
6ï)2 VIN'
on biffe éteindre le feu , & le fyrop étant presque
rèfroidi, on le met en bouteilles qu’il faut
avoir foin de bien boucher.
De la moutarde.
La moutarde eft une fauce demi »-fluide, préparée
en broyant entre des meules de la graine
de fenevé, mouillée & arrofée de quantité fuffi-
fante de liquide pour lui donner fa confiftance
demi-fluide.
Dans une efpèce de barril affnjetti folidement
contre une muraille, font pofées deux meules de
pierre dure, de fix à huit pouces d’épaiffeur chacune,
& de deux pieds de diamettre; la meule
inférieure eff fixée dans fa calife ou barril ; celle
qui la furmonte eff mobile & contenue dans cette
caifle de manière à n’y point vaciller.
Cette meule fupérieure qui eff mife en mouvement
par l’ouvrier, doit avoir au défaut du trou
ou fe place le godet percé qui doit contenir cette
femence ramolie, une rigole partant du centre
& s’en éloignant vers la circonférence de deux à
trois pouces. Sa largeur eft d’un bon pouce, &
ronfent que ceci devient indifpenfable pour obliger
la graine à fe porter du godet dont elle s’échappe
vers l’encre de la meule & enfuite rencontrer la
petite goulette qui, à la circonférence, doit lui
donner occafion de fcr.ir & de fe rendre dans le
pot deftiné à le recevoir. C ’eff en un mot le ré-
lultat d’un mouvement excentrique qui ne permet
d’iflue à la pâte liquide que par un feul endroit.
Sur le devant du .baril , à la hauteur de la
meule immobile, eft une gout.ière. placée obliquement
, à laquelle on adapte au befoin un petit
vafe pour recevoir la moutarde broyée. La meule
mobile eff recouverte d’une efpèce de couvercle
en bois, & eff percée dans fon centre & toute fon
épaiffeur, d’un trou du diamètre d’un pouce, fur
lequel eft un petit godet de faïance, formé en
entonnoir, & percé dans fon fond ; fur le même
couvercle dé bois , à un pouce au plus tout prés
du bord, eft un trou profond de trois pouces ol
affez large pour recevoir l’extrémité d’un bâton
dont l’antre extrémité eff reçue dans le plancher
du lieu où l’on doit travailler, par un autre trou
très-large, & ouvert précifément au-deffus du centre
de la meule.
Lorfque l'ouvrier veut travailler , il prépare fa
graine , qu’il fait macérer & renfler dans de l’eau ;
puis il emplit le petit godet de faïance ; enfuite
prenant à deux mains l’extrémité du bâton ou
levier, qui eft entré par le bord de la meule , &
la promenant circulairement, il fait mouvoir dans
le même lens la meule fupérieure : la graine tombante
fe trouve écrafée entre les deux, & chaffée .
eirculàifement vers les bords, d’où elle s’échappe '
V IN
par la gouttière ménagée au-devant du baril. Cela
forme ce que l’on nomme grofle moutarde. ' j
Si on la fait repaffer une fécondé fois fous la
meule, la moutarde en forrira plus fine, & encore
davantage fi on l’y paffe une troifième fois. On
croit que quelques vinaigriers mettent du vinaigre
au iieu d’eau pour huineéler la graine de fénevé;
d’autres penfent que la première fubftancequi ferveit
à cette opération , étoit le moût ou fuc de raiûa
fraichement exprimé.
Le nombre des chofes qu’on peut ajouter, &
qu’en effet on ajoute dans plu fit tirs pays, eft affez
confidérable. Les allemands y joignent dufucre,
les habitans du Nord y ajoutent du piment, les
amateurs d’aï! y en mettent." Anchois, câpres,herbes
fines, tout ce qui peut ajouter à l’agrément delà
moutarde, & fur-tout le fel pour la conferver,
ont été & font encore mis en ufage pour faire
des moutardes cbmpofées.
On peut auffi ajouter à la moutarde des aromates,
comme cane-le, girofle, mufcàde, &c.
L’art de faire la moutarde eft très-ancien, &
plufieurs villes fe difputent la gloire d’en faire de
meilleure. Dijon, Noyon, Soiffons, &c. ont de
temps immémorial joui d’une réputation bien méritée
à cet égard.
Moutarde Jechet
Nous n’ajouterons qu’un mot fur une moutarde
fèche qui nous vient d’Angleterre & d’Alface:
l celle d’Angleterre eff plus âcre que celle d’Alface;!
l’une & l’autre eft une poudre d’un jaune fale,
dont on prend une portion à mefure qu’on en a
befcin, pour la délayer en forme de pâte liquide
avec de l’eau ou du vinaigre. Ce mélange n’eft
pas agréable dans fa nouveauté, il lui faut quelques
jours pour fe perfeélionner.
La différence qu’on remarque entre la moutarde
fèche d’Alface & celle d’Angleterre , me paroît
dépendre de ce que les Anglois mettent en poudre
le fénevé entièrement êpuitfé de fon huile, dans
les moulins deftinés à ce travail, & que les Alsaciens
y laiffent une petite quantité de cette huile
qui eft douce, & corrige d’autant l’acrimonie du |
marc reliant. Car c’eff une obfervation reconnue,
que les femencts les plus âcres ne donnent pas
■ toujours une huile âcre, & que toute l’acrimonie
demeure dans la pâte épuifée de cette huile; ce
qui eft vrai, fur-tout lorfque les huiles font ex-
traites fans feu , du moins à la chaleur la p*uS
douce.
Vinaigres faljîfiés.
Un bon vinaigre doit être d’une faveur aigre,
V I N
ais fupportable, d’une tranfparence égale à celle
, vin , moins coloré que lui, & confervant un
fift-î du parfum qu’avoit le vin dont il eft iffu.
C’eft fur-tout en le frottant dans les mains, que
ce parfum doit fe développer, comme auffi l’on
apercevra par cette pratique; fort fini pie s il eft
alongé ou rendu acide par l’acide vitrioïique , il
donnera dans ce cas une odeur d’acide volatil ful-
fjreux, qui le démafqucra.
Dé même, fi pour pallier le vinaigre on y a
mis de l’acide vitrioïique à une dofe quelconque,
ce vinaigre fera plus piquant, agacera les dents
de qui le déguftera ; il donnera l’odeur d’acide
fullureux en le brûlant fur du charbon; & fi on
leïature avec de l’alkali fixe , on en obtiendra
u.n vrai tartre vitriolé par la cryllallifation , au
lieu de terre foliée que devroit donner ce mélange.
■
On falfifie auffi le vinaigre avec de l’ acide de
fel mêlé avec beaucoup d eau ; & cette fidfifica-
tiôn eft affez difficile à reconnoitre au goût ; puif-
queGlauben , dit que les végétaux que ion con-
ferve & que l’on confit avec un mélange d’açide
dé fel & d’eau, ont un goût plus agréable, & fe
confervent plus long-temps que quand on les
confit avec du vinaigre. 11 paroit fi perfuadé de
cette qualité de l’acide de fel délayé , qu’il propofe
d’en fubftituer l’ufage à celui du vinaigre, du
verjus & du jus de citron; cet acide ayant outre
cela, dit-il, des vertus médicinales, qui rendent
cette fubftitution à tous égards recommandable.
Quoiqu’il (oit difficile de reconnoitre au goût
cette falfification, cependant il eft facile^ de s en
affurer par la di Ablution d’argent que 1 acide de
fel précipite en blanc ; mais.il eft une faifification
prefqu’impoffible de reconnoitre , plus excufable
cependant , puifqu’elle a l’acide du tartre pour
bafe. Cette falfification confifte à cuire dans un
bocal de verre, de'la crème de tartre avec de
l’efprit de vitriol. L’acide vitrioïique s’ unit avec
l’aikali du tartre, &en fépare l’acide. On obtient
par ce moyen une liqueur, extrêmement acide ,
contenant l’acide du tartre à nu, duquel quelques
gouttes fuffifent pour bonifier une grande
quantité de mauvais vinaigre. C’eft avec cette liqueur
, mêlée à de l’eau , que l’on falfifie le verjus
, le jus de citron , &c.
Lorfque, pour augmenter l’acidité de leur v inaigre,
les ouvriers ont mis avec leurs marcs de
raifin, de la crème de tartre , ou du tartre, ou
du verjus, ou des lies peu égouttées, cette efpèce
d’artifice eft du moins plus conforme à la
phyfiqüe de la chofe ; une portion de ccs fubftances
acides dérivées du vin peut par ce fait etre dif-
foute par le vinaigre qui fe forme , & rentrer dans
la liqueur dont elles étoient iffues. On pardonne -
roitprefque auffi aux vinaigriers d’ajouter des bai-f-
V I N 663
fières de cidre ou de bière , fi ces baifiieres
n’étoient pas plus inacides qu’acides ; & mife s
ià pour augmenter la quantité, fans concourir a
la qualité. Un palais exercé découvrira aifément
ccs additions, fur tout celle des baiffières de cidre ,
par le goût particulier de fruit , que donnera le
vinaigre où il en eft entré.
C ’eft en grande partie pour fauver ces différens
goûts & fubftituer à l’acide du vinaigre une âcreté
qui en impofe. que les ouvriers mettent du pain
de vinaigrier dans leur liqueur. Pour fe convaincre
de fa préfence , outre la déguftation l’on peut expo
fer de parëii: vinaigre à l’air libre ; il louchit
bientôt à la manière des eaux où il fe trouve de
la rèfine , & donne un dépôt réfineux & qui n’eft
pas méconnoiffable.
Mais tous ces moyens annoncent que ces vinaigres
font toujours défectueux &. fuppofent un
i examen a ï hoc, & fait par des chimifles. Veut-
on avoir une preuve fure que du vinaigre éll bon
& pur ? expofez-le à l’air, ou vifitez les environs
du foffet, ou du robinet par lequel On le tire :
s’il eft pur, à coup fur il s’y amaffera une infinité
de moucherons connus fous le nom des mouches
à vinaigre. Les moucherons ne viennent jamais
fur du vinaigre qui contiendroit de l’acide vi-
triolique , cet acide les tueroit ; ou qui contiendroit
des matières âcres , elles les chaflent ; ou
qui feroient vapidey, ils ne veulent que l’efpèce
de muqueux a.ide, qui fe forme aux dépens du
muqueux vineux. Leur abondance ou leur petite
quantité pourroit au befoin fervir à diftinguer fi
du vinaigre eft fort ou s’il eft foiblè : fi bien que,
fur du vinaigre d’Orléans, ces mouches feront
par milliers, Si qpe fur du vinaigre de Paris, ou
de fabrique nue de cette capitale, a peine en verra-
t-bn quelques-unes.
Enfin , plus le vinaigre eft de bonne qualité,
moins il s’altère promptement à i’air libre : ex-
ce tons-en néanmoins celui qu’on a alongé avec
l ’acide vitrioliquî ; loin de s’altérer il fe conferve
très-long temps,; mais les autres devienner.t va-
pides ; Si s’ils font faits de mélanges ou de vins
Je baffe qualité, ils ne tardent pas à prendre l’o deur
fétiae.
De tout ce qui précède, il s’enfuit que tout
vina:gre bien transparent, d’une bonne odeur,
d’une acidité agréable, ne peut être trop exa&~-
ment renfermé dans des barils ou des bouteilles
de verre ou de grès; qu’il le faut garder dans
un lieu frais, tel qu’une cave , & qu’on re doit
jamais le laiffer en vidange. Pour les perfonnes
économes , je confeillerois même de tenir dans
leur baril à vinaigre une couche d’huile de cinq
à fix lignes, qui, furnageant toujours le vinaigre,