
T H E R M O M È T R E .
(Art d’observation du)
o u s nous propofons, feulement de rappro-
cher dans cet article , quelques obfervations
éparfes concernant le thermomètre, Tachant que
fes procédés mécaniques & phyfiques , feront développés
par un conftruétaur habile & renommé ,
avec'tous les détails néceffaires , dans une autre
partie de l’Encyclopédie méthodique.
Le thermomètre eft une infiniment de phyfi-1
que qui fert à faire connoître & à mefurer les
dégrés de chaleur & de froid.
On peut juger du mérite de cette invention
moderne par la manière dont elle a été accueillie;
c ’eft un des inflruments indifpenfables d’un phy-
hcien ; chacun fe plaît à* en avoir pour compa-
ret le froid ou le chaud de chaque jou r, la
température du dehors avec celle de l’appartement.
Avant la découverte de cet infiniment, comment
pouvoit-on juger, dit M. Nollët, des différentes
températures de l’air, de celle des lieux
où il nous importe qu’elle foit d’un degré déterminé,
de l’état de certains mélanges, de certaines
compofitions dont le fuccès n’efl sûr
qu’autant qu’on y entretient telle ou telle chaleur.
Connoiffoit-on d’autres refroidiffemens que
ceux dont on s’appercevoit par le toycher, ligne
tout-à-fait équivoque •? favoit-on que dans les
caves profondes & dans les! autres fouterrains il
ne fait ni plus chaud en hiver ni plus froid en
été que dans toutes les autres faifons de l’année,
ou que s’il y a des différences elles font très-peu
confidérables ?
Sa voit-on que l’eau qui bout long-temps ne
devient pas plus chaude qu’elle ne Tétoit après
les premiers bouillons ; enfin fans lès thernfo-
métres fe feroit-on jamais douté que dans les
pays les plus chauds fous la ligne équinoxiale ,
la plus grande chaleur n’excèoe pas celle que
nous éprouvons quelquefois dans nos climats tempérés.
Auroit-on fu, 8c l’auro.it-on pu croire qu’il
y eût un pays habité par des hommes, où le
froid devient-en certaines année* deux fois auffi
grand & même davantage que celui qui caufa
tant de dèfordre en 1709 en France 8c dans
plufieurs autres parties de l’Europe.
Le phyficien guidé par le thermomètre travaille
avec plus de certitude & de fuccès ; le'bon citoyen
eft mieux éclairé fur (les variatious qui
intéreffent la fanté des hommes & les productions
de la terre, & le particulier qui cherche à fe
procurer les commodités de la vie eft averti de
ce qu’il doit faire pour habiter pendant toute
l’année dans une température à-peu-près égale ,
8c éviter d’échauffer trop des appartements, afin
de ne pas s’expofer à des températures trop contraires
, fubites & dangereufes:
C’eft en obfervant le thermomètre qu’oft donne
à la chambre d’un malade ou à une ferre la température
convenable.
Ce n’efl que par degrés & par nuances infen-
fibles que les découvertes fe perfectionnent : le
premier thermomètre inventé par Drebbel n’é-
toit qu’un tube de verre terminé en haut par une
boule creufe, & plongé. par en bas dans un
petit vafe rempli d’eau colorée, & attaché fur
une planche divifée en cinq parties égales.
Pour mettre l’inftrument en état de marquer
le chaud & le froid, l’auteur appliquait fa main
fur la boule, l’air intérieur s’échauffoit, fe diia-
toit & s’échappoit en paxtie à travers la liqueur
colorée; celle-ci preffée par l’atmofphère entroit
dans le tube jufqu’au milieu ou au trois quarts
de fa longueur; cette liqueur ai nu introduite dans
le tube hauffoit ou baiffoit Tuivant que la température
de l’air extérieur refroidiffoit ou échauffait
celui qui occupoit la boule & la portion du
tuyau.
Ce thermomètre, comme on en peut juger ,
étoit rempli de défauts; il étoit, comme le baromètre,
fujet aux variations du poids de l’atmof-
phère qui, comme l’on fait, ne fuivént pas
celles de fa température : avec tous ces défauts ,
cet infiniment réunifient les points effentiels pour
la confira étion des thermomètres ; cétoit un
fluide très-dilatable renfermé dans un vaifleau
t r a n fp a r e n t , & d’une, figure propre à rendre
fenfibles les moindres changemens que le chaud
ou le froid pourroient caufer au volume.
Cette première idée a fervi de bafe à toutes
les inventions de cette efpèce ; le nombre des
thermomètres qui ont paru depuis eft très-grand,
chacun a employé des moyens divers pour arriver
au même but.
Depuis celui de Drebbel, on compte communément
dix-fept thermomètres , favoir l’ancien
& nouveau de Florence , ou de l’académie Délia
Crufca, d’Amontons, de Farhenheit, de la Hire, du
marquis de Poleni, de la fociéte de Londres ,
de Haies, de Flower, de Newton.
Le thermomètre le plus répandu & dont il
$*agit ic i , eft celui de M. de Réaumur.
Ce thermomètre e ft, comme on le fait, forme
d’un tube de verre terminé par une boule remplie
d’efprit de vin ou de mercure , & fcelle
hermétiquement par l’autre bout ; on trouve dans
fes mémoires imprimés parmi ceux de l’academie
, & dans les leçons phyfiques de M. Nollet
& fonart des expériences, toutes les obfervations
importantes à faire pour la conftruétion de ces
thermomètres ; ils ont l’avantage de partir d’un
point fixe 8c connu , d’être comparables les uns
aux autres & applicables à toutes les épreuves
qui font du reflort de cet infiniment.
M. de Réaumur eft parvenu à tous ces effets,
en prenant pour terme celui que doîine la glace
pilée lorfqu’elle commence à fe fondre ; ce premier
point faift eft marqué avec un f i l , & les
degrés de dilatation ou de chaleur font au-def-
fus , & ceux de condenfation ou de froid font
au-deffous.
L’expérience a appris à MM. de Réaumur &
Nollet que la glace pilée, qu’on tient dans un baquet
en fuffifante .quantité, retient la liqueur du
thermomètre au même point jufqu’à ce qu’il y ait
une grande quantité , comme le tiers ôu la moitié
, tournée en eau ; au lieu que les degrés de
froid |qu’acquiérent les congélations artificielles
( ainfi qu’elles étoient préparées par Farhenheit )
varient beaucoup 8c peuvent produire de grandes
erreurs.
Le terme pris par M. de Réaumur eft beaucoup
plus fixe que. ceux de l’eau bouillante ( pris par
Amontons, Farhenheit & autres ) , ou de la température
des fouterrains ( ainfi qu’ont fait MM.
de Lille & Mikely, qui- ont pris , pour les deux
extrêmes,la chaleur de l’eau bouillante & la température
des caves de l’obfervatoire
M, Bouguer étant à Quito , c’eft-à-dire fous la
Arts & Métiers. Tome VIII,
ligne, plongea la boule d’un thermomètre cle M.
de Réaumur dans la neige dont les montagnes
de ce pays font toujours couvertes, & il vit def-
cendre la liqueur au point de la congélation, tel
qu’il avoit été marqué en France.
Comme on emploie ordinairement cet inftrument
à connoître les différents degrés de froid &
de chaud , & qu’on eft curieux d’en examiner la
marche, il faut avoir attention de placer ce thermomètre
à l’air libre, en dehors des appartements,
pour juger de la température extérieure ; mais
s’il eft appuyé contre un mur, il faut prendre
garde que ce mur ne contienne dans fon épaif-
feur quelque tuyau de cheminée , ou qu’il ne
foit adoffé à quelque four où l’on faffe du feu
en certain temps.
L’expofition doit être au nord ou à peu près
dans quelque place qui ne reçoive jamais ni les
rayons directs , ni même les rayons réfléchis du
fo'leil ; la proximité d’un grand arbre, d’un édifice
, fût-il paffablement éloigné d’une montagne
voifine ,' peuvent caufer des reflets do lumière
très-efficaces ; le pavé même renvoie au premier
étage & aux appartements du rez-de-chauffée une
chaleur qui diffère notablement de celle qui agit
plus haut.
Les momens plus importans pour obferver
le thermomètre, font le matin un peu avant le
lever du foleil, étant l’heure la plus froide de la .
journée, & fur les deux ou trois heures après
midi, étant l’heure la plus chaude dans nos climats.
Quand on regarde la liqueur pour favoir au
jufte à quel degré d’élévation elle eft , il eft né-
ceffaire de placer l’oeil à la même hauteur de la
liqueur ; car s’il eft plus haut, on jugera la liqueur
moins élevée qu’elle ne l’eft en effet, &
s’il eft plus bas , cette même liqueur paroitra trop
haute.
On doit obferver que fi l’on approche de fort
près., fur-tout avec un flambeau ou une bougie
allumée , pour obferver le degré de froid ou de
chaud qui eft défigné par la liqueur du tube, il
peut arriver que celle de la boule reçoive quelque
chaleur qui ne vient point de l ’air, & qui
rende l’obfervation moins exaéte.
Lorfqu’on veut faire part de fes obfervations
fur les différentes températures de l’a ir , & leur
mériter dè la confiante de la part des connoif-
feurs, on doit avoir foin de dire de quelle efpèce
de thermomètre on s’eft fe rv i, en quel endroit
de la terre, & comment il étoit expofé, à quelle
heure & avec quelle attention on l’a obfervé.
- Un obfervateur ayant expofé la boule d’un
excellent thermomètre aux rayons directs du fo..
leil dans un temps où le ciel étoit fans nuages ,
P