
S. Vincent, de Cigale d'Amérique , de Rolle de Mon-
tauban , de Briquet du Bréfil.
L^nature du climat , le temps de la récolte »
Féfpèc&'de leflive dont on^arrofe les feuilles, le
mélange du tabac d’un pays avec celui d'un autre ,
tout contribue à lui donner une certaine couleur ,
faveur & odeur.
Celui de la Havanne & de Séville , vulgairement
appelé tabac d’Efpagne , eft préparé fans
aucune drogue odoriférante ; on le colore ^vec le
rubrica.
Le tabac de Macouba a l’odeur de la rofe. Il eft'
d’une couleur tçès-foncéé : il tire fon nom d'un
canton fituè dans la partie du nord de la MartU
nique , où les'habitansle cultivent.
La nature n’a jamais rien produit en végétaux
dont l’ufage fe foit étendu fi univerfellement &
fi rapidement.^
Le tabac n’étoit autrefois réputé qu’une Ample production
fauvage d’un petit canton de l’Amérique ;
mais depuis que les Européens ont contraâé la
grande habitude d’en prendre , foit râpé en poudre
par le nez , foit en-feuilles au moyen d’une
pipe , ou en maftica’toire, l’on en a prodigieufe-
ment.étendu la culture.
Les lieux les plus renommés où cette plante
croît, fontVèrine , leBréfil, Bornéo , la Virginie ,
, le Mexique , l’Italie , l’Efpagne , la Hollande ,
l’Angleterre.
L’on ne nous apporte point de tabac de l’Afie ,
& notamment de la Chine , où cependant l’on en
cultive & confomme beaucoup.
Historique du tabac.
Le tabac n’a été- commun en Europe que depuis
la découverte de l’Amérique par les Efpa-
gnols.
Cette plante fut apportée en France vers l’ân
15 60. On lui donna alors le nom de ceux, qui l’appor- 1
tèrent les premiers, & même celui des princes
auxquels ils'en firent préfent : c ’efl ainfi quelle
fut nommée Nicothne , herbe du grand-prieur ,
herbe à la reine , herbe de Sainte-Croix & de Tor-
nabone, parce que M. Nicot, ambafladeur eh Portugal
, M. le grand - prieur , la reine Catherine
de Médicis, le cardinal de Sainte Croix, notice
en Portugal , & Nicolas Tornabon , légat en
France, font les premiers qui l’ont mife. en
réputation. Mais le nom de tabac eft aujourd’hui
le plus en ufage : il lui fut donné par les Efpa-
gnols, du nom de Tabago, l’une des provinces
du royaume de Jucatan ou de la nouvelle Efpa-
gne, fur la mer de Mexique, où pour la première
fois ils en trouvèrent, & o ù , à l’imitation des
Indiens, ils en firent ufage.
Cette plante particulière ^ à l’Amérique'', s’eft
néanmoins accommodée à pre.fque ■ tous les climats.
L’ufage qu’on en fait eft devenu fi univer-
fe l, qu’on la cultive dans toutes les parties du
monde.
Lorfqu’on veut cultiver le tabac, ce doit être
dans une terre grade & humide, expofée au midi,
labourée & èngraifl’éë * avec du fumier con-
fommé.
On le fème en France à la fin de mars. Les
Indiens & les Efpagnols le fèment en automne ,
Ou en août au .plus tôt.
Sa culture eft très-.facile : on fait'un petit
trou en terre de la largeur du doigt, on y
jette dix ou douze grains de tabac , on rebouche
le trou.
Lorfque la graine\eft levée, on arrofe le plan
pendant le temps fec , & on le couvre de. pail-
laftbns pendant lé grand froid , afin que chaque
tige fe fortifie davantage. Lorfque cette plante
eft parvenue à la hauteur de trois pieds, on en
coupe le fommet avant qu’elle fleurifle : on arrache
celle qui eft piquée de ver , ou qui
veut fe pourrir.
On connoît que les feuilles de tabac font
propres à être récoltées, lorfqu’elles fe détachent
facilement de la plante, ce qui. arrive ordinairement
vers la fin du mois d’août ; on less
enfile par la tête, & ,on en fait des paquets
qu’on laifle lécher dans un grenier : comme toutes
ces feuille ne font pas mûres à-la-fois, on
laifle la tige en terre pour donner le temps aux
autres feuilles de mûrir, & on ne pinw p a s ,
c’eft-à-dire, qu’on ne coupe pas le fommet des
tiges dont on veut lavoir de la femence pour
l’année d’après.
Les états où cette culture eft permife fe font
un revenu confidérable par l'exportation qu’ils
en, font dans ceux où elle eft prohibée.
Les habitans de la Guyenne & dé plufieurs autres
provinces de France , cultivoient autrefois le tabac
; & quoiqu’ils ne puflent le vendre qu’aux
fermiers-généraux, & à très-bas prix, ils en retiraient
un produit immenfe , & l’argent qpi
en provenoit reftoit dans le royaume.
Cette culture n’eft plus permife aujourd'hui S
& la grande quantité de tabac qui fe\prépare en
France pour fa confommnion , eft achetée chez
les Anglois & chez les Hollandois. N
Ce ri’eft pas7 que celui que l’on cultivoit en
France ne fût pas bon , ni que celui qui croit
à la Martinique, à S. Domingue & à la Loui-
fiane, &c. ne puiffé fuppléer à celui que les
Anglois nous envoient de la Virginie & du
Maryland ; mais des raifons fecrètes nous empêchent
fans doute de penfer à nous procurer
cette denrée par nous-mêmes.
On a eflimé en 1750, que le Maryland & la
Virginie produifoient chaque année à l’Angleterre
plus de cent mille boucauts de tabac ;
qu’il en reftoit à peu-près la moitié pour la
confommation de l’Angleterre , clu e .
-tre partie ètoit exportée ; ce qui enrichil-
foit annuellement cette: nation d’une fomme de
400,000 livres fterling ou 9,200,000 livres de
France.
Comme le tabac vient beaucoup p'us beau
dans les terres nouvellement défrichées , celles
du Maryland & de la Virginie o it preique toutes
été inifes en valeur par cette culture , . fur-
tout depuis que la liberté du commerce cl Afrique
a donné aux hab tmts de ces colonies les
moyens de fe fournir a*un grand nombre de
Nègres. Le produit du tabac eft donc encore
plus confidérable aujourd’hui -pour 1 Angleterre ,
qu’il ne l’étoit autrefois. |
La culture du tabac exige peu de foins en
Amérique. Un feul Nègre p ut ‘ en cultiver cha
que année environ 2000 l i v . , indépendamment
des légumes & autres chofes néceflaires à fa
nourriture.
Il fuffit feulement d’avoir l’attention de châtrer
les tiges , cV ftàd ire , de retrancher les têtes,
afin que les feuilles, qu’on laifle au nombre
de dix au douze‘ au plus y prennent" plus
de nourriture ; de farder & de remuer fouvent
la terre'autour des pièds , & d’arracher les tiges
dès qu’elles, font à leur degré de maturité;
ce que l’ on connoît lo-fque les feuilles deviennent
pointues, d’un vert foncé rnele. de taches
jaunâtres , & qu’elles commencent à fe
rider.
C ’eft alors qu’on les arrache & qu’on les
fufpend pour les faire féchér fous des hangards
qu’on appelle fut ries. Lorfque les feuilles font
fèches;, on les fépare des tiges ; enfuite on les
aflemble par le pédicule au nombre de dix ou
douze, & on les ferre au moyen d’une feuille
dont on les entoure.
Ces efpèces de petites bottes s’appellent ma-
noques : on les difpofe dans des tonneaux qu’on
nomme boucauts ; cës boucauts ont quatre pieds
de haut fur trente-deux pouces de diamètre ; à
la faveur d’ une prefle on y fait entrer jufqu’à
1100 livres de ce tabac en feuilles. C ’eft ainfi
qué le tabac eft envoyé en Angleterre , & que
de là il parvient aux Fermiers- Généraux de
France.
Observations Sur ^es procèdes & la nature du
tabac.
Le tabac que l’on, récoltoit ci - devant en
France, fe cultivoit à peu-p.rès de la même manière
que celui de la Virginie ; on le f.moit
fur couches aux mois de imrs & d’avril ", &
vers la fii de mai, on le tranfplantoit ; on en
faifoit la récolte aux mois d août & de feptem-
bre : on attachoit, au moyen d’une ficelle , deux
ou trois douzaines de feuilles ; on les fufpen-
doit de même fous un. hangard , & lorfqu\elles
étoint à-peu-près fèches, on les faifoit Suer 9
c e f t -à -d ir e qu’on les-faifoit fermenter pendant
environ quinze g ours , en difpofant ces feuilles
par tas de la hauteur de trois pieds.
Par cette fermentation le tabac fouffroitun
déchet d’environ' un quart ; mais , il acquérait
un montant agréable. Il eût été très - poffible
d’augmenter le montant de çe tabac, & de lui
,'rocurer des qualité» peut-être fupérieures encore
à celui qui nous vient .de l’etranger. Comme
ce montant eft le produit de la fermentation
, il n’eût été queftion que ol’arrofèr ces
tas avec des fubftances capables d’exciter une
fermentation douce & long-temps continuée.
Lorfque les boucauts de tabac font arrives
dans nos manufactures, on les ouvre & Ion
défait les manoqôes, en ayant l’attention de
lé parer les feuilles moifies d’avec celles qui font
faines.
d' Le tabac de la Virginie eft plus expofé à la
moifiTure que celui que les fermiers tirenr de
la Holland-" ; cela dépend fans' doute de ce qu’il
n’eft pas aflez deflféché lorfqu on le met dans
les boucauts. On fépare .de même dans le tabac
de Hollande , les feuilles viciées de celles qui
font en bon état.
Les bonnes feuilles de l’une & de l’autre efpèce
font Saucées, c’eft-à dire qu’elles font afp.ergéçs légèrement
avec dé l’eau de mer, ou avec de l’eau
dans laquelle on a fû t di flou dre du fel marin;
mais l’eau de ||Jf eft préférable pour les raifons
que nous déduirons ci - après. On ajoute a ces
eaux un peuv de firop de fucre.
Les mauvaif s. feuilles f nt brulees, & les
cendres qui en proviennent font vendues pour
être employées dans quelques verreries.
Lorfque les feuilles du tabac font préparées
comme on vi nt de le dire, on les met en tas
pendant plufieurs. jours ; c’eft à la faveur de
l’eau dont elles ont été arrofées qu’elles s’amol-
1 liftent & commencent à fermenter.
Au bout de trois ou quatre jours, on porte
A ij '