
étant une nourriture convenable pour les vers à 1
foie, ne conviendroit-il pas de les dépouiller dans
les temps où on a coutume de les émonder , &
de cette manière n’en nourriroit-on pas un nombre
beaucoup plus grand ? Affurément la quantité du
principe nourricier dans l’écorce des branches du
mûrier efi fi abondante, que les Chinois & les
habitans du Japon, à force de l’amolir, parviennent
à en faire un papier que l’on croiroit fait
avec la foie.
Les avartages que je viens d’indiquer , & d’autres
que l’expérience fournira encore, outre la
grande facilité de l’exécution , donnent lieu d’ef-
pérer que le public fera futfifamment animé à
féconder mes defirs, en tirant tout l’avantage d’une
fubffance ge n era le me n t. r ép an due dans notre pays,
prelque entièrement négligée.
J avois à peine fin» cet écrit, compofé au milieu
des occupations de mon état, fans confulter
perfonne, mais feulement appuyé fur la raifon &
l’expérience , qu’il m’eft tombé entre les mains un
livre qi.i a pour titre : injlruftion fur la manière de
cultiver les mûriers , d1 eUvcî les vers à Joie, &c.
par M. le chevalier Confiant du Châtelet, déjà
connu par différens ouvrages mis au jour; & à
la page 75', il condamne la folie de ceux qui, pour
avoir des vers à foie de bonne heure, font nai-
tre d abord leur femence, ce qui expofe à une
, grande perte, lorfque la gelée brûle les nouvelles .
feuilles des mûriers ; & à ce fujet il rapporte
que M. Pradel, un des premiers de ceux qui ont
entrepris d’écrire fur les vers à foie, & M. de
Bomare , dont nous avons quelques inftruâtions
fur la maniéré de.les élever, nous propofent, comme
un remède , au cas que la gelée nous prive
de la feuille du mûrier , d’en conferver de l’année
précédente. «Faites-la fécher, difent ces auteurs,
» avec tout le foin poffible : confervez-la de ma-
» nière que la pouffière ne l’endommage point ;
” & quand la rigueur de la faifon vous forcera
» de vous en fervir, faites-fa revenir, en la met-
» tant tant foit peu dans l’eau tiède, tirez-la en-
» fuite, eflùyez-la dans deux linges bien fins, &
>» donnez-la à manger à vos vers à foie, en la
» partageant en petits motxeaux, mais fans vous
» fervir de cifeaux ou de*outeaux. »
M. Confiant rapporte avoir tiré le plus grand
avantage de ce moyen, toutes les fois qu’il en a
fait ufage ; il laifîoit la feuille aux branches, pour
mieux la conferver, il en faifoit des petits paquets
& choififfoir'toujours la première, & félon la
quantité de feuilles, il ajoutoit encore une cueil-
Ierèe de firop de mûres. J’ai été encore tiès-fatif-
fait des expériences qu’il rapporte avoir été-faites
par M. Pallavicini, lefquelles- confirment encore
la méthode indiquée; car dans l’efpace de plu-
fieurs années, il a fait nourrir des vers à foie avec
la feuille ainfi confervée, & il en a obtenu le plus
heureux foccès.
Je fuis bien éloigné de croire -que d’autres auteurs
n’aient pas indiqué Je même moyen de
l’iifage des feuilles fèches. Je fais même par M.
Capra, colonel du régiment de Tortonne, que
les induftrieux habitans du Montferrât en font
ufage dans quelques endroits , au-lieu des feuilles
nouvelles; ce qui leur efi très-avantageux. Cependant
comme je fais que perfonne jufqu’à préfent
dans le Piémont, n’a traité ce fujet avec une*cer-
taine étendue , ni n’a propofé le moyen de fe
fervir de l’écorce nouvelle & de la poudre, comme
je l’ai fait au lieu des feuilles récentes, j’efpère
que cet écrit pourra faire quelque heureufe im-
prelfion fur l’efprit de ceux qui font aufli zélés
pour le bien public que pour le bien particulier.
Moyens d*étouffer les Chryfalides dans les cocons,
fans la chaleur du four 6* du foleil qui ont des
inconvéniens.
Le procédé confiffe à mettre du camphre dans
une chambre deflinée à cet ufage, après avoir
étendu les cocons fur des nattes où des claies.
Cette chambre ne doit pas * être trop grande, relativement
à la quantité des cocons; elle doit être
fermee de manière que le camphre ne puiffe pas
s^evaporer au dehors: & il vaudroit mieux qu’elle
fût voûtée. Il faut prendre garde auffi que les cocons
ne foient trop rapprochés.
Une livre de camphre fuffit pour étouffer fuc-
ceflivement lès chryfalides de cent vingt livres de
cocons ; mais il vaurmieux qu’il y en ait plus que
moins. C’eft ordinairement l’affaire de trente-fix
heures.
Si l’on veur que l’opération foit plus prompte ,
on peut prendre trois onces de camphre, le cou-
per par petits morceaux , le mettre dans trois verres
de la meilleure eau-de-vie, & dans un plat vernis,
pofer le tout au milieu de la chambre, fur
un réchaud rempli de charbons ardens, & bien
j fermer la porte. L\ffet de cette évaporation fera
très»prompt ; mais voici la même méthode perfectionnée.
Dans une chambre femblable à celle dont nous
avons parlé, faites conftruire une armoire ou
caiffe de dix pieds de long, fur huit de hauteur &
; quatre de largeur, avec fix tiroirs placés l’un au-
i deffus de l’autre, ayant chacun cinq pouces de
i profondeur ; que le fond de ces tiroirs foit de
’ gros fit-de-fer travaillé en mairies , & laiffez entre
| le fond de l’armoire ou de la caiffe & le tiroir
d’en bas, un efpace de deux pouces de hauteur,
fuffifant pour contenir trois livres de camphre ; le
tout joignant bien & fermé, exactement. Chaque
' tiroir
tiroir contienira environ quatre-vingt livres de
cocons. Au bout de trente-fix heures, vous ôterez
les cocons du tiroir d en-bas, & vous abaifferez
les autres par ordre, afin de les approcher du camphre.
Le tiroir vide fera rempli de cocons frais &
placé tout en haut pour redefeendre à fon tour. De
quinze en quinze heures, vous répéterez la même
opération, en laiffant les cocons que vous retirez
dans la même chambre où fera l’armoire. Cet appareil
pourra fervir pour tout le temps , fans que
vous ayez befoin de le renouveler.
Cette expérience intépffante mérite d’être répétée
avec foin. La qualité de la loie ne peut qu’y
gagner beaucoup, parce qu’elle n’alrère point la
couleur des cocons; la (oie conferve fon brillant,
tes. cocons ne perdent pas de leurs poids, ne s'en-
durciffent pas, leur tiffu gommeux ne fe deffëche
Pas comme au four ou dans une étuve, ce qui
facilite la filature : enfin, on épargne ainfi du
temps , du. bois & de la main-d’oeuvre ; ce qui
compenfe bien les frais occafionnés par l’achat du
camphre & la confiruâion de l’armoire.
Ans & Métiers. Tome VIII.
D d d