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tablement le dépérissement total, & le font tomber
dans une efpèce de putrèfaélion. Les chaux de plomb
ayant la propriété de former avec l’acide du vinaigre
un fel d’une faveur fucrée affez agréable, qui n’altère
en rien la couleur du v in, & qui d'ailleurs a la
propriété d’arrêter la fermentation & la putréfaction,
feroient très-propres à remédier à l’aigreur du vin ,
fi le plomb & tout ce qui en provient n’étoient point
des drogues pernicieufes qui occasionnent immanquablement
les coliques les plus terribles, & la mort
même à ceux qui ont le malheur d’en prendre intérieurement.
1' n’eft pas croyablequ’aucun marchand
de vin ,connoi Tant tout le mal que peuvent faire de
pareilles drogues, fo t capable de lès-employer par
appât du gain ; nu is s-il y en avoir de tels, on ne
pourroit les traiter autrement que comme dès em-
poifonneurs publics.
On reconnoît que le vin eft altéré par la litharge
& autres chaux de plomb, in en faifant évaporer
quelques pintes jufqu’à ficcité, & fondant enfuite
le réfidu dans un creufet, on retrouve dans ce cas,
un petit culot de plomb réduit au fond du creufet
après la fonte. Mais une épreuve plus facile & plus
prompte , c’eft de verfer dans le vin un peu de foie
de foufre eu liqueur : fi le précipité que ce foie de
foufreoccafionne toujours, eft blanc, ou n’eft coloré
que par le vin, c’eft une marque que ce vin n’eft
point altéré par le- plomb : fi au contraire ce même
précipité eft fombre, brun ou noirâtre, c’eft une
preuve qu’il en contient.
Les feules fubftances qui puiffent donc, non pas
abforber & détruire, mais mafquer un peu & rendre
fupportable l’aigreur du vin fans aucun inconvénient
, ce font le fucre, le miel, & autres matières
alimenteufcs fucrées ; mais elles ne peuvent réuftir
qu’autant que le vin n’eft encore qne fort peu acide,
qu’on eft obligé que d’en mettre une quantité infiniment
petite : autrement le vin auroit une faveur
aigre-douce, qui ne feroit point du tout agréable. Je
ne ferois néamoins pas du tout furpris qu’on pût remédier
parfaitement bien à l’aigreur, à la pouffe , &
en général à toutes les maüvaifes qualités que le vin eft fujet à contracter avec le temps, fi après une addition
convenable de fucre, on y renouveloii la fer-
mention fpiritueufe : il feroit poflibleen effet, que,
quoiqu’à la rigueur cette fermentation ne puilte retourner
fur fes pas, l’addition d’une nouvelle quantité
de matière fermentefcible venant à fermenter
dans ces vins altérés, & le fpiritueux quiproviendroit
' de cette nouvelle fermentation, fe combinant avec
l’acide développé dans le vin tourné, ne le mafquât
de manière qu’il ne fût plus fenfible. Ce fônt-là des
épreuves qui 'mérirent •afforément d’être tentées ;
‘ mais fi elles produifoient l’effet defiré, ce feroit-!à
' fans contredit le meilleur dé tous les moyens de re-
- méd.er à la pouffe & à l’aigreur du vin.
Mais fi cette rèffource ne réuflit point, il réfulte
v i n
de tout ce que je viens de dire fur le vin qui tourne
à l’aigre, que quand cet accident arrive, il n’y a
aucun bon moyen d’y remédier, & que le feul expé*
dient qu’il y ait de s’en débarraffer, c’efl de le
vendre au vinaigrier, comme le font tous les honnêtes
marchands de vin. Il eft bon d’obferver au
refte que la première fermentation fenfible, poulTée
trop loin, n’eft pas la feule caufe qui faffe tourner lè
vin à l’aigre : la chaleur & la communication avçç
l’air font encore très-capables de produire le même
effet. Ainfi du vin qui le feroit confervé fort long-
temps en bon état, s’il eût toujour été gardé dans des
endroits très-frais,s’aigrit quelquefois très-promptement
pour avoir léjourné, fur-tout pendant l’été,
dans une mauvaifecave, ou avoir été dans des vaif.
féaux en vidange ou mal bouchés; &même comme
les meilleures caves ont pendant tout l’hiver un
degré de chaleur fort fupérieur à celui de l’athmof-
phëre, il feroit très à propos, quand on veut confer.
ver du vin très-fait & difpofè à s’aigrir, de le tirer de
la cave au commencement de l’hiver, & de le laiffer
plutôt expofé au froid pendant toute cette faifon.
Le vin eft encore fujet à éprouver plufieurs autres
altérations, comme de devenir filant & mucilagi-
neux , ce qu’on appelle tourner à la. graïfît, &c. par
l’effet de la fuite de fon mouvement lermentatif
continué. Mais nous ne pouvons fuivre tous ce détails
dans un ouvrage de la nature de celui-ci;
d’ailleurs la fermentation fpiritueufe & fes fuites,
demandent encore de très-grandes recherches pour
être bien connues ; & j’avoue que n’ayant point fait
d’expériences fur ces altérations différentes auxquelles
le vin eft fujet, je ne pourrois rien dire ici
que par conjeCture fur ces objets. Mais nous avons
lieu d’ efpérer que les recherches convenables feront
faites d’une manière fatisfaifante par la fuite; car
plufieurs académies fentant toute l’importance de
cet objet, propofent fucceffivement des fujets de
prix qui y font relatifs. Tout ce que nous pouvons
donc dire pour le préfent, c’eft que les principes fondamentaux,
defquels les connoiflances quelconques
qu’on peut defirer d’acquérir fur cette matière ne
font que des conféquences, fe trouveront en déterminant
à quel degré de chaleur & pendant combien
de temps la fermentation fenfible du moût doit fe
faire, pour obtenir le vin le plus fpiritueux & de la
meilleure garde. J’avoue que cet objet eft des plus
vaftes & des plus dsffici'es à bien connoitre d’une
manière générale, attendu que ces chofes font va*
riables & doivent différer, pt ut*être même beaucoup
plus qu’on ne le pourroit croire, fuivant la nature
du moûr, laquelle varie elle-même prefque à l’ir fi i,
à raifen de la différence des p*ys & des années.
L’expérience & Pobfervation conûmielle des vigne*
rons leur ont déjà fans doute appris bien des chofes
fur ce point ; mais combien nous en refte-t-il encore
à déterminer qui font hors de la portée de ces bons
htbitans de la campagne, & même de la plupart des
propriétaires des grands vignobles !
V I
Les vins quelconques, fournis à la diftillation à un
Aeéré de chaleur qui n’excède point celui de l’eau
bouillante, ne fourniffent d’autres principes que leur
gas s’ils en contiennent, leur phlegme, leur partie
fpiritueufe & une petite portion de l’acide & de
l’huile les plus volatils ; & fi l’on ceffe la diftillation
après qu’ils ne fourniffent plus dt eau-de-vie, le réfidu
de cette diftillation n’eft plus qu’un mélange des
autres principes qui conftituoient le vin.
Ces réfidus font différens fuivant l’efpèce des vins
dont ils ptoviennent. Ceux des vins ordinaires ou
fecs font acides, acerbes, colorés d’un rouge altéré,
fi le vin étoit rouge. Ce que le vin pou voit contenir
de lie & de tartre s’y trouve aufli confondu avec la
partie extraClive acide. Les réfidus des vins de liqueur,
outre ces principes, contiennent encore toute
la matière fucrée qui n’a pas fermenté dans ces vins,
& qui leur donne leur caraCtère de vins de liqueur. Il
en eft de même des réfidus des vins mutés, dont la
fermentation a été arrêtée par l’efpritde foufre, pour
empêcher en tout ou en partie leur principe fucré
de le changer en efprit ardent ; des vins bourrus, tels
que celui d’Arbois, dont la fermentation a été fuffo-
quée avant que toute leur partie fucrée y ait été employée,
& qui par cette raifon font en même temps
iucrés, & pleins.de gas qui les rend très-mouffeux ;
des cidres nouveaux tant qu’ils confervent une
partie de leur douceur, & avant que ce qui leur
relie de principe fucré ait été dénaturé avec le temps
’ par l’effet de la fermentation lente ou infenfible. On
; retrouve dalns les réfidus de la diftillation de tous
ï ces vins ou liqueurs vineufes, la même quantité de
matière fucrée qu’ils contenoient au moment où l’on
; a fait t’analyfe : car cette matière ne monte & ne
| s’a’tère point au degré de chaleur qui n’excède point
l celui de l’eau bouillante ; enforte qu’après avoir été
ainfi féparé de la partie fpiritueufe, elle feroit propre
à fubir elle-même la fermentation vineufe, comme
I fi elle n’avoit jamais fait partie du vin. Mais malgré
la douceur de cette matière dans ces réfidus de vins
I diftillés, l’acerbe & l’acide s’y font toujours fentir
d’une manière très-défagréable, parce que la con-
f flexion de ces différens principes a été détruite, &
que même la partie extraCtive du vin a été altérée
par la chaleür de la diftillation ; de là vient que le
vin ainfi une fois décompofé ne peut plus <e régé-
| nerer en recombinant avec fon réfidu l*eau-de-vie, ;
le phlegme & les autres parties qui en ont été fépa
| rees; & au contraire fi l’on fait évaporer jufqu’cn
I corfiftance d’extrait le réfidu du vin, & qu’on applique
de l’efprit de vin , ce dernier occafionne
flre plus parfaite fépantion du tartre qui y étoit
1 con em,, fuivant l’obfervation qui en a été faite par
M. Rouelle.
Les lies qui, comme on l’a vu , font les fédimens
I qui 'roublert le vin pendant fa fermentation , & qui
I :? ^êpofent avec le rems par la ctffation ou diminu-
| bon au meuvement fermentatif, & par l’effet du
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fpiritueux qui fe produit dans le v in , font un nié"
lange d’une portion de matière mucilagineufe, de
tartre , d’une terre très-fine & très-atténuée, & d’une
partie de la matière colorante réfineufe. Quand elles
font bien raffèmblées, elles font épaiffes & tremblantes
comme de la gelée. Leur liquidité eft due
à une certaine quantité de vin qui les humeCte, &
qu’on en peut féparer par la preffe ;.on en peut tirer
auffi du vinaigre ou de l’eau-de-vie, en les fou-
mettant aux opérations convenables. Suivant M .
Rouelle, qui a examiné avec beaucoup de foin &
d’exaélitude tous les produits de la fermentation
vineufe, les lies provenant des vins qui n’ont point
été éclaircis par des colles animales, après qu’on
leur a enlevé ce qu’elles contiennent de fpiritueux ,
ne fourniffent que du phlegme à une chaleur qui
n’excède point celle de l’eau bouillante ; à une chaleur
fupérieure, on en tire un acide huileux fluor-9
mêlé d’un peu d’alkali volatil ; puis de l’alkali volatil
en liqueur ; du même fel en forme concrète, accompagné
d’huile empyreumatique ; elles laiffent un
charbon qui contient de l’alkali fixe, une terre végétale
, comme tous les autres charbons provenans des
végétaux. M. Rouelle a découvert aufli dans les lies
une quantité fenfible de tartre vitriolé.
Comme les lies, le tartre, & en général tous les
réfidus du vin fourniffent des cendres riches en alkali
fixe, un des principaux ufages qu’on fait des lies
épuifées de vin ou d’eau-de-vie, eft de les fécher &
de les brûler Ces lies féchées fe nomment gravelle, &
les cendres qui proviennent de leur combuftion, cendres
gravelées. L’alkali fixe qu’elles contiennent eft
affez pur, faufia portion de tartre vitriolé que M.
Rouelle y a trouvée. Les cendres gravelées font d’un
affez grand ufage dans plufieurs arts, & particulièrement
dans la teinture, pour les opérations où 1’aCtion
I l’alkaÜ fixe eft néceffaire.
A l’égard des ufages du vin, tout le monde fait que
cette liqueur eft, dé toutes celles qui peuvent fervir
de boiffon habituelle alimenteufe, celle que les
hommes de tous les temps & de tous les pays ont
toujours trouvée la plus agréable, & à laquelle ils
donnent conflamment la préférence fur les autres
boiffons quelconques. On peut dire en général que
celle-ci e ff bonne & falutaire, quand elle eft prife
fobrement & en petite quantité, & qu’au contraire
elle eft nuifible & pernicteufe, quand on en ufe
habituellement tn grande quantité & avec excès : le
vin eft alors un vrai . oifon lent d’autant plusdange-
reux qu’il eft plus agréable, & qu’il eft prefque fans
exemple qu’un amateur de vin qui en a contraété
l’habitude , s’en foit jamais corrigé.
Mais fi l’on obferve avec plus de détail les effets
que produit le vin fur les hommes en général, on
verra ou’il y a à cet égard de très-grandes différences
qui ép nd . nt de celles d_* leurs conft ct .i -ns 0* de
I leurs tempéramens. Il y en a qui en boivent habir