
65 8 V I N
durant une minute ou deux, puis enfuite dans
l’eau froide; efpèce de préparation qui amollit les
végétaux , les dépouille d’une portion extraâive
amère, & donne occafion au vinaigre de les pénétrer
plus efficacement.
La confervation des cornichons dans le vinaigre,
eft encore devenue un objet de commerce ;
& c’eft dit-on , à Saint-Omer que fe font les
meilleurs. On les eftime à caufe de leur fermeté
& de la couleur verte qu’ils confervent ; car je
ne puis croire que ce foit à l’aide d’un métal
aufii pernicieux que l’efl le cuivre, que les flamands
donnent à leurs fruits cette couleur , que n’ont
pas à la vérité les cornichons préparés' dans les
maifons particulières. Voici la méthode la. plus
connue pour cette préparation.
Après avoir pris le fruit encore petit du concombre,
dans le temps où il a à peine deux pouces
de long & un demi-pouce de diamètre, on l’ef-
fuie fortement dans un linge rude, pour le dépouiller
d’une infinité de petits boutons qui rendent
fa furface raboteufe, de la pouffiére en fleur
dont elle eft recouverte; puis les uns les blan-
chiffent, ainfi qu’il a été dit en parlant des câpres,
tantôt dans l’eau feule, tantôt dans, une légère
leffive de cendres ; les autres les expofent au foleil
jufqu’à ce qu’ils foient un peu ridés , & devenus
flafques, en perdant une partie de leur eau de
végétation. Le plus grand nombre, fans autres
précaution, les rangent tout de fuite dans des pots
de large ouverture ; lorfqu'ils font rangés , on
verfe du fort vinaigre jufqu’à ce qu’il fumage,
& on laiffe le tout couvert durant une quinzaine :
au bout d'e ce temps on vifite les pots; & fi le
vinaigre paroit affoibli, ou tendant à fe moifir ,
on le tranfvafepouren remettre de nouveau , lequel
ordinairement ne fe gâte plus, & tient lés fruits
en bon état. Des perfonnes plus économes ne
jettent point ce premier vinaigre ; mais perfuadées
qu’il n’eft affoibli que par le fuc propre aux
cornichons , ils le font bouillir & évaporer, juf-
jufqu’à ce qu’il ait repris fa première force , &
le rejettent alors fur leur fruit. Dans tous les cas,
le fluide acide, appelé vinaigre , pénétrant dans la
pulpe des cornichons , ou fe délaye avec le fuc de
ces fruits , ou en rend l’état muqueux plus folide,
ou en prend abfolument la place ; & c’eft lorfque
le vinaigre, foit avec toute fon acidité, foit en
fe combinant exa&ement avec la pulpe muqueufe,
femble avoir chaffé le fuc propre du cornichon,
que ce dernier fe trouve non-feulement confervé
pour plufieurs années , mais encore dépouillé d’une
propriété un peu virulente ; qu’ont tous les fruits
du genre des cucurbitacées, fur-tout lorfqu’ils
n’ont pas acquis leur maturité néceffaire.
2°. J’ai négligé jufqu’ici de parler des aromates
que la plupart des économes font dans l’ufage i
V I N
d’ajouter à leur préparation de cornichons ; Ce I
font le poivre, le piment, & autres fubfîances
de ce genre ; d’autres y joignent quelques herbes
telles que la perce-pierre , la fariette , ï’efira^on ■
efpèce d’affociation qui ne corrige point aux cor.
nichons leur virulence, comme le font les aromates
proprement dits.
Sur les principes phyfiques & la pratique économique
établies au fujet des câpres & des cornichons
, l’on conferve de la même manière &
avec les précautions convenables à chaque efpèce
de légumes, des afperges, des cardons, des culs
d’artichauts, des haricots verds , des petits pois
des champignons, des épis de maïs ou bled de
Turquie.; en obfervant toujours de rendre ces légumes
& fruits a fiez attendris pour d’une part abandonner
une partie de leur fuc, & de l’autre prendre
en place le vinaigre. Il faut encore obferver que J
ce dernier , quelque foible foit-il, ne refle pas à
nu avec les fucs muqueux des fruits ou légumes ;
& l’ ufage de le faire bouillir pourTen débarraffer,
eft fondé fur ce que l’acide propre au vinaigre eft
moins léger que les vapeurs aqueufes. Je viens
de dire, en parlant du vinaigre, quelque foible
foit-il, parce que j’ai vu dans plufieurs villes de
la Normandie, & notamment à Rouen, plufieurs
ménagères employer avec fuccès, pour la confervation
des légumes en queftion, le périt vinaigre
ou vinaigre de cidre.
Il fut un temps ou l’on s’amufoit , par pure
curiofité, à conferver dans le vinaigre, des fruits,
comme prunes, raifins , pêches & autres; & on
les voyou au bout.de fix mois encore recouverts de
cette légère pouffiére blanchâtre qu’on appelle la
fleur du fruit, il eft vrai qu’ils n’étoieut pas mangeables,
mais c’etoit toujours un fpeâacle flatteur
que de voir un deffert garni. de ces fruits, dans
les faifons où l’on ne pouvoit encore s’en procurer.
Tous ces rafinemens font tombés en défuétude,
depuis que l’ufage des ferres chaudes fous la conduite
de jardiniers intelligens,, a rendu prefque
toutes les faifons également fécondes en fruits
& légumes de tous les genres ; & que cet artifice,
. autrefois réfervé pour les tables de nôR fois, ou
des modernes Apicius, eft devenu affez généralement
connu pour permettre aux perfonnes aifées de
s’en procurer dans les circonftances de feftins d’un
certain apparat.
Débit du vinaigré.,
Le débit du vinaigre fe fait à la mefure, depuis
le muid jufqu’au demi-quart, & enfuite par pintes,
& les fous-divifions. Le vinaigrier , non-feulement
tient boutique ouverte , mais encore il voiture pat
i les rues fa marchandife pour la vendre au premiet
V I N . I venu, à la plus petite mefure. Sa brouette eft en I tout pareille à celle des manoeuvres qui travaillent
I aux bâtiraens, des jardiniers , & des metteurs à I port. Une roue affez baffe eft à l’extrémité d’un
Ichaflis, ou petit train, dont l’autre extrémité eft I terminée par deux bras ou leviers. Le milieu du I train eft garni de traverfes ; & vers le bout du côté
■ dé.la roue, il y a un montant penché en forme
I de pupitre, foucenu fur les deux bouts où paffe
I l’aillïeu de la roue, par deux pièces de bois : fur
■ le devant il y a pltifieclrs hoches , ou des chevilles
■ & deux fi>rrs montans tiennent fous-le train pré-
I cifément à l’endroit de la bremière travtrfe : fur
I le pied droit ou doffier de la brouette, font des
■ chevilles pour tenir les petites mefures qui s’y
I accrochent par l’ance, un entonnoir de fer blanc,
I & quelquefois de petits barils , ou des pots à
■ moutarde r ie long de ce doffier, eft un baril alongé
K & r o n d , quelquefois ovale, qui a un robinet placé
■ au fond, à gauclie du vinaigrier. Sur le d.-vant,
■ font d’un côté un pot . entouré de bois avec un ;
I couvercle percé , dans lequel eft de la moutarde,
■ qui fe débite avec une cuiller de bois , dont le
■ manche paffe par le trou du couvercle , & de
I l’autre côté, les pintes & pots néceflaires au débit.
I Le vinaigrier ayant une bricole de cuir fur le col,
■ dont lès deux bouts prennent dans les leviers de .
I fa brouette, la foulève , met fes deux mains fur
■ ces leviers, &. pouffe bien droit devant lui fa
■ machine roulante , en criant dans les rues pour
■ annoncer fa marchandife. On l’appelle : pour s’ar-
■ rêter, il fe haine, déiache la bricole , & la brouette
■ fe trouve d’a-plomb fur la roue & les deux mon-
■ tans ou pieds placés fous le train.
I Comme il tranfporte foulent des provifions de
■ douze à vingt pintes de vinaigré à la fois , pour
■ les fournitures de groffes maifons , fon ufage n’eft
■ pas de le tranfporter dans des pots, ou cruches,
■ ou bouteilles, mais dans de petits barils plats,
I qu’il charge & foutient fur fon dos à l’aide d’un
■ levier fait d’un bâton de bois dur, comme buis.
■ Ce levier eft arrondi & courbé vers un des bouts,
■ & la courbure finit par un talon ou hoche qui
I lui permet d’accrocher ce baril par une corde qui
I y tient en forme d’anneau.
Ancienne communauté des vinaigriers.
I L’art du vinaigrier eft entièrement chimique ;
■ il y a lieù de préfumer qu’il a été enlevé à la
■ pharmacie, pour être érigé en corps de comrau-
| nauté. Ces deux corps ont eu en diffèrens temps
K des conteftations qui ont été jugées dans plufieurs
j cours fouveraines, concernant la vente & le débit
■ du vinaigre fimple & du vinaigre compofé.
La communauté des maîtres vinaigriers eft affez
I ancienne à Paris ; elle y fut érigée en corps de
B jurande dans le quatorzième fiècle, fous le règne
V IN 6 5 <)
de Charles VI ; & fes premiers ftatuts, qui lui
furent donnés par le prévôt de Paris, furent homologués
& enregiftrés au châtelet, par fentence
du 28 o&obre 1394.
Ils furent dans la fuite changés & augmentés ,
fur-tout par les lettres de Louis X I I , du mois de
feptembre 1514; celles de Henri I I , de janvier
1548; celles de Charles IX , d’avril 1567; & celles
de Henri I V , de 1594* Ils le furent en dernier Heu
par Louis X IV , en 1658.: l’arrêt d’enregiftrement
eft du 14 mai 1661.
Quatre jurés gouvernent la communauté : l’élection
de deux nouveaux fe fait tous les ans.
Nul n’eft admis à la jurande qu’il n’ait au moins
dix ans de réception. Les vifites générales que les
jurés font tenus de faire, font au nombre de fix
par an.
L’apprentiffage eft de quatre ans , & le com-
pagnonage de deux. Il n’y a que les maîtres de
fepr. années de réception qui puiffent obliger un
apprenti.
Tout afpirant doit faire chef-d’oeuvre , à l’exception
des fils de maître , qui ne doivent qu’une
fimple expérience ; & on ne peut être afpirant
qu’on ne foit apprenti de Paris.
Les veuves jouiffent de tous les privilèges des
ma-î-tres , excepté qu’elles ne peuvent avoir qu’un
feul compagnon criant par la ville.
Les ouvrages & marchandifes que les maîtres
peuvent faire & vendre , font les vinaigres de
toutes fortes, la moutarde, le verjus, & les lies
fèches & liquides. A l’égard des eaux-de-vie &
des efpiits-.vie-vin qu’il leur eft permis de diftiller,
cela leur eft commun avec les ma très diflillateurs
d’eau-forte ; les maîtres limonnadiers & quelques
I autres.
Depuis quelques années les vinaigriers ont perdu
un procès qu’ils avoient intenté aux apothicaires
& aux épiciers, à l’effet de leur faire interdire
la vente du vinaigre ordinaire & des vinaigres
compofés aromatiques ; mais comme ces préparations
fe troüvent dans les difpenfaires de pharmacie
, les apothicaires font obligés d’en être fournis.
Il a "donc été ftatué par arrêt du parlement,
qu’il feroit permis aux apothicaires, de faire &
débiter tant en gros qu’en détail, tous les vinaigres
compofés; de s’approvifionner, comme ils le ju-
geroient à propos, de vinaigre ordinaire, pourvu
qu’ils n’en vendiflènt pas , à peine de 3000 liv.
d’amende ; & il a été défendu aux épiciers d’avoir
chez eux en provifion plus de quarante pintes de
vinaigre , & d’en vendre plus d’une pinte à la
0 Oooo a