne plus chancir, ni fermenter ;
la paille étoit molle, flexible, & partageoit l’odeur
du trefle : j’en fis mettre la moitié en bottes de fix
livres, qui furent entaflées auffi-tôr : l’ouvrier fut
étonné de la flexibilité de la paille, tk ce ne fut
qu’après l’effai qu’il voulut faire le prix de ce boi-
telage , qui fut égal à celui du foin.
Je m’empreffai d’en faire don&er aux boeufs ,
aux vaches & aux chevaux : ils en mangèrent toi. s
avec avidité; & ce qui fur-tout me fatisfit, c’eft
que les uns & les autres mangeoient indiftinâe-
ment la paille & le trefle.
J’ai répéié cette expérience l’année fuivante &
cette année, avec le même fuccès , & fur une
plus grande quantité de trefle ; car je n’en fais
plus lécher comme ci-devant : j’ai eflayé également
ce mélange avec des feuilles vertes & foin-
mités de- maïs : le fuccès a été le même pour la
confervation des feuilles dans un état de verdure.
J’ai été plus loin cette année : au mois d’août
dernier , j’ai fait, immédiatement après la pluie ,
couper du trefle qu’on a mélangé avec de la paille,
& qui s’eft très-bien confervé.' Cet emploi du
trefle m’a ménagé chaque année près d’un millier
de foin , 8c je peux affurer la fociété que les
chevaux ont préféré ce mélange à du foin de
bas prés : la ratfon de cette préférence eft fondée
fur ce que le trefle , dans cet éta t, excite l’appétit
des chevaux, ainfi que la paille, qui eft molle 8c
imprégnée du même goût.
Les ' foürrages mélangés ne font pas en ufage
dans toutes les provinces •; cependant les propriétaires
en retireroient de grands avantages, en ce
qu’ils pourroient entretenir une plus grande quantité
de beftiaux & les mieux nourrir ; tandis que
dans tant de cantons , fur-tout dans les pays à
feigle, la paille eft toute employée aux litières,
& que là où les animaux ont habitude de manger
du foin, ils rebutent la paille. Je ne m’étendrai
pas plus au long fur cet article, qui, bien approfondi
, pourroit être .très-utile à l’agriculture.
Je me bornerai feulement à faire l’énumération des
avantages que j’ai trouvés à mélanger mon trefle :
i° . ma récolte n’eft plus incertaine ; z°. j’ai doublé
la quantité de mon fourrage , foit par un moindre
déchet du trefle que je n’en ai à la déification,
foit par une amélioration dans le. goût de la paille ;
30.. j’emploie beaucoup moins de temps à faire ce
. mélange , qu’à aller faner dix à douze fois le trefle
dans les champs. .
Arts & Métiers. Tome VIII. R r