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le fond , doit s’y congeler plus promptement qu’à
la furface, quoiqu’elle foit plus froide à la fur-\
face qu’au fond. La raifon de cela eft que l’eau
qui roule au fond , a moins de mouvement que
celle qui fe meut vers la furface ; car fi l ’eau du
fond avoit un mouvement rapide , elle ne s’y con*
geleroit pas.
C ’elt ce roulement & pour ainfi. dire ce mouvement
inteftin de l ’eau dés rivières, qui contribue
à fa bonté & qui en facilite le mouvement pro-
greflif. C ’eft ainfi que les eaux de la furface de la
mer fe mêlent avec celles qui font au-deffous,
à raifon de la preflion inégale de fa furface
lorfqu’elle eft agitée, & qu’elle forme de grandes
vagues ou lames , ce qui contribue à conferver
dans un état de tranquillité celles du fond, qui
font trop profondes pour pouvoir fe reffentir de
l’agitation que caufe la tempête à celles d’en haut.
Lorfque l’eau eut été expofée pendant deux
heures au vent du Ventilateur, fon odeur fe trouva
considérablement diminuée.
Après quatre heures de fouffie , elle étoit aufli
adoucie que l’étoit une portion de la même eau
que j’avois expofée pendant vinçt-quatre heures
à l’air , à la quantité de fix cuillerées..
Au bout de fix heures elle étoit à peu près dans
le même état que cette pinte d’eau dont j’ai déjà'
parlé , & qui avoît été expofée pendant une heure
& demie au vent du Ventilateur ; car l’eau dont
il s’agit y ayant été gardée dans un tonneau à cidre
, n’avoit pas ce goût agréable qu’on trouve
à l’eau fraîche : d’où il eft vraifemblable de croire
que l’eau qui fe fera gâtée dans des tonneaux où
il n’y aura jamais eu que de l’eau , reprendra ,
lorfqu’elle fera expofée au vent du Ventilateur,
un meilleur goût que celle qui aura été gardée
dans des tonneaux où il y aura eu du cidre.
Les parties fuîphureufes & putrides de l’eau
corrompue paroiffent d’une nature très-volatile ;
car lorfque, dans les recherches que j’ai faites
pour rendre l’eau de la mer potable, j’en ai dif-
tillé quelque peu qui étoit très-corrompüe : la
portion qui paffoît dans le récipient avoit une odeur
infupoortable, tandis que celle qui reftoit dans la
cucurbite avoit peu d’odeur.
Il n’eft donc pas furprenant qu’un air nouveau j
qui eft éle&rique & qui attire puiffamment les
parties fuîphureufes, entraîne lorfqu’on fouffle fur
une eau corrompue, les parties les plus volatiles
qui en caufoient la mauvaife odeur, & qui s’enflamment
quelquefois quand on vient à ouvrir les
tonneaux où on la conferve.
J’ai rapporté ici le fuccès des deux tentatives
que j’ai faites pour corriger, par le moyen pro-
pofé, l ’eau corrompue, non dans l’efpérance qu’on
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prendra, fur les vaiffeaux, la peinenéceffrirè pour
corriger à ce degré une grande quantité d’eau,
mais feulement pour faire voir qu’en foufflant
une ou deux heures fur de l’eau gâtée, on peut
en diffipper confidérablement la mauvaife odeur :
il y a peut-être des eaux qu’on ne pourroit parfaitement
adoucir en les expo fa nt long temps au
vent du Ventilateur ; car quoique l’eau de la
Thamfe revienne par ce moyen ', après avoir été
gâtée, cependant j’ai remarqué que celle de fontaine
ne fe corrigeoit pas aufli promptement.
L’eau s’adoucit un peu lorfqu’on laifTe le tonneau
ouvert pendant vingt-quatre heures, comme
il eft arrivé à celle qui étoit reftée dans .le muid,
& qui préfenta pendant un pareil efpace da remps
une grande furface à l’air. Cependant elle avoit
encore une odeur plus forte que l’eau qui étoit
dans un des deux vaiffeaux dont j’ai parlé ci-
deffus, & qui avoit été expofée pendant une
heure feulement au vent du Ventilateur.
Si quelqu’un vouloit fe donner la peine de faire
cette épreuve, il n’auroit befoin pour cela que
d’un tuyau de bois quarré, de cinq pôuçe's de
de diamètre dans oeuvre , qui conduiroit le vent
du petit Ventilateur dans les futailles dont on voudrait
corriger l’eau. Auquel cas il faudroit boucher
le bondon des tonneaux, & y faire de part
& d’autre, vers les extrémités, deux ouvertures
quarrées, l’une defquelles feroit deftinée à recevoir
le tuyau du Ventilateur , & l’autre un bout de
tuyau, propre à empêcher la fortie de la liqueur,
dans les diftérens mouvemens du vaiffeau.
Par ce moyen on peut faire paffer fans ceffe une
colonne d’air agité fur la furfac-é de l’eau, depuis
une des extrémités du tonneau jufqu’à l’autre. U
faut feulement avoir attention de ne remplir la
futaille qu’autant qu’il eft néceffaire pour que l’eau
préfente à l’air une furface affez grande, afin qu’elle
foit expofée à fon ^élion.
Ce font là les différens ufages qu’on peut faire
du petit Ventilateur, auquel on ne fauroit fubfti-
tuer la voile à éven.er.
On peut s’en fervir aufli peur chaffer le mauvais
air des tonneaux de vinaigre , & des autres
grands vaiffeaux des braffeurs, afin qu’on puiffe
•y entrer en fureté pour les nettoyer.,
Je ne faurois abandonner ce fujet, fans dire
quelque chofe en faveur de ceux qui ne peuvent
s’énoncer; je veux dire les jeunes enfans, qu’on
emmaillotte quelquefois d’une manière fi ferrée,
que leur refpiration doit en fouffrir, ce qui paf
conféquent doit leur être fou vent préjudiciable.
En effet, lorfque leur corps délicat eft ainfi ferré
dans les langes, il neft pas poflible que leur poi-
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trine & leur bas-ventre fe dilatent aufli librement
qu’ils le devroient dans le temps de l’infpiration.
Il s’enfuit de là , que non-feulement leur refpiration
doit beaucoup fouffrir de cette compreffion ,
mais que-leur digeliion même doit s’en reflentir,
parce que l’aélion du diaphragme fur l’eftomac,
aide beaucoup à la digeftion : or, le diaphragme
n’agit guères moins de douze cents fois fur ce
vifeère, dans l’efpace d’une heure ; & plus la
force & le nombre de fes mouvemens feront
diminués par la compreffion des langes, plus aufli
la digeftion fera lente Si gênée.
Il y a peu de nourrices qui faffent attention aux
fâcbeufes fuites que peut avoir cette négligence
de leur part , par rapport à la fanté de ces foibles
créatures. Il faudroit emmaillotter bien ferré, celles
d’entre les nourrices à qui on aura de la peine
à perfuader de quitter cette ancienne ôcriéteftable
pratique pour leur apprendre, par leur propre
expérience, combien elles fouffriroient dans cet
état pendant une nuit.
Utilité des Ventilateurs pour conferver toutes fortes
de grains, & les garantir des calandres &c.
Il arrive fouvent ( continue M. Haies ) qu’une
expérience conduit à une autre, & donne lieu à
des découvertes utiles. Les tentatives que j’ai faites
pour conduire une grande quantité d’air par
le moyen des grands Ventilateurs décrits ci-deffus,
ont donné occafion à une découverte qui fera
très-utile aux hommes , en leur fourniffant un
moyen de conferver les grains dans les greniers
& dans les'vaiffeaux, Si de les garantir des calandres
& des autres infeiftes qui gâtent, tous les ans,
& détruifent une prodigieufe quantité de blé dans
le monde. Un marchand efpagnol m’a affuré qu’en
tranfportant du blé, il y a huit ou neuf ans, il en
avoit-perdu dans une feule année, pour la valeur
d’environ 8o,ooo livres fterlings, qui s’étoit gâté.
Il eft cependant très-facile de conferver le blé,
en en renouvelant l’air & le faifant paffer au travers.
Pour cet effet, on clouera fur le plancher
des greniers, des barres de bois ou de grandes
lattes d e fd a g e , à un pouce de diftance l’une de
1 autre ; fuppofé qu’on fe contente d’y étendre deffus
une toile de crin. Mais dans quelques greniers
à drèche * il conviendra de mettre fous les toiles
de crin , une grille de gros fil d’archal ou
des claies d’ofier, & alors ôn pourra mettre les
lattes à deux ou trois pouces de diftance les
unes des autres.
, Les Braffeurs appellent drèche, les grains qu’ils ont
attgermer jufqu’à un certain point, et dont ils ont arrêté
eniuite le mouvement de germination, foit en les faifant
simplement fécher, foit en leur donnant même un certain
l<m<* °e tor^feétion, pour pouvoir les conferver plus
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Il faudra encorè. les tenir ‘à cette diftance, fi
on met par-deffus des lames de tôle perçées de
plufieurs trous , comme on le pratique dans plusieurs
greniers à drèche. Les lattes peuvent être
mifes en travers, fur d’autres barreaux ou chevrons,
qui feront arrêtés à • quinze pouces de diftance
les uns des autres, & dont l’épaiffeur fera
de deux pouces ou plus, afin que l’air trouve un
paffage libre par-deffous.
Les chevrons doivent être 'éloignés par un de
de leurs bouts d’environ fix pouces de la muraille
du grenier, & on pofera fur ce bout & oblique-
meni, une planche qui fera appuyée contre la
muraille & qui formera par ce moyen, un grand
conduit.
Ce conduit ayant une libre communication
avec tous les intervalles qui fe trouvent entre les
chevrons , & au-deffous des barreaux , l’air qui
y eft pouffé avec force & en grande quantité par
un trou, doit néceffairement monter de l’entre-
deux des barreaux à travers le tas de blé qui eft
dans le grenier, & entraîner par conféquent avec
lu i, les exhalaifons humides qui s’en échappent.
On fait que cette humidité ne manque pas de le
gâter lorfqu’elle eft retenue pendant quelque temps.
Par ce moyen on pourra donc garder facilement
le blé pendant plufieurs années, & le conferver
fec & beaucoup mieux conditionné que dans des
voûtes fouterraines , comme il eft: d’ufage dans
certains pays.
Pour m’affurer fi Pair pouvoit, par cette méthode
, être pouffé au travers d’un grand tas de
b lé , j’ai pris un tuyau de bois, de cinq pieds
quatre pouces de long, Si d'environ trois pouces
en quarré de diamètre , mefuré intérieurement.
J’ai cloué au bas de ce tuyau, une plaque mince
de cuivre, percée de plufieurs petits trous , & je
l’ai rempli de fromenr. J’ai ajufté à cette extrémité
du tuyau, par le moyen d’un morceau de
cuir revêtu de veflie, le bout d’un foufflet ordinaire.
En foufflant modérément, l’air trouva un
paffage à travers cette hauteur de blé, & en fortit
avec affez de force pour enlever un morceau de
papier Si foulever une feuille de clinquant.
Je répétai la même expérience avec un autre
tuyau de bois, qui avoit neuf pieds & demi de
long/, où le vent, en montant à travers le blé
foüleva aufli le clinquânt, quoiqu’avec moins de
force que dans le premier tuyau, qui étoit plus
court, parce qu’il trouvoit plus de réfiftance -à
traverfer une grande colonne de froment. Il falloit
donc un foufflet plus grand à proportion, & une
plus grande force ; car le foufflet dont je »me fer-
vois, ne contenoit qu’une pinte & trois demi-
feptiers d’air non-comprimé, ainfi que je m’en
fuis affuré en pouffant tout l’air qu’il contenoit,