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T U T H I E.
( Art de préparer la )
P ar le mot de tuthie, les Artîftes entendent une
efpece de fuie ou de fublimation métallique qui
s’attache au haut & aux parois des fourneaux des
fondeurs en bronze; ils lui donnent aufli le nom
de cadmie, à caufe que Cadmus , célèbre fondeur
phénicien, trouva le premier l’art de fondre en
grand, de purifier, d’allier & de jeter en moule
toutes fortes de métaux.
Les Grecs ayant fenti de quelle importance
étoit cet art , firent venir chez eux ce fameux
Artifte , pour y travailler en bronze.
Comme cetteopération exige un alliage de fine,
& que celui-ci fe fublime en partie & s’incrufte
intérieurement contre les parois des fourneaux
dans lefquels on le fond, on y trouve cette fuli-
ginofité qu’on nomme communément la tuthie des
anciens, qu’on appelle par excellence la cadmie des
fourneaux, & . qui a la même propriété que la
cadmie fbffile, pour convertir le cuivre rouge en
laiton.
Cette dernière cadmie, c’eft-à-dire celle des
anciens » diffère de celle que font les Arabes, en
ce qu’ils ne ramaffent celle-ci que dans les fourneaux
où ils font jaunir le cuivre; elle eft auffi
différente de celle des Perfans , en ce que , fi l’on
doit s’en rapporter à ce que difent leurs hiftoriens,
la tuthie eft une production particulière à leur
pays, qui ne fe trouve que dans la Caramanie
ancienne ou le Kirman , fur une montagne à douze
lieues dè la capitale de Cette province.
Ceux qui travaillent à faire de la tuthie, prennent
de la terre de cette montagne, qu’ils pétriffent
avec de l’eau pure , & couvrent de cette
pâte certaines formes de terre grade, qu’ils mettent
cuire dans des fours à peu près femblables
à ceux de nos potiers de terre : lorfque ces formes
font affez cuites, ils les fortent de ces fours, &
ce n’eft qu’en les nettoyant intérieurement, qu’ils
y trouvent ce qu’ils nomment tuthie féranée, &
- que les Perfans diftribuent enfuite dans toutes les
parties du monde. I l y en a d’autres qui prétendent
que la tuthie dont nous venons de parler, fe
fait avec de la cendre mêlée avec le fruit d’un
certain arbre que les Perfans appellent gune.
La tuthie d’Europe n’eft autre chofe que la
crafle de la cadmie foffile ou pierre calaminaire,
qui eft une efpèce de minéral qui contient du zinc
& du fe r , qu’on fait fondre avec le cuivre > &
qu’on regarde comme un excellent remède ophthal-
rnique ou pour les y e u x , en ce qu’elle déterge’ôz
deffèche fans mordre.
Il ne faut point confondre cette dernière cadmie
avec i’arfenic, le cobalt & autres fubftances très-
différentes entr’elles, & auxquelles il a plu aux
Artiftes de donner le nom de cadmie.
On emploie rarement la tuthie fans être préparée.
On la prépare en la mettant au feu , en
l’éteignant trois ou quatre fois dans de l’eau rofe,
& en la pulvérifant fur le marbre.
On en fait un collyre avec de l’eau rofe. Ce
collyre eft beaucoup meilleur que d’employer cette
drogue dans les onguens qu’on nomme ophthalr
miques.
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T U Y A U X.
( Art de construire les )
T iE tuyau eft un canal ou conduit qui fert à
faire entrer l’air, le v en t, l’eau & autres chofes
liquides dans quelques endroits, ou à les faire
fortir.
On fait des tuyaux d’étain, de plomb, de laiton,
pour monter les orgues. Ces derniers font en manière
de caiffes quarrées, les autres font ronds.
Les tuyaux pour la conduite & décharge des
eaux, & pour les machines hydrauliques, fe font
ordinairement de fer fondu, de plomb, de terre
& de bois. On emploie communément pour ceux-
ci, du bois de chêne ou d'aulne.
Les tuyaux de fer fe fondent dans les fonderies
& forges de fer : il y en à manchons & à brides ;
ces derniers fçnt les meilleurs. Leur diamètre eft
fuivant la volonté de celui qui les ordonne , leur
épaiffeur proportionnée à leur diamètre, & leur
longueur comme de deux pieds & demi à trois
pieds, ou trois pieds & demi. On les joint les
uns aux autres par le moyen de quatre vis &
de quatre écrous de chaque, bout , en mettant
entre deux, pour étancher l’eau, des rondelles
de cuir ou du feutre d’un vieux chapeau , avec
du maftic à froid.
Les tuyaux de terre, de grès ou de poterie fe
font par les Potiers de terre ; ils s’emboîtent les
uns dans les autres, ayant tdus un bout plus large,
que l’autre. Pour les mieux unir, & empêcher l’eau
de s’échapper, on les couvre de maftic & de poix,
avec des étoupes ou de la filaffe, à leurs jointures
fur l’ourlet. Iis portent à peu près la même longueur
que ceux de fer : le diamètre eft à diferé-
tion, l’épaiffeur fuivant le diamètre. Quand ils
fervent aux eaux jailliffantes, on les entoure d’une
chemife de chaux & ciment, de fis à fept pouces
d’épaiffeur.
Le tuyaux de bois fe font de chêne, fe percent
par des charpentiers-fontainiers, avec de grandes
tari ières de fer , de différentes groffeurs & figures,
qui fe fuccèdent les unes aux autres ; les premières
font pointues & en forme de pique, comme les
amorçoirs des charpentiers ; les * autres ont une
forme de cuiller par le bout, bien acérée & bien
tranchante, & augmentent de diamètre, depuis
un pouce jufqu’à fix pouces & plus : toutes fe tournent
avec une forte pièce de bois, femblable au
bois d’une tarrière ordinaire. Ces tuyaux s’emboîtent
les uns dans les autres : on les frète de
fer par un bout, & on les affûte par l’autre pour
les emboîter ; & ces joints font recouverts de poix
ou de maftic à froid.
L’on fait de deux fortes de tuyaux de plomb ; les
uns foudés & les autres fans foudure.
Lorfque chaque table de plomb a été fondue
de largeur , épaiffeur & longueur convenables à
l’ufage qu’on en veut faire, & qu’elles ont été
bien débordées, on les arrondit fur des rondins
de bois, avec des bourfeaux & des maillets plats.
Ces rondins font des rouleaux de groffeur & longueur
à diferétion, qui fervent comme d’ame &
de noyau aux tuyaux, & que l’on en tire lorfque
l’ouvrage eft arrondi.
Les deux bords bien revenus l’un contre l’autre ÿ
& fe joignant parfaitement, on les gfatte avec un
grattoir; & ayant frotté de^poix réfine ce qu’on
a gratté » on y jette deflus la foudure fondue
dans une cuiller, que l’on applattit avec le fer
à fonder, & que l’on râpe avec la râpe s’il eft
néceffaire.
Pour les petits tuyaux où la foudure ne s’emploie
pas fort épaiffe, on la fait fondre avec le
fer à fouder, à mefure qu’on l’applique. S’il y a
des endroits où l’on ne veut pas que la foudure
s’a t ta c h e o n les blanchit de craie.
Comme il y a des tuyaux d’un II grand diamètre
& d’une épaiffeur fi confidérable , qu’il
feroit difficile de les foitder fans les chauffer en
dedans, les plombiers ont pour cela des polaftres ,.
c’eft-à-dire, des efpèces de poêles quarrées , faites
de cuivre fort mince, de deux ou trois pieds de
long fur quatre ou cinq de large & autant de haut
dont le fond eft en rond. Ces poêles s’empliffent
de braife| & avec un long manche de bois qu’elles
ont à un bout, fe coulent dans la cavité du tuyau s,
& s’arrêtent aux endroits que l’on veut chauffer
pour les fouder..