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été rogné ou s’il eft de mauvaife fabrique ; ce qui
doit occaftonner une diminution fur l’excédent qu’il
peut trouver ailleurs.
Pour favoir ce que le trop de circonférence d’un
tonneau donne d’excédent, il y fait entrer perpendiculairement
fon bâton jufqu’au fond, il met le.
doigt à la furface intérieure de la douve du bon-
don , voit l’intervalle qu’il y a entre cette ligne &
le diamètre du fond, prend la moitié de cette différence
, & la rapporte à l’efpace qui marque les
feptiers du fond fur le bâton de jauge , 8c en
compte autant qu’il y a de marques.
On fe fért dans divers endroits du royaume,
d’ un autre infiniment pour jauger : c’eft une verge
de bois ou de fer, mais plus communément de
baleine, recourbée à l’une de fes extrémités, longue
de trois pieds fept pouces huit lignes, qui fert
à mefurer particuliérement les pièces à eau de-vie,
& oui porte divers noms , félon les différens lieux
où elle eft en ufage.
A Bordeaux & à Bayonne, on l’appelle verge ;
à la Rochelle, Cognac, l’Ile de R é , 8c dans le pays
d Aunis, on la nomme verte , & velte en Anjou &
en Bretagne.
Les hauteurs & les diamètres de plufieurs me-
fures égaies & certaines d’eau-de-vie, de vin &
autres liqueurs, étant exactement graduées fur
cette jauge, lorlqu’on veut s’en fervir on la fait
entrer dans la futaille jufqu’au bas de la circonférence
des deux fonds, tant d’ un côté que d’autre,
iuivant qu’elle eft plus ou moins enfoncée ; elle
défigne le plus ou moins de quantité de liqueur,
& marque les hauteurs 8c les diamètres des me-
fures que la futaille contient ; ainft on dit : cette
pièce d’eau-de-vie contient tant de verges, de
vertes ou de veltes, pour dire tant de mefures;
chaque verge de liqueur eft eftimée un peu moins
de trois pots 8c demi, le pot valant deux pintes de
Paris.
Chaque Juré Jaugeur doit imprimer fa marque
avec une rouanette, fur un des fonds de la futaille
qu’il a jai^ée : fi la jauge eft bonne, il y fait
un B ; li elle eft trop foible ou moindre, il y met
la lettre M; 8c fi elle eft plus forte, il y marque
un P avec un chiffre, qui fait connoître la quantité
de pintes qu’il y a d'e plus ou de moins.
En cas de fauffe jauge, le Ja»ugeûr, de la marque
duquel la pièce fe trouve empreinte, eft refpon-
fable envei s l’acheteur ft elle eft moindre, & envers
le vendeur fi elle eft excédente : chacun eft .en droit
de demander une nouvelle jauge, dont les frais
font payés par le premier Jaugeur ft fa jauge fe
trouve défectueufe , ôc par celui qui fe plaint lorf-
qu’elleeft jufte.
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L’ordonnance de la ville de Paris , de 1672 ’
défend à tout apprentif Jaugeur de faire aucune
jauge fans avoir fervi auparavant au moins pendant
un an chez an maître Jaugeur ; & au cas qu’il eût
jaugé par ordre de fon maître, & que fa jauge fe
trouvât fauffe, le maître en eft refponfable.
On trouve les Jaugeurs établis dans les ordonnances
de S. Louis, de 1258, dont l’inftitution
& la réception apparrenoient aux Prévôt des Marchands
& Echevins. En 1415 , Charles VI en fixa
le nombre à douze ; favoir, fix maîtres & fix ap-
prentift. En 1596, Henri IV érigea leur maîtrife
en titre d’office, tant à Paris que dans les autres
villes de fon royaume , avec attribution de douze
deniers pour chaque muid. Louis XIII augmenta
le nombre de leurs offices 8c leurs droits en 1633.
En 1645 » Louis XIV fixa le nombre des Jaugeurs
à treize, 8c leur accorda 5 fous par muid ou demi-
queue de v in , cidrej bière, eau-de-vie, verjus,
vinaigre & autres liqueurs entrant à Paris, tant
par eau que par terre. En 1703 , il y eut une nouvelle
création de cinquante-deux Jaugeurs, fous
le titre d’Effayeurs 8c Contrôleurs d’eau-de-vie,
qui, avec les trente-deux de la création du mois
de décembre 1689, & les cinquante de 1690 ,
faifoient en tout le nombre de cent cinquante Jaugeurs
; mais par fon édit du mois de feptembre
1719 , Louis XV les fupprima , 8c chargea les
Prévôts des Marchands 8c Echevins de commettre
quelqu’un à leur place, pour la jauge 8c l’effai des
vins & eaux-de-vie, en leur payant des droits qu’il
fixa par un tarif, 8c qui font bien au-deffous* de
ceux qu’on exigeoit auparavant. Ces commis furent
fixés par l’arrêt du confeil, du 12 feptembre même
année , au nombre de vingt-quatre^ mais les officiers
Jaugeurs ont été rétablis par l’édit de juin
1730.
Jaugeur de navires.
Si les Jaugeurs dont nous venons de parler,
font néeeffaires au commerce, les Jaugeurs de
navires ne le font pas moins à la navigation. L’ordonnance
de la marine, du mois d’août 1681, veut
que pour connoître le port 8c la capacité daun
navire, le fond de cale, qui eft le lieu de fa charge ,
foit jaugé 8c mefuré à raifon de quarante - deux
pieds cubes pour chaque tonneau eftimé pefer
deux mille livres.
Comme le jaugeage des vaiffeaux eft une des
opérations les plus difficiles 8c les plus importantes,
on a fouvent confulté l’académie des fcj erre es
fur cet objet| .afin de favoir quelle étoit la meilleure
de toutes les méthodes qu’on pratiquoit, tant
en France que dans les pays étrangers. Celles que
MM. de Varignon 8c deMairan ont données, font
trop favantes 8c trop géométriques pour être exécutées
par de fi m pies praticiens. Comme il eft
extrêmement difficile de donner une règle certaine
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& uniforme de jauge pour toutes fortes de vaiffeaux
, à caufe de leurs différens gabaris ou modèles,
que les bâtimens à deux ponts ne doivent
pas être jaugés comme ceux qui n’en ont qu’un,
qu’on ne peut point mefu/er une frégate comme
un vaiffeau ordinaire, on fe fert communément
de la méthode fuivame, comme étant la plus
facile 8c celle qui demande le moins de travail.
On a un bâton de trois pieds ou de la longueur
d’une barique. Après avoir mefuré combien un
vaiffeau ordinaire, dont le fond de cale eft égal
par-tout, contient de bariques de long, on voit
combien il y a de pieds de profondeur 8c de largeur
: on multiplie la moitié de la largeur par la
moitié de la profondeur ; le produit ayant donné
la quantité de rangs de bariques, on le divife par
quatre pour en cotnpofer le nombre des tonneaux,
parce que chaque tonneau eft compofé de quatre
bariques.
Si le vaiffeau eft frégate ou fait en façon de
frégate, on prend la longueur des bariques comme
pour ufi vaiffeau ordinaire, en faifant attention,
pour la profondeur, que le fond eft plus étroit 8c
le haut plus large, 8c que par conféquent il faut
compenler l’un par l’autre-.
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Si le vaiffeau eft plus large de derrière que de
devant, on prend les largeurs 8c on les partage
par moitié; ce qu’on fait auffi pour les hauteurs
de devant 8c de derrière , lorfqu’elks font inégales.
Un vaiffeau à deux ponts fe jauge également
par fés longueurs , profondeurs 8c largeurs , en
lui donnant une fixi.ème partie d’augmentation , à
caufe que les ponts font ordinairement chargé»
de marchandifes.
Les Jaugeurs vifitcurs de navires doivent ob-
ferver exaâement fi ceux qu’ils jaugent , font
parqués ou renfoncés de courbatons ou pièces de
bois fourchues qui fervent à lier les membres d’un
vaiffeau ; s’il y a des bancs ou longues pièces de
bois faites en forme de madriers, 8c des genoux
ou pièces de bois très-courbes , qu’on place entre
les varanges 8c les alonges ; fi les varanges ou
pièces de bois entées 8c rangées de diftance en
diftance entre la quille 8c la carlingue , font hautes
8c plates, parce que cela change les proportions,
8c par conféquent le port du vaiffeau, ils doivent
augmenter plus ou moins fur la jauge, félon qu’if
y a plus de hauteur entre les deux ponts , 8c
obferver qu’un vaiffeau vieux porte moins qu’un
neuf.