
T A B L E T I E R (Artdu).
I-< E nom de tabletier eft venu des tablettes agréablement
ouvragées qui faKoient autrefois le principal
ob’.et du commerce des ouvriers* de cette
profe filon.
L’art de la tabletterie s’étend à faire toutes fortes
de marqueteries, des pièces de tour délicates ,
& autres menus ouvrages en bois ou en ivoire ;
comme des tric-tracs, des dames, des échecs ,
des tabatières, des lanternes de poche, des peignes
, &c.
Le travail des tabletiers rentre lous plufieurs
rapports dans celui de l’ébénifte , & du tourneur.
Il fait auffi beaucoup d’ufage de la corne des
animaux, fur-tout de la corne de boeuf, ce qui
l’a fait auffi nommer cornetier . ou tabletier en
cornes ; c’eft pourquoi il eft à-propos de faire
connoître la manière de la préparer pour les ouvrages
de tabletterie.
Corne de boeuf, os, ivoire.
La corne de boeuf eft cette partie double, ém:-
nente , contournée, pointue , noirâtre, qui défend
la tête du boeuf.
On en fait grand ufage dans les arts ; on en
fait des manches de differens inftrumens.
On tire de l’extrémité qui eft folide, des cornets
d’écritoire.
On drefle la corne an feu , on l’amollit, on la lime
& polit ; alors on y remarque des marbrures
«rès-agréables.
Pour amollir la corne , la mouler, & lui
donner telle forme que vous voudrez , ayez de
l ’urine d’homme gardée pendant un mois, mettez
y de !a chaux vive & de la cendre gravelée,
ou de la lie de v in , le double de chaux, la monté
de cendres.
Ajoutez fur une livre de chaux & une demi-
livre de cendres, quatre onces de tartre & autant
de fel; mêlez bien le tout; la iffz bouillir
& réduire un peu le mélange, paffez le $ gardez
cette leftive bien couverte.
Quand vous voudrez amollir la corne, Iai£-
fez la repofer dedans pendant une huitaine de
jours.
Ou ayez des cendres de tiges & têtes de pavots
; faites en une leftive, & faites y bouillir
la corne.
Ou ayez de la cendre de fougère, autant de
chaux vive ; arrofez le tout d’eau , faites bouillir
; réduiftz un peu le mélange , laiftez-le en-
fuite fe repofer & fe clarifier; tranfvafez, ayez
enfuite des raclures de cornés, jettez-les dans cette
leftive, laiffez les y pendant trois à quatre jours ,
oignez vous les mains d’huile, pétrifiez la corne,
& la moulez.
Ou ayez du jus de marrube blanc, d’ache ,
de mille-feuilles, de raifort, de chelidoine, avec
vinaigre; mettez-là corne tremper la dedans, &
l’y laifîez pendant huit jours.
Ou ayez cendre gravelée & chaux v iv e , faites
en une forte leftive, mettez y de la raclure de
corne ; faites bouillir la raclure dans la leftive ,
elle fe mettra en pâte facile à mouler. On pourra
même, en ajoutant de la couleur, teindre la pâte.
M. Papillon graveur en bois , qui enfeigne
ces préparations, prétend qu’elles réufliront non-
feulement fur la corne , mais même fur l’ivoire.
Il ajoute que pour amollir les os , il faut prendre
les portions creufes de ceux des jambes
avoir du jus de marrube, d’ache, de mille-feuilles,
de raifort, avec fort vinaigre, en parties
égales; en remplir les e s , bien boucher les ouvert,
rts , en forte que la liqueur ne puiffe fortir •
les enterrer en cet état dans le crotin, & les
y laifler jufqu’à ce qu’ils foient mous.
Pour l’ivoire & les os , on dit qu’il fuffit de
les faire bouillir dans de fort vinaigre.
Ayez aufti du vitriol romain, du fel réduit
en poudre ; arrofez le tout de fort vinaigre • dif-
tillez.
On ajoute que le réfultat de cette diftillatiou
amollira l’os & l’ivoire qu'on y laiflera féjour-
ner; & que fi on fait palier delà ces fubfiances
dans le fuc de bettes, elles s’attendriront tellement,
qu’elles prendront des empreintes de mé-
T A B
dailleS , qu’on rendra durables , en mettant 1
d’abord les pièces imprimées dans le vinaigre.
blanc, & enfuite. dans de l’eau de puits fraîche.
Les- maîtres tabletiers ne font à Paris qu’une
feule & même communauté avec les maîtres
faifeurs & marchands de peignes , qui font qualifiés
dans les fiatuts de leur communauté, maîtres
peigniers, tabletiers, tourneurs, & tailleurs
d’images. Celte dernière dénomination leur eft
venue de ce qu’il eft permis aux tabletiers de
faire des crucifix & autres petites images en bois
ou en ivoire.
Nous allons donner ici une idée de la fabrication
des peignes , qui n’eft pas un des moindres
objets du commerce des tabletiers.
Fabrication des peignes. -
On fait des peignes de diverfes matières & de
différentes façons ; il y en a d’ivoire, d’écailles,
de cornes de divers animaux , St même de plomb ;
ces derniers fervent à donner une couleur ar-
doifée aux cheveux.
Pour faire un peigne; l’ouvrier commence par
débiter la matière qu’il veut employer : la feie
dont il fe fert pour cela eft toute d’acier, à la
réferve du manche qui eft de bois , & un peu
recourbé , pour qu’il puiffe être mieux empoigné :
elle fert principalement à débiter les morceaux de
buis & les dents d’éléphant, pour les réduire en
copeaux y c’eft-à-dire en petites tables de deux
ou trois lignes d’épaiffeur &. de grandeur convenable.
Après cela, il dégroflit les copeaux avec IV-
couane, qui eft un infiniment de fer -d’un pouce
& demi de largeur, & d’environ fept pouces de
longueur. Il a par-deffous des dents d’acier qui
y font ajoutées & rivées : ces d n’t s , qui en tra-
verfent la largeur en forme de rainures , font fort
affilées & tranchantes, placées un peu en talut,
& tournées vers le Bout de l’inftrument : elles »
ont trois à quatre lignes de hauteur, & font à
pareille diftance l’une de l’autre : la queue de cet
inftrument, qui eft auffi de fe r , mais armée de
bois , pour la facilité dé l’ufage , eft tournée fur
le dos de l’écouane , & lui fert de manche &
de poignée : cet inftrument fait l’office d’une ef-
pèce de groffe râpe.
Quand le copeau a été dégrofli , on achève
d e -le parer par le moyen de 1 Uçouanette 9 qui
n’eft autre chofe qu’une écouane plus petire
que celle dont nous venons de parler ; leur
feule différence eft que l’écouanette eft entièrement
d’acier & toute d’une pièce , c’eft-à-dire
que les dents font prifes & limées dans fon épaif-
T A B 27
feur, qui n’eft en tout que de deux ou trois lignes
: le Copeau ainfi paré s’appelle peigne en
façon.
Lorfque le copeau eft en cet état, on y marque
& on y commence les dents du peigne , ce
qui s’appelle amorcer. Cette opération s’exécute
par le carrelet ; c’eft un inftrument d’acier dé forme
triangulaire de quatre ou cinq lignes dans fon plus
épais, finiffant en pointe par un de fes bouts ,
avec un manche de bois de l’autre bout : deux
des côtés ont des dents fort fines ; celui de defiïis
eft tout uni.
On forme & on fépare les dents par le moyen
de Ÿejladou , inftrument ingénieufement compofé
& allez difficile à conduire.
Les deux principales pièces de l’eftadou font
ce qu’on appelle les deux feuillets. Ils fe nomment
ainfi, parce qu’en effet ce font deux feuilles
de feie très-minces, dont les dents font très-
! fines & fort acérées. L’une de ces pièces fe nomme
le haut-feuillet, 8c l’autre le bas-feuillet ; elles tirent
cette diverfe dénomination de là différente
fituation qu’elles on t, & de leur inégalité ; le
haut-feuillet étant de toutes fes dents plus large
que le bas : elles font d’ailleurs femblables , foit
pour l’épaïffeur, foit pour la longueur ; celle-ci
• de fix à fept pouces, celle-là de demi-ligne ou
environ.
Un morceau de bois rond, en tout de quinze
pouces de long , dont la moitié fert de manche ,
& qui a deux pouces de diamètre , fert de monture
aux deux feuillets , les fouùent & les unit
par le moyen d’une double rainure, dans l ’ouverture
de chacune defquelles l’un & l’autre font
enfpncés à force.
Cet inftrument ainfi monté reffemble à une
feie à la main , & c’en eft en effet une ; à la re-
ferve qu’ayant double feuille , elle a doubles
dents.
L’eftadou fe r t, comme on l’a d i t , à féparer
les dents_ des ' peignes , & il eft d’autant plus
commode pour cet, ufage , qu’il peut également
fervir pour les grofles & les menues dents : pour
les faire très-fines, il fuffit de ne point féparer
les feuillets ; pour les faire moyennes, il faut
les féparer un peu , & pour les faire grofles , il
né s’agit que de mettre entre les deux feuillets
une petite languette de parchemin ou de carte ,
pour les tenir plus entre’ouvertes.
Pendant que le peigne eft en façon , c’eft-à-dire
pendant que l’ouvrier en travaille les dent-, il le
tient affujetti par le moyen du gland , qui eft
une efpèce de tenaille toute de bois; il a deux
branches dont celle d’en bas a un long manche
pour l’affermir fur l’établi.
Ces deux parties du gland font pofées l’une
D i j