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tuellemeut, même de pur ,8c eii quantité affez 4
grande, fans en reffentif d'incommodité fênfible ,
& fans que cela leur occafionne par la fuite aucune |
maladie, ou paroiffe abréger leurs jours ; mais beaucoup
d’autres auffi détruifent entièrement leur fanté
& abrègent leur v ie , par l’ufage habituel d’une
quantité de vin moindre , & même mêlé avec de
l’eau .'Quoiqu’il foit toujours très-prudent, & beaucoup
plus fur pour tout lè monde , de n’en prendre
que fort peu à fon Ordinaire, cela devient indifpen-
fablement néeeffaire à ceux dont le tempérament ne j
fe prête point naturellement à cette boiffon.
' Comme les. mauvais effets & les maladies qu’oc- '
cafionne un trop grand ufage du vin, viennent par
degrés, & font infenfibles, quelquefois même pendant
bien des années, beaucoup de perfonnes & fur-
tout des hommes, quoique d’ailleurs a fiez fobrés &
affez attentifs à leur îanté, font tous les jours trompés
fur cet article , prennent habituellement plus de vin
qu’il ne leur en faut, eu égard à leur tempérament,
& ruinent peu à peu leur fanté fans s’en aperevoir.
Il eft donc important d’indiquer les fignes auxquels
on peut reconnaître que le vin eft contraire, ou
devient contraire à ceux qui en ufent, afin qu’ils
puiffent fe tenir en garde.
On peut être affuré que cette liqueur eft capable
de nuire, lorfqu’après en avoir pris line quantité
médiocre,l’haleine prend une odeur vineufe, lorf-
qu’il occafionne quelques rapports aigres, de légères
douleurs de tête; lorfque pris en quantité un peu
plus grande qu’à l’ordinaire, il procure des étour-
diffemens, des naufées & l’ivreffe; enfin lorfque
cette ivrefle eft fombre, chagrine, querelleufe, &
portée à la colère ou à la fureur. Malheur à quiconque
le vin fait ces effets, 8c qui, malgré cela ,
contra&e l’habitude d’en boire une cértaine quantité,
& y perfiftei ainfi que cela n’eft que trop ordinaire,
car cette habitude eft très*forte. Ces hommes impru-
dens & infortunés ne manquent jamais de périr misérablement
en langueur & d’une mort prématurée, 1
c’eft-à-dire vers l’âge de cinquante & quelques
années. Leqr maladie la plus ordinaire eft des obftruc-
tions dans le foie, dans les glandes du méfentère, &
dans d’autres vifcères du bas-ventre; ces obftruc-
tions occafionnent prefque toujours une hydropifie
incurable.
Ceux qui digèrent bien le v in , n’éprouvent point,
ou du moins n’éprouvent que d’une manière bien '
moins fenfible, les fymprômes dont nous venons de
parler; leur ivrefle eft fpirituelle, babillarde &
joyeufe : il eft rare qu’ils pèriffent par les obftruéfions
& l’hydropifie dont nous venons de parler ; mais
malgré cela le vin eft d’autant plus dangereux pour
eu x , que n’en éprouvant que des efrets bons &
agréables en apparence , ils font encore plus Sujets
que les autres à s’y livrer & à contraéter l’habitude
d’en boire trop. Les buveurs de cette fécondé
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efpèce. vivent ordinairement ntt .peu plus long*
temps que ceux de la première ; mais il eft extrêmement
rare que leur tempérament ne commence •
à s’altérér avant l’âge de foixante ans ; & le partage
de leur vieilleffe, lorfqu’ils y parviennent J
eft une goutte cruelle, ou la paralyfie, la ftupiditè,
l’imbécillité, & fouvent tous ces maux accumulés
enfemble. 11 eft bien évident d’ailleurs, fans qu’il
fôit befoin d’y infifler, que l’ufàge de,l’eau-de-vie,
des ratafias & autres liqueurs fpiritueufes eft encore
infiniment plus pernicieux & plus meurtrier que
celui du vin même.
, On fe fert du vin en médecine j en qualité d’excipient
dans la compofition d’un affez grand nombre
de médlcameris.tant internes qu’externes. Cette
liqueur étant compofée d’efprit ardent, d’eau, de
matière favonneufe extraâive 8c d’acide tartareux,
eft très-propre à extraire en même temps prefque
tous les principes prochains , & par conséquent
aufll prefque toutes les parties médicamenteufes
des végétaux. On fait par cette raifon plufieurs
extraits avec le v in , & l’on peut même regarder
ces extraits comme plus complets que ceux qui
font faits par l’eau ; mais les. médecins qui les ordonnent,
doivent fe reffouvenir que ces extraits
contiennent , avec les principes du végétal, la
partie extraâive même du v in , c’eft-.à-dire, tous
les principes de ce mixte , à l’exception de fon
efprit ardent, lequel eft trop volatil pour demeurer
dans un extrait.
Comme le vin peut fe conferver pendant un
affez long temps fans altération, lorfqu’il eft bon,
on tient dans les pharmacies différens vins médi-
camentaux prefcrits dans lqs difpenfaires, tels que
les vins aftringent, anti-fcorbutique , fébrifuge de
quinquina, d’abfynrhe , de vin calibé, &c. Il y
a des cas où le vin étant indiqué dans plufieurs
maladies chroniques , comme tonique , fortifiant,
cordial & excitant, les médecins préfèrent de l’employer
plutôt que l’eau , comme excipient ; ils
prefcrivent alors de faire infufer dans le vin, tes
purgatifs , les apéritifs 8c autres médicamens pro-,
près à remplir leurs vues. ( Macquer. )
ObfervatioTïs•
Le moût ou le jus de raifin n’eft qu’un compofe
d’eau, de principe fucré, de tartre 8c de matière
extraéfive. Plus le principe fucré abonde, meilleur
eft le moût, ainfi que le vin qui en réfulte.
Comme ce principe fucré ne diffère en aucune
manière du fucre, on peut, dans les cas où un
moût en renferme trop peu, l’améliorer par l’addition
du fucre. On vient de voir avec quel fucces
M. Macquer l’a employé. Depuis , plufieurs chi-
miftes , fur-tout M. Reufs , ont effayé de bonifier
les moûts par ce moyen, & leur fuccès a furpaffe
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leur attente. Les expériences qu’on a eu occafion
défaire, ont prouvé qu’il ne dépend que de nous
d’avoir par ce moyen , des vins de la force des
meilleurs vins étrangers; 8c il nous fera facile,
fi nous voulons, de leur donner les différens fumets
qui les diftinguent. C ’eft ainfi, par exemple,
que la fleur dé fureau & la reine des prés donnent
au vin le goût de mufcat de Frontignah ; le coflus
arabicus & les raifins fecs, le goût de Malaga ; les
bigarades , le goût de Chérès au Malaga, effet que
produit auffi l’aloès à la dofe d’un quart de grain
par pinte ; la teinture fpiritueufe des Scories qu’on
obtient en faifant détonner parties égales de nitre
& de limaille de cuivre , fert à donner le goût
propre au vin de Portugal; l’éther nitreux, ajouré
en petite quantité aux vins, leur procure ce fumet
de pommes renettes, qui fait l’agrément de plufieurs
vins; un peu de racine d angélique, mife
dans le temps de la fermentation dans le vin , lui
donne le goût du vin de Tockai; & l’on obtient
un vin qui lui eft parfaitement femblable, fi l’on
y ajoute du vin concentré par le froid & du moût
évaporé; le caffis donne au vin rouge le goût
d’Alicante , & on peut imiter les différens vins
rouges avec des vins^rouges fpiritueux, tels que
ceux qu’on obtient en ajoutant du fucre dans leur
; fermentation , en leur mêlant, félon les différens
vins qu’on veut imiter, du jus de framboifes, du
jus de cerifes , de l’iris , du moût évaporé, &c.
Comme dans la fermentation il fe produit de
l’efprit-d«-vin, & que plus un yîu eft généreux,
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plus il contient d’efprit-de-vin, , nous pouvons encore
bonifier nos vins par l’addition de l’alcohol,
pourvu qu’on l’ajoute au moût avant qu’il fermente.
Par le moyen de la fermentation, il fe combine
intimement ail vin , & l’on, peut par ce
moyen obtenir des vins de telle force que l’on
defire; mais' de pareils vins ne font potables qu’au
bout de dix-huit mois. Quant à la quantité qu’on
peut ajouter, elle varie félon la qualité des moûts.
Dans des pays qui ne fourniffent que des vins
médiocres , on peut en ajouter jufqu’à un quinzième.
Si l’on en ajoute un douzième, & outre
cela, du fucre , on çbtient au bout de deux ans dès
vins de liqueur. On doit , prendre de l’efprit-de-
vin de France 8c fur-tout de Languedoc, pour ne
pas rifquer que le vin eontra&e un goût défaw
gréable.
En réunifiant les deux moyens indiqués de bonifier
les vins, le fucre & l’ef,rit-de-vin, on eft
en état d’imiter, dans les plus petits vignobles,
les meilleurs vins.
Quant aux vins déjà faits, on peut les bonifier
confidérablement, en y ajoutant de l’alkali fixe.
Les vins ont toujours une certaine acidité qu’ils
perdent avec la ge; l’alkali l’enlève 8c les fait
paroître plus vieux ; mais comme, par cette addition
, le vin paroît diminuer en force , il faut
y ajouter en même temps un peu de vieille eau-
de-vie de France.